Raison d’État
Le football n’est pas qu’un sport, c’est aussi, souvent, de la politique. Le Maroc le sait très bien pour en avoir faire l’amère expérience au moins cinq fois. Le choix de ce sujet a été dicté par l’actualité, dominée par la sortie surprise du ministre de la Jeunesse et des sports, Rachid Talbi Alami. Ce dernier a pris le microcosme sportif de court en déclarant que le Maroc n’est pas intéressé par l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2019 et d’ajouter qu’il n’a jamais été question de se porter candidat et de remplacer le Cameroun. D’aucuns ont rapidement dégainé, annonçant une «certaine guerre» entre le ministre et le président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), Fouzi Lakjaâ.
Pourtant, ce dernier avait évoqué l’intérêt du Maroc pour cette manifestation, et on comprend bien qu’il ne pouvait s’aventurer sur ce terrain sans en avoir le feu vert. L’organisation d’une telle manifestation est d’abord une affaire d’État. La sortie du ministre n’est donc ni fortuite, ni une position personnelle. C’est un retournement de situation dicté par la raison d’État. Flash-back pour mieux comprendre. Nous sommes en avril 2004.
Le Maroc, après avoir mené une course acharnée face à l’Afrique du Sud pour organiser la Coupe du monde 2010, se voit au bout du compte hors-course en s’adjugeant un nouvel adversaire puissant et redoutable. Le reste de l’histoire, on le connaît. Novembre 2018. La CAF retire l’organisation de la CAN au Cameroun et ouvre les candidatures. Une simple formalité puisque tout le monde sait que le Maroc est favori. Le président du Cameroun se retrouve dans une situation délicate devant son peuple puisqu’il leur a promis cette fête sportive. Rabat, au fait de ce qui s’écrit et de ce qui se raconte dans les salons de Douala, décide de faire marche arrière et de couper l’herbe sous les pieds de Pretoria. Un coup de maître qui se joue loin des clameurs des stades.