Formation du gouvernement : El Othmani remet les compteurs à zéro
Les tractations pour la formation du gouvernement devront démarrer aujourd’hui avec tous les partis politiques représentés à la Chambre des représentants. Plusieurs options sont envisageables même si le PJD semble tenir encore au scénario de la majorité sortante. Une question se pose : le PJD pourra-t-il s’allier avec le PAM ?
C’est une semaine décisive. Le nouveau chef du gouvernement désigné Saâd-Eddine El Othmani remet les compteurs des négociations à zéro. Il compte rencontrer tous les partis politiques représentés au sein de la Chambre basse, à commencer par le Parti authenticité et modernité (PAM). Le PJD et le PAM qui se sont toujours regardés en chiens de faïence vont-ils finalement enterrer la hache de guerre ? L’expérience démontre que rien n’est figé en politique. Au lendemain des élections législatives qui ont porté le PJD en tête du peloton, le PAM avait annoncé son positionnement dans les rangs de l’opposition.
Cette position pourrait changer au vu des derniers rebondissements, à en croire les propos formulés au cours des derniers jours par le chef de file du parti, Ilyas El Omari. Le bureau politique du PAM devra se réunir demain pour discuter de la situation actuelle et des consultations entre El Omari et El Othmani. «Ce sont les instances du parti qui prendront la décision. On pourrait même, le cas échéant, tenir un conseil national. Toutes les options sont possibles.En politique, il n’y a pas d’ami éternel, ni d’ennemi éternel», souligne aux Inspirations ÉCO le porte-parole du PAM, Khalid Adnoun. Quid de la position du PJD dont les dirigeants n’ont cessé de souligner haut et fort, au cours de la campagne électorale, que le PAM était une ligne rouge ? Pour Mohamed Najib Boulif, membre du secrétariat général du parti de la lampe, El Othmani ouvre des tractations avec les partis politiques représentés au Parlement et il ne s’agit pas de négociations pour entrer au gouvernement. «Nous allons attendre la position du PAM. Si ce parti décide, à titre d’exemple, de soutenir le gouvernement, le PJD ne va pas s’opposer à cette décision. Au contraire, elle sera saluée», affirme-t-il. Tout devra être tranché au niveau du secrétariat général du PJD.
Le parti de la lampe et celui du tracteur comptent à eux deux quelques 227 députés soit un pourcentage de 57,46%. Théoriquement, ils pourraient constituer une majorité confortable mais pour plusieurs ténors du PJD, l’alliance avec le PAM devrait être exclue pour le moment en raison des engagements du parti vis-à-vis de ses électeurs. Le scénario le plus probable est celui de la majorité sortante, selon Mohamed Najib Boulif. Bien que les tractations soient élargies, le PJD semble camper sur ses positions, du moins pour le moment. El Othmani, qui est aussi membre du secrétariat général du parti de la lampe, est appelé par les militants du PJD à adopter la même ligne de conduite que son prédécesseur Abdelilah Benkirane. En homme de consensus, on s’attend à ce qu’il parvienne à convaincre le Rassemblement national des indépendants et le Mouvement populaire à lâcher du lest sur la condition de l’entrée de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) au gouvernement; le point principal qui a constitué la pomme de discorde au cours des dernières semaines. Le parti de la colombe et celui de l’épi, rappelons-le, tenaient à ce que l’USPF ingère l’Exécutif pour former une coalition gouvernementale «forte» sur le plan numérique mais Benkirane et le secrétariat général du PJD étaient intransigeants sur la question.
Le PJD nourrit l’espoir que ces deux partis politiques soient flexibles dans les négociations avec Saâd-Eddine El Othmani. Approché par les Inspirations ÉCO, hier à Rabat en marge de la tenue de la journée marocaine sur le tourisme durable et responsable, le président du RNI, Aziz Akhannouch n’a pas souhaité s’exprimer sur la question.
À ce sujet, donc le RNIste en chef maintient le suspense jusqu’au bout. Quant au secrétaire général du Mouvement populaire, Mohaned Laenser, il estime qu’il faut en premier lieu attendre la rencontre avec le nouveau chef de gouvernement désigné pour connaître son orientation avant de se prononcer. Il précise, par ailleurs, que la vision du MP reste la même : constituer une coalition gouvernementale basée sur la majorité sortante mais élargie pour que le gouvernement puisse avoir de la souplesse dans son travail. «À partir de là, tout se négocie», précise-t-il. En ce qui concerne l’USFP, le chef de file des Harakis souligne que le parti de la rose n’était pas posé comme une condition lors des tractations avec Benkirane mais qu’il s’agissait plutôt «du principe» de la présidence de la Chambre des représentants par l’opposition. «Il faudra arriver de part et d’autre à trouver des solutions de compromis», relève-t-il. En ce qui concerne l’Union constitutionnelle, ce parti pourrait intégrer le gouvernement mais dans le cadre des négociations des portefeuilles ministériels du Rassemblement national des indépendants. Pour le PJD, avec le RNI, le MP, le PPS et l’UC, le gouvernement aura une majorité confortable. Avec cette configuration, la coalition gouvernementale disposera de 220 sièges à la chambre basse, soit 55,69%. S’agissant du parti de l’Istiqlal, des voix au sein du PJD sont toujours favorables pour son entrée au gouvernement mais rien n’indique que le parti de la colombe ait changé de position à l’égard du PI.
À cela, s’ajoute la particularité de la conjoncture interne du parti de la balance qui est à la veille de la tenue d’un congrès décisif pour son avenir. Après plus de cinq mois de retard, l’accélération de la cadence s’impose. Si El Othmani parvient à former sa coalition gouvernementale, il devra passer à une étape non moins difficile, celle des négociations pour la distribution des portefeuilles ministériels. Là encore, le bras de fer risque d’être très serré surtout en ce qui concerne le pôle économique qui est très convoité de part et d’autres, notamment le ministère de l’Économie et des finances, celui de l’Industrie et du commerce ainsi que le département de l’Agriculture. Sur ce point, le parti de la justice et du développement pourrait faire des concessions pour pouvoir enfin former l’Exécutif tant attendu et mettre fin à une inertie dans plusieurs domaines même si les militants du parti et les observateurs estiment que la distribution des portefeuilles ministériels devra refléter le poids de chaque formation politique aux élections législatives.