La justice de l’UE confirme l’immunité des indépendantistes catalans élus européens
Tous les députés européens sont protégés par une immunité dès le jour de leur élection, a tranché jeudi la justice de l’UE : une victoire pour les indépendantistes catalans qui pourrait remettre en question l’incarcération en Espagne de l’ancien numéro 2 du gouvernement catalan Oriol Junqueras.
L’arrêt des juges européens a été considéré comme une victoire par l’ancien président de la région Catalogne Carles Puigdemont et Toni Comin, les deux autres indépendantistes catalans élus au Parlement européen en mai 2019, qui se sont réfugiés en Belgique.
Ils ont réclamé la « libération immédiate d’Oriol Junqueras, dont les droits fondamentaux sont violés en Espagne, et la révision de son procés » lors d’une conférence de presse à Bruxelles.
Carles Puigdemont a assuré vouloir siéger « aussi rapidement que possible » au Parlement européen.
Il a invité les institutions européennes à abandonner leur « silence complice » et à s’engager dans une médiation pour trouver une solution politique à la crise entre la Catalogne et Madrid.
Alors qu’il était en détention provisoire depuis novembre 2017 après avoir été impliqué dans la tentative de sécession de la Catalogne cette même année, Junqueras a été élu au Parlement européen le 26 mai 2019. Mais la Cour suprême espagnole a refusé de le libérer pour lui permettre de participer le 2 juillet à la session constitutive de l’assemblée de Strasbourg.
Aujourd’hui âgé de 50 ans, il a ensuite été condamné en octobre 2019 à 13 ans de prison pour sédition et détournement de fonds publics.
En statuant que « les personnes qui, comme Junqueras, sont élues membres du Parlement européen, bénéficient, dès la proclamation des résultats, de l’immunité de trajet (jusqu’au Parlement européen) attachée à leur qualité de membre », la Cour de Justice a désavoué la Cour suprême espagnole.
Cela « implique de lever toute mesure de placement en détention provisoire qui aurait été imposée antérieurement à la proclamation de son élection », ont estimé les juges européens.
Si la justice espagnole jugeait nécessaire de maintenir Oriol Junqueras en détention provisoire, elle aurait dû « demander dans les plus brefs délais la levée de cette immunité au Parlement européen », ont-ils ajouté. La requête fait alors l’objet d’un vote en plénière au Parlement et doit recueillir la majorité des suffrages.
La condamnation de Junqueras en Espagne est désormais entachée d’un vice, car il était protégé par son immunité lorsque la sentence a été prononcée, a expliqué à l’AFP une source au sein de la Cour de justice.
La Cour suprême espagnole, qui avait saisi la justice européenne, va donc devoir trancher sur la base de cet arrêt concernant la validité de la peine de prison infligée au dirigeant indépendantiste.
Elle a annoncé avoir donné « cinq jours » au ministère public et à la défense d’Oriol Junqueras pour présenter leurs arguments et prendra ensuite sa décision.
Cet arrêt « nous donne des munitions pour dire que (…) l’immunité signifie qu’ils ne peuvent pas être extradés vers l’Espagne, sauf si le Parlement européen retire leur immunité à la demande de l’autorité espagnole », a déclaré à l’AFP Simon Bekaert, un des avocats de Carles Puigdemont.
« On va maintenant se retourner vers le juge belge (chargé d’examiner les mandats d’arrêt) pour dire que notre client bénéficie de l’immunité et que la procédure en Belgique doit être suspendue jusqu’à ce que l’autorité espagnole ait éventuellement pu obtenir du Parlement européen la levée de l’immunité… Si ce n’est pas le cas, toute la procédure s’arrête, c’est évident », a-t-il ajouté.
« La justice est venue d’Europe. Nos droits et ceux des 2.000.000 de citoyens qui ont voté pour nous ont été violés. Annulation de la sentence et liberté pour tous ! » a lancé Oriol Junqueras dans un message sur son compte Twitter.
Sa formation politique, La Gauche Républicaine de Catalogne (ERC), a demandé « l’annulation du procès et sa libération immédiate ». Le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez recherche le soutien de l’ERC pour son investiture.
Quant au président du Parlement européen, David Sassoli, il a annoncé avoir demandé à Madrid de « respecter l’arrêt ».
Au moment où les indépendantistes remportaient cette victoire à Luxembourg, la justice espagnole annonçait une nouvelle condamnation touchant l’un d’entre eux.
Pour avoir refusé de retirer des emblèmes séparatistes de la façade du siège du gouvernement régional pendant la campagne des législatives d’avril, le président de la région de Catalogne, Quim Torra, a été relevé de ses fonctions pour 18 mois.
« Moi, ce n’est pas un tribunal aux motivations politiques qui me relèvera de mes fonctions. Seul peut le faire le Parlement de Catalogne », en majorité indépendantiste, a rétorqué Quim Torra.