Opinions

Femmes et emplois : Un mariage d’avenir

Comme partout dans le monde, l’emploi des femmes est un facteur de développement économique pour le Maroc. Mais malgré les mesures adoptées pour favoriser l’égalité des genres, les Marocaines investissent pas assez le marché de l’emploi. État des lieux.

 Au cours des dernières décennies, des évolutions sociales et sociétales ont permis aux femmes marocaines d’acquérir de nouveaux droits et d’investir le marché de l’emploi (1). Le royaume doit désormais pouvoir compter sur la mobilisation de toutes ses forces vives, hommes et femmes confondus, pour accompagner son développement économique. Cependant, en 2012 (2), seul un quart des marocaines occupait un emploi, signe que l’intégration féminine sur le marché du travail constitue encore un large gisement inexploité pour la croissance du pays. Quelle est donc, aujourd’hui, la contribution des femmes à l’économie du royaume ? Dans les zones rurales, on considère qu’une femme est active lorsqu’elle exerce un travail rémunéré hors de son foyer, qu’elle participe à la vie de l’exploitation familiale ou qu’elle effectue chez elle d’autres tâches que les corvées ménagères. C’est le secteur «agriculture, forêt et pêche» qui emploie à lui seul 93,2% des femmes actives rurales, et en particulier l’élevage. Les travaux d’entretien et d’alimentation des animaux sont généralement féminins, ainsi que la traite des vaches, le battage du lait ou encore l’élevage des abeilles. Cependant, être active ne signifie pas forcément être rémunérée ; 73,8% des femmes rurales sont ainsi employées dans des activités agricoles sans percevoir de rétribution. En ville, c’est en revanche dans des emplois rétribués que 80,1% de la population féminine exercent. Le secteur des services absorbe à lui seul 68,6% des femmes actives et l’industrie 25%. Si le nombre croissant d’étudiantes retarde l’âge d’entrée sur le marché du travail, et impacte à la baisse le taux d’activité féminin urbain, ce dernier se révèle tout de même être nettement inférieur à celui des zones rurales (17,6% contre 35,6%).

L’éducation, moteur de l’activité
Pourquoi si peu de femmes optent-elles pour la vie active ? Cette observation se vérifie surtout chez les non-diplômées, car plus les études s’allongent et plus les Marocaines travaillent : la moitié de celles qui ont suivi un enseignement supérieur sont aujourd’hui actives. Ces femmes ont pour sources d’inspiration des personnalités féminines qui se sont élevées aux plus hauts niveaux hiérarchiques. Le dernier classement Forbes des femmes arabes les plus influentes cite ainsi l’incontournable Miriem Bensalah Chaqroun, à la tête du groupe industriel des Eaux Minérales Oulmès et première femme devenue patronne des patrons, enchaînant actuellement son second mandat à ce poste. On ne présente plus Salwa Idrissi Akhannouch, PDG du Groupe Aksal, qui a également remporté le prix britannique «Achievement in Business», lors de la cérémonie des «Arab Women of the Year 2016». En politique, Hakima Haité s’est distinguée pour son engagement dans la COP22 et le développement durable au Maroc. Elle a été faite Chevalier de la Légion d’Honneur à Paris en novembre dernier. La plupart de ces Marocaines d’exception, qui rayonnent à l’étranger, sont diplômées de grandes écoles. Innovantes et persévérantes. Certaines sont également mariées à des hommes influents et riches.

Des freins encore bien ancrés
Si leur exemple peut faire écho auprès de la population féminine en âge de travailler, de véritables barrières socioculturelles semblent freiner l’intégration des Marocaines dans la vie active. Une étude menée en 2010 (3) révèle que près de la moitié des jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans qui ne travaillent pas l’expliquent en raison d’oppositions familiales, soit de la part de l’époux (33,2%), soit des parents (12,3%). À l’échelle du royaume, certaines valeurs sont encore profondément ancrées : en cas de rareté de l’emploi, on considère à 61% que l’homme a le droit d’y accéder en priorité. 54% des Marocains estiment que lorsque la femme travaille, les enfants en pâtissent, et 60% considèrent qu’une femme au foyer tire autant de satisfaction qu’une femme active. Probablement influencées par ces mentalités bien ancrées, les jeunes Marocaines sont environ 30% à penser qu’elles ne peuvent travailler et se consacrer à leur ménage en même temps, c’est pourquoi elles privilégient de s’occuper de leur foyer. Le ministère de l’Emploi estime enfin à 100.000 le nombre de femmes actives qui se convertissent en femmes au foyer chaque année (4). Pour stimuler l’activité féminine, l’État marocain doit poursuivre la promotion de l’égalité des genres (1) : renforcer la mise en œuvre des nouvelles lois en faveur des femmes, notamment en formant les juges pour qu’ils les appliquent avec plus de rigueur, et promouvoir la culture de l’égalité auprès des citoyens et dans les écoles. Cependant, les politiques seules ne suffiront pas à faire évoluer les mentalités. Chacun d’entre nous, citoyens et parents avertis, sommes porteurs de ces évolutions, qui permettront au royaume de faire rayonner ses femmes. 

Alexandra Mouhaddine
Pour H&F Associates Business Partner RH

(1) Article LesEco.ma du 22 décembre 2016
(2) «Femmes marocaines et marché du travail : Caractéristiques et évolution», Haut-commissariat au Plan, décembre 2013
(3) «The Opportunities and Challenges for female Labor Force Participation in Morocco», de Yuko Morikawa, paru dans le «Global Economy & Development Working Paper 86», juillet 2015
(4) Chiffre émis en 2015



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