Passage à GMT + 1. L’irréversibilité ?
Après les remous suscités par la décision gouvernementale consistant à mettre le Maroc d’une façon permanente sur le fuseau horaire de GMT+1 ou ce qui est convenu d’appeler l’horaire d’été, il semblerait que l’on s’oriente enfin vers la confirmation de cette option. Le dernier rapport de synthèse publié récemment par le ministère de la Réforme administrative et de la fonction publique plaide, sans hésitation, dans ce sens. Rappelons que ledit rapport fait partie d’une étude réalisée en deux étapes : la première partie portant sur l’évaluation du système de changement d’horaire pendant la période 2012-2017 a été remise en octobre 2017 ; la deuxième portant sur l’évaluation de l’adoption de l’horaire d’été durant toute l’année vient d’être rendue publique tout récemment du moins dans sa version synthétique. C’est à cette dernière que le présent article s’intéressera. Sans rentrer dans les détails de ce rapport qui peut être consulté sur le site du ministère, on peut affirmer sans risque d’être contredit qu’il s’inscrit dans la continuité des conclusions dégagées auparavant dans la première partie de l’étude. Il est venu, en quelque sorte, pour appuyer une position déjà arrêtée. Ainsi, à la lecture de ce rapport, on sortira avec une impression générale que le Maroc a tout à gagner en adoptant définitivement l’horaire d’été et en enterrant à jamais le fuseau horaire GMT qui est en parfaite symbiose avec l’horaire biologique.
L’impact de ce passage est jugé favorable sur tous les plans : au niveau social (plus de sécurité), au niveau du système éducatif (avec certaines mesures d’accompagnement), au niveau énergétique et environnemental (une économie substantielle de notre consommation énergétique et par conséquent une baisse de notre émission de gaz carbonique), au niveau économique enfin (stimulation de la demande et encouragement de certaines activités liées aux loisirs et au temps libre )…Bref, tout est beau, tout est parfait dans le meilleur des mondes imaginables ! Audelà d’une telle conclusion idyllique et par trop optimiste qui se dégage du rapport, il nous semble utile de verser dans le débat un certain nombre de remarques et de questionnements sachant, de notre point de vue, que le dossier est loin d’être définitivement clos comme on l’aurait pensé, à tort, dans certaines sphères car la grogne populaire n’est pas définitivement étouffée et pourrait se déclencher à tout moment. Le rapport fait référence aux consultations avec plus d’une vingtaine d’intervenants et plus d’une quarantaine de responsables sans les préciser nommément. C’est une lacune non négligeable lorsqu’on sait que le choix des personnes interviewées et consultées est déterminant dans la pertinence des résultats et conclusions.
Par ailleurs et c’est une entorse méthodologique de taille, l’étude s’est déroulée dans un espace géographique limité, en l’occurrence la Région Rabat-Salé-Kénitra, passant outre les spécificités des autres régions du Maroc profond. Or, c’est justement dans ces dernières que les problèmes apparaissent avec plus d’intensité. En fin de compte, l’échantillon choisi ne nous paraît pas représentatif pour une enquête statistique pertinente.
D’ailleurs, en préconisant l’amélioration de l’éclairage en milieu rural parmi les mesures d’accompagnement pour améliorer la sécurité, on a l’impression que le bureau d’études à qui on a confié la réalisation de cette réflexion a une connaissance somme toute limitée de la réalité du monde rural. Pourtant, Il suffisait de quitter les salons climatisés de Rabat pour voir de visu, à quelques kilomètres, cette réalité rendant inefficiente leur proposition car, on a affaire pour l’essentiel à un habitat dispersé et non regroupé dans des centres ruraux comme l’auraient imaginé sans doute les rédacteurs dudit rapport. En définitive, la conclusion générale que l’on peut tirer de ce rapport est la suivante : on dirait qu’il s’agissait plus d’apporter des justificatifs aux réponses surfaites que de proposer des réponses appropriées aux questions qui se posent. La logique analytique a été, en quelque sorte, inversée. C’est pour cela que nous pensons que de telles études, malgré leur importance, ont de faibles chances de convaincre puisqu’elles manquent de rigueur, voire de méthode. L’avenir proche nous apportera la preuve. Dans tous les cas, c’est le débat démocratique qui doit trancher en dernière instance. L’étude n’est qu’un instrument de travail et un moyen d’aide à la prise de décision.
Abdeslam Seddiki
Ex-ministre de l’Emploi et des affaires sociales