Opinions

Conseil de la concurrence : un guide pour se conformer au droit de la concurrence

Wassim Benzarti
Expert en droit de la Concurrence et représentant de Westfield, Avocat au barreau de Paris.

Le guide publié par le Conseil de la concurrence en début d’année, le 25 janvier précisément, présente une approche concrète des principes de la loi 104-12 et permet aux entreprises (ainsi qu’aux organisations professionnelles) de se conformer aux dispositions du droit de la concurrence tout en insufflant dans le pays de nouvelles pratiques et une nouvelle culture du droit de la concurrence.

Rappelons, à ce titre, que le Conseil de la concurrence a pris une dimension importante ces dernières années, et ce depuis que le législateur a décidé de le réactiver par la nomination d’un président à sa tête, en novembre 2017. Ainsi, le conseil, qui était resté inactif pendant plus de cinq ans, a pu retrouver son rôle et sa place tels que prévus par l’article 166 de la Constitution.

La mise en conformité aux dispositions du droit de la concurrence, en respect des principes énoncés dans ce guide, constitue un prérequis essentiel pour éviter des pénalités administratives conséquentes, (pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaires mondial ou national hors taxe consolidé), voire des peines privatives de liberté pour les dirigeants ou employés (jusqu’à cinq ans de prison).

Ce guide invite en conséquence chaque entreprise à se doter d’un programme de mise en conformité bâti autour de cinq fondamentaux qui sont :

– Un engagement de la direction de l’entreprise ;
– La mise en place de relais en interne pour la diffusion des principes du plan de conformité ;
– L’information, la communication, la formation et la sensibilisation de l’ensemble des collaborateurs au sein de l’entreprise ;
– La mise en place d’un document cadre et de procédures appropriées ;
– L’identification et la maîtrise des risques de non-conformité.

Un engagement fort du top management
Le programme de conformité doit tout d’abord recevoir une impulsion forte de la direction de la société. Dans la pratique, il est recommandé de voter une résolution en assemblée générale, ou lors d’un conseil d’administration, visant à adopter le manuel de respect des règles de concurrence. Il est également proposé d’inviter la direction générale et les cadres dirigeants à mener toutes les actions nécessaires pour se conformer aux dispositions applicables au droit de la concurrence.

La mise en place de relais au sein de l’entreprise
Dans un second temps, la société devra identifier des relais en interne qui seront en charge de suivre la mise en place du programme de conformité. Bien que le conseil parle de relais internes, il indique que cette fonction peut être éventuellement exercée par un cabinet de conseil ou d’avocats.

L’important est que la personne désignée dispose des moyens nécessaires pour accéder à l’information, mais aussi de la technicité et des compétences requises pour maîtriser les subtilités du droit de la concurrence. En pratique, nous recommandons que cette fonction soit portée par la direction juridique du groupe (ou à défaut la direction de l’audit) assistée d’un cabinet d’avocat externe spécialisé, consulté ponctuellement.

La personne habilitée devra être rattachée directement au top management et disposer d’une certaine indépendance ainsi que d’une réputation de probité pour mener à bien sa mission.

L’adoption de normes et règles internes spécifiques
Par la suite, l’entreprise (ou l’organisation professionnelle) devra être accompagnée dans la rédaction d’un manuel et la mise en place de procédures appropriées. En fonction de la taille de la structure, il est possible qu’un simple code de conduite, ou même des notes internes suffisent. Cette documentation devra, a minima, prévoir cinq thématiques qui sont incontournables pour le Conseil de la concurrence.

Il faudra prévoir une présentation synthétique du droit en la matière, une présentation de la politique de l’entreprise -en insistant sur l’engagement de la direction-, identifier les conduites et comportements à risque possibles spécifiques à l’entreprise, avec un rappel des sanctions applicables vis à vis des collaborateurs et un renvoi aux procédures internes de l’entreprise spécifiques à ce volet.

Des actions de sensibilisation et de formation
L’entreprise devra mettre en place des actions ciblées de communication, de sensibilisation et de formation. Les relais désignés par ses soins devront vulgariser, notamment, les dispositions 104-12 de la loi, soit par des actions de communication simples et accessibles à des non-juristes, soit par des actions de formation pédagogique permettant aux collaborateurs d’augmenter leurs compétences en maîtrisant les subtilités du droit de la concurrence. En pratique, il est recommandé de mener une double action de communication et de formation, accompagnée de supports simples et efficaces.

Identifier les risques et les hiérarchiser
Enfin, l’entreprise devra identifier les risques concurrentiels auxquels l’entreprise est exposée. Cet audit juridique doit s’étendre aux différents contrats signés ou en cours de signature, (mais aussi aux partenariats avec des concurrents ou des non-concurrents), aux procès-verbaux des assemblées générales portant sur des décisions commerciales et aux procès-verbaux des instances externes, comme les associations regroupant les acteurs d’un même secteur.

Une fois ces risques identifiés, il s’agira de les hiérarchiser pour pouvoir y répondre par ordre de priorité selon la gravité, la probabilité et les mesures existantes de protection. Lors de cet audit, effectué dans la plupart des cas par un cabinet spécialisé externe, il faudra identifier toute pratique anticoncurrentielle qui peut prendre, notamment, la forme d’ententes illicites, d’abus de position dominante, d’abus de dépendance économique ou de pratiques de prix de vente abusivement bas.

L’audit devra déterminer l’existence de risques liés aux concentrations économiques, à savoir la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles par l’une des parties à la concentration, l’absence de notification d’une concentration au Conseil de la concurrence, la réalisation de la concentration avant l’intervention de la décision dudit Conseil, l’omission ou la déclaration de données inexactes au niveau du dossier de notification ou la réalisation de la concentration en contravention avec les termes de la décision du conseil.

Durant cette phase d’audit, des entretiens devront être menés avec les employés concernés par les risques concurrentiels, et qui peuvent potentiellement commettre des violations du droit de la concurrence. La plupart du temps, ces employés sont les cadres dirigeants, les représentants commerciaux et les représentants juridiques ainsi que tout employé ayant une relation avec les concurrents, les clients ou les fournisseurs.

Assurer un suivi sur la base de procédures d’alerte et de mesures disciplinaires
Une fois le programme de conformité en place, l’entreprise devra prévoir des mécanismes de contrôle. Pour ce faire, il est essentiel de mettre en place un dispositif d’alerte en son sein, permettant aux employés de communiquer de manière confidentielle avec les relais internes -ou externalisés- de la conformité.

Autant les employés ne doivent pas avoir peur de représailles lorsqu’ils alertent sur des pratiques anticoncurrentielles, autant il est important de stipuler clairement les mesures disciplinaires auxquelles s’exposent les contrevenants. Ces mesures peuvent consister en un avertissement, un blâme, une rétrogradation, un licenciement et même une action en justice dirigée contre la personne défaillante.


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