Opinions

Supply Chain Finance : une opportunité pour renforcer les chaînes logistiques au Maroc

Par Riadh Naouar
Responsable du département conseil d’IFC auprès des institutions financières pour l’Afrique

Les délais de paiement constituent un véritable défi pour la plupart des entreprises marocaines et la situation s’est dégradée davantage avec la crise sanitaire. Les PME, dont l’accès au financement est limité, sont les premières impactées par cette réalité qui affecte considérablement leurs liquidités. De fait, selon la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), les retards de paiement sont à l’origine de 40% des faillites d’entreprises dans le Royaume. Certes, la loi contraint les entreprises, depuis 2015, à effectuer les paiements dans un délai maximum de 60 jours. Toutefois, la mesure demeure peu appliquée dans les faits et certaines entreprises continuent à utiliser les délais de paiement comme variable d’ajustement pour optimiser leur trésorerie, au détriment de leurs fournisseurs. Cette situation n’est pourtant pas une fatalité et des solutions de financement alternatives existent. Parmi elles, les programmes de financement de la chaîne d’approvisionnement, ou Supply Chain Finance (SCF), constituent des instruments efficaces pour aider les grandes entreprises et les PME à améliorer leurs fonds de roulement et à sécuriser leurs chaînes logistiques.

Les programmes SCF permettent de proposer des financements à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement. Ils s’appuient sur des outils technologiques innovants et reposent, généralement, sur un accord tripartite entre un donneur d’ordre (une grande entreprise ou l’État), ses fournisseurs et distributeurs (des PME pour la plupart) et des institutions financières (principalement des banques). Ces dernières, qui sont au cœur du dispositif, développent des produits adaptés aux besoins de leurs clients, comme l’affacturage inversé, qui permet au fournisseur d’obtenir un paiement anticipé de ses factures –à des taux avantageux– et, au donneur d’ordre, de régler le solde final à une échéance prorogée. Déjà en place dans de nombreux pays à travers le monde, les solutions SCF se sont avérées être de vrais dispositifs d’aide aux PME, pendant la pandémie de Covid-19, en leur permettant, notamment, d’avoir un accès continu au financement. Malgré leur succès, ces programmes sont encore peu connus de la plupart des acteurs du marché au Maroc. Les besoins sont pourtant bien là. Afin de mieux les appréhender et renforcer son soutien au secteur privé marocain, IFC a mené une étude –la première du genre au Maroc– analysant plus de 70 entreprises donneuses d’ordre dans 13 secteurs d’activité différents. L’enquête a révélé un potentiel important pour le développement de la SCF dans le pays et a identifié une opportunité de marché d’au moins 80 milliards de dirhams (actuellement bloqués dans les chaînes de valeur et potentiellement finançables par les solutions SCF). Elle a aussi montré un vif intérêt des différents acteurs pour ces programmes. Les raisons en sont nombreuses.

Pour les PME, la SCF constitue une protection contre les délais de paiement et une opportunité d’accéder à des sources de financement stables. Conscientes de l’importance de sécuriser leurs chaînes logistiques, les grandes entreprises cherchent, de leur côté, de nouvelles approches pour soutenir leurs partenaires commerciaux. Quant aux banques, elle représente une opportunité d’accompagner les PME –un segment de marché à fort potentiel de croissance– tout en maîtrisant les risques. Si les possibilités sont immenses, le déploiement à grande échelle de la SCF au Maroc se heurte, néanmoins, à un certain nombre de défis. C’est un véritable écosystème qu’il va falloir, en effet, mettre en place, accompagné d’un processus ambitieux de réformes et d’innovations. Au niveau réglementaire, un cadre qui protège davantage l’ensemble des parties prenantes et veille au respect des règles sera nécessaire. L’environnement législatif devra, également, être amélioré afin de favoriser le développement d’instruments financiers innovants. Sur le plan technologique –élément clé d’un programme SCF–, des plateformes automatisées, qui permettent l’échange de factures électroniques et améliorent la transparence dans le traitement des transactions, vont devoir être créées.

L’expérience, a montré enfin que la réussite des programmes SCF repose sur une démarche collaborative et l’adhésion de l’ensemble des acteurs, à commencer par les grandes entreprises. Ce partenariat est primordial pour soutenir les PME, réduire les délais de paiement et sécuriser l’ensemble de la chaîne de valeur. Les défis sont donc multiples et appellent des réponses audacieuses et coordonnées. C’est pourquoi IFC et Bank Al-Maghrib, ont signé, en juin dernier, un partenariat en vue de concevoir, en concertation avec les acteurs du système financier, une stratégie nationale et une feuille de route pour le déploiement de la SCF au Maroc. À l’heure où l’économie marocaine se relève, peu à peu, du choc causé par la pandémie, il est, en effet, essentiel d’exploiter au plus vite les opportunités offertes par ces programmes, en vue de favoriser une reprise durable, et de permettre à toutes les entreprises du Royaume –petites et grandes– de prospérer et de créer les emplois dont les Marocaines et les Marocains ont tant besoin.


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