Opinions

Nos villes, à notre image ?

Les zones urbaines ont connu, ces dernières décennies, un développement sans précédent. Quelque 50% de la population mondiale, soit plus de 3 milliards d’individus, vivent dans des villes ou des habitats urbains. Chaque jour, la croissance des villes dans le monde représente une surface équivalente à 110 km2, soit à peu près la superficie de Paris ! Dans le monde arabe, la population urbaine représente 57% de la population globale. Cette tendance semble devoir se poursuivre avec certains risques notamment dans les pays pauvres. Elle modifie l’organisation des espaces urbains et introduit de nouveaux besoins en termes de transports et de mobilité.

En outre, elle est à l’origine de nouveaux défis du point de vue du respect de l’environnement, de la qualité de vie et des inégalités sociales. La ville est un espace censé être rationnellement pensé pour assurer un lien social. Certes, à l’origine, sa vocation était de proposer une solution d’hébergement, de vie commune répondant à un certain nombre d’exigences en matière de salubrité et de confort. Elle est une mosaïque, un espace d’expression de notre identité et de nos différences. Dans son évolution se lit notre parcours socio-économique et s’avouent les contradictions qui composent notre société…Dans tout espace urbain s’inventent des «frontières» délimitant chaque quartier qu’il faut savoir abolir pour faire émerger un espace harmonieux régi par le vivre ensemble.

Toutefois, la question n’est pas de savoir s’il faut amplifier les zones urbaines, mais comment le faire ? Assurément, les villes concentrent des personnes de statuts et d’origines multiples en même temps qu’elles révèlent les divisions sociales et la fragmentation de l’espace: elles réunissent les hommes comme elles peuvent les séparer, les tenir à distance ou carrément devenir des vecteurs d’isolement, de frustration et de tensions sociales. D’emblée quelle est la place de la puissance publique dans la formation et le développement de la ville ? La ville sert-elle un intérêt public ou privé ? Est-il donc possible de tenter de construire des lieux qui soient plus que des logements ? Est-il opportun de répondre à des problématiques de villes uniquement par un souci quantitatif, de disponibilités de logements alors qu’elles relèvent de gouvernance et de management plus complexes : en termes d’espace, d’infrastructures, de format et de fonction, mais aussi en termes de mode de vie et de choix d’efficacité énergétique.

En dépit de leurs bonnes intentions, les pouvoirs publics semblent avoir très peu de prise sur un marché immobilier qui se déploie en altérant le paysage social, identitaire et culturel de plusieurs de nos villes. De surcroît, ces pouvoirs se sont montrés très favorables à la construction de logements sociaux et à l’émergence de nouveaux quartiers sans cohérence globale et sans accompagnement infrastructurel. Cette orientation se restreint à des visées conjoncturelles se détournant des fondamentaux d’un vivre ensemble durable. Il est certain que l’approche souvent adoptée est l’«approche produit» au lieu de celle du bien-être et de l’épanouissement.

L’urbanisme est souvent conçu comme un empilement d’habitations sans prendre en compte les besoins des citoyens dans leurs évolutions et dans leurs interactions avec leur environnement, cela influe sur la fragilisation des mixités sociales, car les gens se regroupent puis se renferment sur eux en devenant des microcosmes autorégulés, vivant dans une sorte de «dé-liaison» et d’atomisation. L’anarchie et le manque de cohérence dans le domaine urbain sont en mesure de générer des catastrophes : «apartheid urbain», discordances et désordres, atteintes environnementales, violences interurbaines…Ils alertent aussi sur le fait qu’il ne faut pas abandonner les villes aux seules logiques du marché, de la spéculation immobilière ou du souci primaire d’hébergement.

Autrement s’accroîtront, immanquablement, la fragilisation de tant de quartiers, leur isolement et leur exposition à des formes de récupérations idéologiques, voir d’«extrémisation» qui menacent sérieusement l’équilibre de beaucoup de nos villes. Les projets facilitant les liens et l’approchement dans les villes atténuent les effets «cloisonnant» des quartiers en les muant en des espaces de vie, de brassage, de rencontre et d’apaisements sociaux. Ils agissent efficacement contre les processus de séparatisme et de proscription sociale quand ils sont orientés par de véritables stratégies de gestion et de développement socio-économique. Aussi le développement d’espaces culturels, d’espaces verts et le recours à un aménagement responsable de nos villes sont incontournables. Ils permettront la préservation de leurs atouts, de leur attractivité par l’invention de nouveaux paradigmes de citoyenneté urbaine. 

Mounir Ferram
Docteur de l’Université Paris VII
Diplômé arts et métiers Paris.


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