Modèle de développement. Le Gouvernement parallèle des jeunes dévoile sa contribution
Abdeslam Seddiki
Économiste et ex-ministre de l’Emploi et des affaires sociales
C’est au cours d’une rencontre avec la presse, vendredi dernier, que le Gouvernement parallèle des jeunes (GPJ) a rendu publique sa contribution au Nouveau modèle de développement (NMD). Ce document, qui sera remis incessamment à la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), est articulé autour de sept axes: le développement économique et la consolidation de la gouvernance, la connaissance et l’IA, le développement des services sociaux, l’environnement et le développement durable, l’aménagement du territoire et le développement spatial, la jeunesse dans les politiques publiques, le développement politique et la ville. Outre ces axes présentés dans l’ordre, le document comporte un axe dit «stratégique» portant sur les relations Maroc-Afrique et une annexe consacrée aux revendications des utilisateurs des réseaux sociaux. Sans commenter l’ensemble de ces questions et les propositions concrètes avancées pour chacun des axes précédents, on se contentera d’insister sur les thèmes qui ont le plus retenu l’attention de nos jeunes ministres, à savoir l’éducation, la santé, l’emploi et les problèmes relatifs à la jeunesse. Au sujet de l’éducation et de la recherche scientifique, on retiendra un certain nombre de propositions originales telles que l’instauration d’une contribution des entreprises à l’économie du savoir de l’ordre de 1% de leurs actifs nets, la révision des méthodes pédagogiques, la formation continue des universitaires (professeurs et administratifs), le développement de l’innovation pour promouvoir le «Made in Morocco».
Cette dernière proposition nous paraît extrêmement importante pour valoriser notre production nationale et en particulier les produits du terroir et les produits de l’artisanat.
Par ailleurs, la formation continue ne doit pas se limiter aux seuls cadres universitaires, mais elle doit intéresser tous les travailleurs, qu’ils soient manuels ou intellectuels, car les métiers évoluent très vite, les connaissances et les technologies deviennent rapidement obsolètes sous l’effet de nouvelles découvertes. C’est dans ce sens qu’il faut saluer l’audace du GPJ d’avoir abordé la problématique de l’intelligence artificielle (IA) qui est, dit-on, une arme à double tranchant dans la mesure où elle comporte des aspects positifs certains (améliorer le vécu des citoyens, réduire le gap technologique qui nous sépare des pays développés), mais également des risques sur les relations sociétales et l’économie si on n’y prend pas garde.
Au chapitre santé, il y a lieu de retenir l’idée d’un «pacte national pour la santé» élaboré à la suite d’un débat national sur le secteur et dont les rédacteurs ne précisent ni les missions, ni les finalités. De même, la proposition de mettre en place une véritable politique de régionalisation dans le domaine de la santé en transformant les directions régionales en entités jouissant d’une autonomie financière et administrative, à l’instar des AREF, mérite d’être prise en compte. Même s’il souligne la responsabilité des pouvoirs publics dans la garantie du droit à la santé, le GPJ n’écarte pas la participation du secteur privé dans le cadre d’un partenariat mutuellement bénéfique.
À cette fin, il est proposé de faire des cliniques privées des «institutions patriotiques» qui investissent dans le développement humain, au lieu d’être de simples entreprises à la recherche du profit! Sur l’emploi, examiné à juste titre sous l’angle de la dignité, le mémorandum avance une série de propositions: l’adéquation formation-emploi, l’aménagement d’un climat social favorable et des conditions de travail décentes, l’égalité des sexes, l’incitation au retour des compétences marocaines installées à l’étranger, la mise en place d’une stratégie régionale de recrutement, l’intégration des personnes en situation de handicap et la promotion de l’auto-emploi. Enfin, au chapitre de la jeunesse, domaine sur lequel le GPJ est le plus attendu, le document formule un certain nombre de propositions qui visent toutes à assurer une meilleure participation des jeunes: sensibiliser les familles à jouer leur rôle pour assurer les «capabilités» et l’éducation de la jeunesse, renforcer la culture du patriotisme et de la citoyenneté auprès de jeunes, les encourager au volontariat et à la participation citoyenne, instaurer un quota de 50% au bénéfice des jeunes dans les instances des partis politiques, amender la loi organique relative à la nomination aux postes de responsabilité dans l’administration en vue de faciliter l’inclusion des jeunes… Telles sont brossées à grands traits les propositions du GPJ pour un Maroc nouveau. Celui que «nous voulons», pour reprendre le sous-titre du mémorandum. Sans oublier la création d’un Conseil national dédié aux affaires africaines et diplomatiques chargé d’évaluer les projets et les accords avec les pays du continent. À travers cette contribution, que chacun appréciera à sa manière, le GPJ s’est montré être une organisation qui apporte un plus, et non une simple structure de plus. Ce faisant, il trace à la jeunesse la voie à suivre: celle de l’engagement citoyen et de l’attachement aux valeurs de progrès. On regrettera cependant que le document, tel qu’il a été présenté, manque de cohérence et d’homogénéité, et mériterait par conséquent un véritable lifting pour y remédier.