Opinions

Elections présidentielles en Turquie : quelles perspectives d’avenir ?

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Les élections présidentielles et législatives turques ont eu lieu le 14 mai 2023. La participation a été très forte, de l’ordre de 88%, et les résultats non définitifs donnent 49,35% au président sortant Recip Tayyip Erdogan, 45% à son principal opposant Kemal Kiliçdaroğlu, et 5,21% à Sinan Oğan. Erdogan a constitué l’Alliance populaire composée de l’AKP (Parti de la justice et du développement), le MHP (Parti d’action nationaliste) et le BBP (Parti de la grande unité).

Son adversaire, Kiliçdaroğlu, a constitué de son côté l’Alliance pour la nation composée de six partis politiques : le HCP (Parti républicain du peuple), IYI (Bon parti), le SP (Parti de la félicité), DP (Parti démocrate), GP (Parti de l’avenir), et le DEVA (Parti de la démocrate et du progrès). S’il est élu, Erdogan va continuer sa politique sur le plan intérieur et extérieur. Il se déclare favorable à la laïcité tout en prenant des mesures favorisant l’islam sunnite. C’est ainsi qu’en 2014 il avait déclaré que «les femmes ne peuvent être considérées comme les égales des hommes, et leur rôle est de faire des enfants». La Turquie a été répertoriée 130e dans le classement de l’égalité Hommes/Femmes. Erdogan a tenté sans succès de limiter le droit à l’avortement, et a autorisé le port du voile dans les universités. De même qu’il a autorisé le port de signes religieux pour les fonctionnaires. En juillet 2020, il a modifié le statut de l’ex-basilique Sainte-Sophie en mosquée.

Devenu Premier ministre en 2003, il a fait amender la Constitution pour que le Chef d’État soit élu au suffrage universel. Élu président en 2014, il procède à une répression féroce après le coup d’État manqué de 2016 avec 50.000 arrestations et le licenciement de 100.000 fonctionnaires. En 2017, il fait adopter un référendum constitutionnel transformant le régime parlementaire en régime présidentiel avec la suppression du poste de Premier ministre. Réélu à la présidence en 2018, il installe un régime autoritaire et prend des libertés par rapport au principe de l’indépendance de la justice. Erdogan se montre intransigeant vis-à-vis de la minorité kurde regroupée au sein du parti HDP (Parti démocratique des peuples). Non seulement il ne lui accorde pas d’aide publique, mais il lui fait subir une répression sévère par l’emprisonnement de plusieurs de ses membres. Il l’accuse d’entrer en liaison avec le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) qu’il qualifie d’organisation terroriste. Sur le plan économique, il préconise le libéralisme, et a réussi pendant la première décennie de sa gouvernance à créer une classe moyenne prospère. Il a lancé également de grands projets dans l’industrie, l’énergie, et les équipements militaires dont les fameux drones Baykar.

Sur le plan de la politique étrangère, il a été très actif en réussissant à placer la Turquie au premier rang sur la scène internationale. C’est ainsi qu’il a tenu tête aux États-Unis en achetant le système de défense antiaérienne russe S-400.

D’abord favorable au début de sa gouvernance à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, il s’en est éloigné en portant ses efforts sur l’Afrique et le Moyen-Orient. Il a négocié avec l’Union européenne un pacte migratoire en 2016, comportant deux tranches de trois milliards d’euros, destiné à la gestion des réfugiés sur le sol turc. Afin d’empêcher l’instauration d’une entité kurde, il est intervenu militairement au Nord de la Syrie à plusieurs reprises. Tout en faisant partie de l’Otan, la Turquie n’a pas appliqué les sanctions contre la Russie, et a même participé à l’Accord portant sur l’exportation des céréales d’Ukraine. Elle vient d’accepter l’adhésion de la Finlande à l’Otan tout en maintenant son refus pour le Suède.

La principale composante de cette alliance est le CHP, Parti républicain du peuple qui est socio-démocrate, nationaliste et laïc, qui avait été créé par Mustapha Kemal Atatürk en 1923. On peut s’attendre, si cette alliance gagne la présidence, à un retour à la laïcité et à la démocratie avec le respect de toutes les minorités, y compris kurde.

Cette alliance veut relancer les négociations avec l’Union européenne et établir de bonnes relations avec les États-Unis. En conclusion, il semble qu’on s’achemine vers un second tour le 28 mai 2023. Il appartient au peuple turc de se prononcer soit pour la continuité en élisant Erdogan, soit pour le changement en élisant Kiliçdaroğlu. Un autre facteur important est celui de la prochaine composition de la grande Assemblée nationale de Turquie (Parlement). Si le futur président dispose de la majorité absolue, il pourra gouverner sans problème. Sinon il y aura une cohabitation.


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