Coronavirus: Comment le Maroc gère la crise
Abdeslam Seddiki
Économiste et ex-ministre de l’Emploi et des affaires sociales
L e Maroc à l’instar de tous les pays du globe est résolument engagé dans la lutte contre le coronavirus. Depuis l’apparition des premiers symptômes de ce virus, inconnu auparavant, le pays s’est mis en ordre de bataille afin d’en contrôler la propagation. À ce jour, force est de reconnaître que nous avons réussi dans cet exercice en mettant à profit les différentes expériences de par le monde et en annonçant des mesures courageuses et adaptées à l’évolution du virus. On citera en particulier la fermeture des établissements scolaires, la fermeture de nos frontières suite à l’arrêt de toutes les liaisons aériennes et maritimes avec l’extérieur, l’interdiction de tout rassemblement de plus de 50 personnes, la fermeture de tous les lieux publics à l’exception des commerces de produits alimentaires, la fermeture des mosquées, le lancement d’une campagne de sensibilisation sur les mesures d’hygiène à respecter par tout un chacun et pour garder le citoyen et l’opinion publique informés, une communication transparente et objective est assurée régulièrement afin de combattre le charlatanisme et les fausses nouvelles. Bien sûr, l’impact de cette crise est incommensurable sur notre économie et le moment viendra de faire les comptes. Beaucoup de secteurs commencent déjà à en pâtir tels que le tourisme, le transport aérien qui est à l’arrêt et les secteurs exportateurs…avec leur conséquence directe sur l’emploi mais la santé des citoyens, notre santé à tous, n’a pas de prix. Justement, afin de continuer à mieux gérer cette crise, le roi vient de donner ses instructions au gouvernement pour procéder à la création immédiate d’un fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie du Coronavirus.
«Ce fonds doté d’une enveloppe de 10 MMDH sera réservé d’une part à la prise en charge des dépenses de mise à niveau du dispositif médical en termes d’infrastructures adaptées et de moyens supplémentaires à acquérir dans l’urgence. Il servira d’autre part au soutien de l’économie nationale à travers une batterie de mesures qui seront proposées par le gouvernement, notamment en termes d’accompagnement des secteurs vulnérables aux chocs induits par la crise du coronavirus tels que le tourisme ainsi qu’en matière de préservation des emplois et d’atténuation des répercussions sociales de cette crise», selon le communiqué du Cabinet royal. On en saura davantage à l’avenir sur le montage financier dudit fonds, sa ventilation entre les différents usages et les modalités juridiques de son adoption. L’essentiel est fait : une telle mesure est rassurante à plus d’un titre. On sait désormais que nos hôpitaux seront renforcés en moyens pour pouvoir faire face à toute urgence ; on sait également que les entreprises en difficulté ne seront pas abandonnées à leur sort et condamnées à l’écroulement avec les pertes d’emplois qui en découleraient. Il faut bien évidemment penser aux milliers de travailleurs et de travailleuses qui ont perdu leur emploi suite à la fermeture de plusieurs entreprises et à la réduction des emplois dans celles qui demeurent en activité.
À cet égard, il serait judicieux d’élargir au plus vite le régime de l’indemnité pour perte d’emploi en assouplissant les critères d’éligibilité. Ce climat de mobilisation populaire doit être renforcé pour impliquer et faire participer l’ensemble des acteurs notamment à travers une campagne de solidarité. C’est le moment ou jamais pour les grandes fortunes de ce pays de faire montre de leur patriotisme. Le pays doit se montrer plus fort que jamais pour surmonter une telle crise et en sortir indemne. C’est notre responsabilité à tous en tant que citoyens. Montrons-nous plus engagés, plus disciplinés, moins égoïstes. Seules les solutions collectives sont viables et efficientes.
À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles : aucun laxisme ne saurait être toléré à l’égard des spéculateurs sur les produits alimentaires et les médicaments. Les corps intermédiaires (partis politiques, syndicats, société civile…) doivent jouer pleinement leur rôle d’encadrement, de sensibilisation et de veille pour épauler les autorités sanitaires et administratives qui sont à l’œuvre jour et nuit pour prendre en charge les personnes infectées, assurer l’approvisionnement des marchés en denrées de base et éviter toute rupture des stocks. Restent bien sûr les mesures à prendre à moyen et long termes. Celles-ci découleront des leçons à tirer de cette crise.
En tout état de cause, il est déjà admis que l’après coronavirus ne sera plus comme avant. Beaucoup de dogmes et de certitudes vont disparaître du lexique. La crise aura au moins servi à remettre en cause un certain nombre de politiques et de recettes surfaites. Elle nous aura appris que nous devrions compter essentiellement sur nos propres forces. L’élaboration d’un nouveau modèle de développement est une occasion idoine pour redéfinir les nouvelles priorités et donner sa vraie dimension à l’État providence. La crise que nous traversons nous a confirmé une vérité qu’on a tendance à oublier : tout doit être fait pour assurer la santé des citoyens. Le développement n’est rien d’autre que la santé à côté de l’éducation, ce que François Perroux désigne par «la couverture des coûts de l’homme».