Cinéma: Emma… poupée de cire, poupée de son
«Emma» faisait partie des films attendus ce printemps. Il a fait l’objet d’un report de sortie sine die. Néanmoins, les fans ont trouvé la solution pour le voir : le film est disponible en téléchargement du fait de la situation actuelle. Un film d’Autumn de Wilde qui fait voyager, en ces temps de confinement.
Comme un air de «Raison et sentiments» ou encore d’«Orgueil et préjugés», Emma. est un concentré de bons (et mauvais) sentiments où l’héroïne de Jane Austen, arrogante et cupide, pense avoir le don de former des couples dans son cercle d’amis. Manipulatrice et peu sympathique, Emma Woodhouse mise sur sa grande beauté et son intelligence qui ne lui ont jamais fait défaut. Entre quiproquos et non-dits, l’adaptation réussie de la photographe américaine manque certes d’un peu de tension émotionnelle. Le film semble survoler l’intensité des malentendus que l’on a pu vivre dans «Orgueil et préjugés» par exemple. Cependant, la photographie et le jeu d’acteur viennent tout sauver.
Un roman qui traverse le temps
Le roman de Jane Austen, résolument visionnaire, semble encore plus fort, joué en 2020, par des acteurs de la nouvelle génération. L’on se rend compte à quel point l’auteure était féministe. L’adaptation se concentre sur la notion de consentement au mariage (choisir son époux et non se le voir imposé), sur la condition féminine en général. En effet, Anya Taylor-Joy, parfaite en Emma, peut certes s’avérer manipulatrice -et son ego lui joue bien des tours- mais elle est sûre de bien faire. Sa protégée, Harriet Smith, brillamment campée par Mia Goth, est en admiration devant Emma qui l’éclipse souvent, et subit les délires de celle-ci. Emma est persuadée qu’elle est la promise du vicaire Elton, dont les scènes à l’église sont drôles. Josh O’Connor, qui joue le jeune Prince Charles dans la saison 3 de The Crown, montre une autre facette de son talent. L’on suit Emma et son ego démesuré, encouragée par un père présent, silencieux et tellement drôle (Bill Nighy est une évidence pour le rôle) mais peu à peu calmée par un Mr. Knightley qui rappelle un certain Mr Darcy, moins compliqué et plus éloquent, campé par le brillant et charismatique Johnny Flynn. Le casting est parfait. L’on retrouve avec bonheur les acteurs de la série british à succès Sex Education Connor Swindells et Tanya Reynolds, sans oublier l’acteur de Leaving et Glue Callum Turner.
Le pouvoir de l’image
Les personnages de ce roman adapté à l’écran sont de toute évidence la force du film. Le casting étudié et brillant a su donner une belle dimension au premier film d’Autumn de Wilde, photographe de renom spécialisée dans les portraits. D’ailleurs, la photographie est incroyable, le talent et le charisme des acteurs semblent être figés dans les plans, tels des photographies. Les expressions, les regards profonds, les non-dits… l’image révèle tout. D’ailleurs, l’on retiendra cette magnifique scène de danse prolongée où des sentiments naissent sans qu’un mot soit prononcé. Tout est dans l’expression, le mouvement des corps, la chorégraphie. Les mots sont là pour rendre des comptes, pour faire mal. Un film d’une belle fluidité, d’une belle musicalité, qui a su rendre ses lettres de noblesse à un grand roman. Pari réussi pour un premier film. Autumn de Wilde a réussi à proposer, à l’écran, des portraits touchants de personnages à la fois cupides et vulnérables. Élégance et sophistication sont les maîtres-mots de cette mise en scène parfois trop lisse.