Replacer le citoyen-usager au cœur des services publics

Dans son discours prononcé le 14 octobre 2016, devant les membres des deux Chambres du Parlement, à l’occasion de l’ouverture de la première session de la première année législative de la 10e législature du royaume, SM le roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste disait : «[…] Les administrations et les services publics accusent de nombreuses carences relatives à la faible performance et à la qualité des prestations qu’ils fournissent aux citoyens […]». On ne saurait être plus clair : le souverain a mis l’accent, dans ce cadre, sur la relation entre le citoyen et l’administration, qu’il s’agisse des services centraux et de l’administration territoriale, ou des Conseils élus et des services régionaux des départements ministériels.
La gestion des services publics est au cœur d’enjeux politiques, socio-économiques, financiers et environnementaux importants qui lui confèrent une place de choix dans le débat national et international qui agite politiques, acteurs économiques, experts et chercheurs sur les opportunités de modernisation et de transparence des relations entre l’État, les collectivités publiques, les opérateurs privés et les usagers Décentralisation, renforcement des capacités locales, accès aux services publics pour tous : nos collectivités publiques sont confrontées à un défi majeur, celui de concevoir des politiques sectorielles efficaces et de mobiliser des moyens innovants permettant de répondre aux attentes des usagers-citoyens et de leur garantir l’accès aux services publics répondant à des objectifs de dignité humaine, de qualité de vie, de réduction de la pauvreté, et respectant les principes d’égalité, d’équité et de rationalité économique.
Il s’agit en particulier des services de base, ayant par nature un ancrage territorial, qui, du coup, relèvent souvent de la responsabilité des collectivités territoriales et requièrent, par essence, des réseaux d’infrastructures lourdes utilisant l’espace public pour leur développement et leur fonctionnement tels que : la distribution d’eau potable, l’assainissement, l’approvisionnement énergétique, la gestion des déchets, les transports collectifs, l’éclairage public, les télécommunications…etc. Ces services constituent le socle indispensable au développement ainsi qu’au fonctionnement des autres services dits sociaux et/ou culturels. Chacun comprendra aisément, s’il faut illustrer le propos, qu’il est difficile de concevoir un service de santé efficace ou d’éducation, ou de sécurité publique sans eau potable, électricité ou transport… À service de base, questions de base : qui organise ? qui sont les parties prenantes ? Qui sont les acteurs et quelles sont leurs logiques d’intérêts ? Quel mode de gestion choisir et quelle mode gouvernance y associer ? Qui réalise et qui produit ? Quels arbitrages opérer entre les différentes options possibles ? Autant d’interrogations fondamentales que se posent décideurs politiques, autorités locales, élus et gestionnaires territoriaux, opérateurs économiques, organisations de la société civile, universitaires… Ce sont les réponses apportées à cet ensemble de questions qui définissent la gouvernance de ces services et qui impliquent de mettre en place un ensemble de processus traduits dans des arrangements entre parties.
C’est aussi pourquoi la gouvernance des services de base prend souvent la forme d’une gestion contractuelle. «C’est au niveau local que réside l’énergie d’un peuple libre ; les institutions locales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science, elles la mettent à la portée de tous», disait Alexis De Tocqueville (1805-1859), considéré comme l’un des défenseurs historiques de la liberté et de la démocratie, et dont l’intuition visionnaire au 17e siècle, reste aujourd’hui encore d’actualité. D’une démocratie plus représentative, d’un véritable partenariat entre les autorités locales et les hautes sphères de l’État découle une meilleure répartition des tâches pour le bien du plus grand nombre. Il s’agit non pas tant de redistribuer les rôles par principe que de s’assurer des meilleures organisations, et surtout en matière de service de base, des plus efficaces, des plus participatives et des plus transparentes. Désormais, gouvernements centraux ne devraient plus par exemple pouvoir intervenir dans les affaires des autorités locales que dans la seule hypothèse où celles-ci ne s’acquitteraient pas dûment de leurs fonctions… S’il s’agit in fine de garantir ou d’améliorer l’accès des populations, y compris les plus défavorisées, aux services publics, l’issue dépend de tous les «acteurs-partenaires» qui finissent également par avoir tous un rôle, des devoirs, des obligations : qu’ils soient autorités locales, opérateurs industriels, organismes financiers, publics ou privés, prestataires de services de manière générale, organisations de la société civile, comités d’usagers, associations de femmes…etc.
Les attentes de tous les acteurs de terrain doivent être prises en compte de sorte que chacun puisse, à son niveau, humble ou élevé, prendre la part qui lui revient. Part d’information, d’expression, de suggestion, de demande, et plus tard de responsabilité dans les choix faits : celui du mode de gestion, du mode de gouvernance, du mode de financement, choix de la nature même de la relation contractuelle, choix des priorités, choix des contraintes… Ces choix ne relèvent pas d’une décision uniquement politique, mais également et surtout technico-économique et doivent découler d’une étude comparative démontrant l’avantage socioéconomique, répondant à de nouvelles exigences relatives, non seulement aux objectifs de production de ces services, mais également aux attentes des usagers, notamment une plus grande transparence des coûts et efficacité des structures organisatrices, une gestion plus efficiente des ressources et des formes d’organisation qui optimisent la saine gestion des deniers publics.
Mohammed Benahmed
Expert en développement territorial durable