Opinions

Industrie textile : saisir les opportunités de l’économie circulaire

Par Eleonore Richardson & Khevna Viresh Naran
Société financière internationale (IFC)

Alors que le monde se remet de la pandémie de Covid-19 et cherche à poser les bases d’une croissance durable, l’industrie mondiale du textile et de l’habillement se trouve à un tournant décisif. Les innovations, les nouveaux modes de consommation et les préoccupations environnementales transforment le secteur en profondeur, tandis que les modèles de production traditionnels font place à de nouvelles pratiques plus inclusives et respectueuses de l’environnement.

L’enjeu, aujourd’hui, pour l’industrie textile marocaine est de saisir les opportunités offertes par ces mutations en cours, et d’épouser un avenir plus vert qui profitera à son économie et à sa population. L’histoire de l’industrie textile est profondément ancrée dans celle du Maroc. Dès le VIIe siècle, le secteur faisait déjà partie intégrante de l’économie du pays.

Et ces 30 dernières années, cette industrie s’est modernisée pour se connecter aux chaînes de valeur mondiales. L’impact économique, sociétal et industriel du secteur est important pour le Maroc.

15% du PIB
Le textile représente aujourd’hui 15% du PIB industriel du pays, et fait vivre environ 200.000 personnes de manière directe et des centaines de milliers d’autres de manière indirecte. Et ce secteur emploie 60% de femmes dans un pays où la participation des femmes au marché du travail est faible, et en baisse.

En 2021, le secteur comptait déjà pour 11% du total des exportations du pays, principalement vers l’Espagne et la France. La même année, la part de marché des vêtements fabriqués au Maroc dans l’Union européenne (UE) s’élevait à 3,4%, et les exportations vers les États-Unis étaient en hausse.

Portée par les nouvelles stratégies d’approvisionnement des acheteurs et, dans le cas de l’Europe, d’un désir de sourcing de proximité, la croissance des exportations marocaines vers ces deux destinations devrait se poursuivre. Mais les habitudes de consommation aux États-Unis et en Europe changent.

Malgré l’hyper-mondialisation des chaînes d’approvisionnement, les vêtements restent – par nature – un achat très personnel, basé sur la personnalité et les valeurs de chaque consommateur. Dans un monde interconnecté, les consommateurs relient les vêtements à leurs chaînes de production.

La crise du changement climatique nous force à réfléchir aux conséquences de nos actions et, plus que jamais, les consommateurs veulent s’assurer que leurs vêtements n’ont pas eu d’impacts négatifs sur les pays producteurs, n’ont pas consommé de grande quantité d’eau dans des situations de stress hydriques, ou contribué à remplir les décharges.

Dans le sillage des consommateurs, les décideurs publics obligent les marques à repenser leurs modèles de production et d’approvisionnement. C’est le cas, en particulier, du Green Deal européen, qui vise à assurer la neutralité carbone au sein de l’UE d’ici 2050 et qui devrait avoir un impact significatif sur l’empreinte environnementale des produits textiles entrant sur le marché européen.

Face à ces nouvelles exigences, les marques et les distributeurs n’ont pas d’autre choix que de réduire leur impact négatif sur l’environnement. Ou pour reprendre les mots de Leslie Johnston de la Fondation Laudes, il faut changer le business model du secteur pour passer d’une industrie «extractive» à une industrie «régénérative».

Les industries mondiales de l’habillement et de la chaussure sont responsables de 8% des émissions de gaz à effet de serre. Si l’on veut transformer véritablement ces secteurs et les rendre plus respectueux de l’environnement, l’installation de panneaux solaires sur les toits des usines, l’utilisation de camions électriques pour le transport des vêtements et le recyclage des déchets textiles ne suffiront pas ; il faudra fabriquer mieux et avec moins de matières premières.

Pour cela, le développement de modèles de production circulaire sera essentiel, en particulier pour stimuler l’innovation dans la façon dont nous produisons les vêtements, pour encourager les investissements dans les nouvelles technologies et permettre la traçabilité tout au long du cycle de vie des produits. Les marques auront également besoin de fournisseurs capables de travailler avec elles pour relever ces défis à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement.

Le vêtement durable, un marché mondial de 500 milliards de dollars
Selon la Fondation Ellen MacArthur, la transformation en profondeur du secteur représente une opportunité économique de 500 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Comment le Maroc peut-il saisir une part de ce marché et devenir un partenaire privilégié pour les fabricants désireux de produire des vêtements durables, de favoriser le recyclage ou de gérer leurs déchets de manière responsable ? Si le Maroc a été longtemps pénalisé par le manque d’intégration de son industrie textile, le pays dispose aujourd’hui d’une opportunité unique pour se positionner sur le segment de l’économie textile circulaire.

Au cours des trois dernières années, la Société financière internationale (IFC) a entamé un dialogue avec les principales parties prenantes de l’industrie textile marocaine et a lancé de nombreuses initiatives pour libérer le potentiel de l’économie circulaire et, avec nos partenaires, nous souhaitons fournir une assistance technique et financière aux acteurs du secteur.

De l’Asie à l’Amérique du Sud, IFC a acquis depuis les années 1990 une longue expérience dans le soutien à l’industrie du textile et de l’habillement. Notre portefeuille actif de projets dans le secteur dépasse actuellement les 200 millions de dollars au niveau mondial. L’année 2022 marque également les 60 ans de présence d’IFC au Maroc, six longues et riches décennies à collaborer avec nos partenaires des secteurs privé et public pour soutenir la croissance économique, aider les entreprises marocaines à se connecter aux chaînes d’approvisionnement mondiales et favoriser la création d’emplois.

IFC s’appuie sur cette expertise et ses partenariats pour aider l’industrie textile marocaine à saisir les opportunités offertes par l’économie circulaire. Et c’est dans ce cadre que nous organisons, ce mardi 28 juin, à Casablanca, un atelier sur le thème : «Vers une économie durable et circulaire : penser l’avenir du secteur textile au Maroc».

L’objectif est d’engager le dialogue entre les acteurs du secteur et les autorités et de définir la marche à suivre pour faire du Maroc un acteur de premier plan de l’industrie textile mondiale de demain – laquelle sera, sans nul doute, durable et circulaire.

* Eleonore Richardson fait partie d’IFC Advisory Africa, qui offre un soutien consultatif aux clients de l’industrie légère au Maghreb, avec un accent particulier sur le textile et l’habillement.

* Khevna Viresh Naran fait partie de l’équipe Upstream Africa d’IFC, qui encourage le développement d’actifs par le biais de projets de démarrage dans les secteurs de l’industrie manufacturière, du tourisme, du commerce de détail et de l’immobilier sur le continent.


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