Appel à concurrence des centres de visites techniques : Entre réalité et critiques

Avant même le lancement de l’appel à concurrence (AC), l’information a «fuité» et quelques initiés ont pu obtenir des renseignements (pas tous vrais) sur l’AC concernant les centres de visites techniques. Quelques journaux, comme l’Économiste (du 9/06/2016) et La Vie économique (du 10/06/2016), que nous respectons, ont titré : «Visite technique : le retour des agréments, un appel d’offre controversé» ; «CVT: un appel d’offres controversé» . D’autres titres, même les satiriques, comme le «Canard libéré» – et déchaîné contre le ministère – se permettent d’écrire : «La mécanique électorale d’abord – Rabbah distribue les agréments des CVT». D’ailleurs, le «canard» (boiteux) est déjà -et c’est toujours son cas- « à côté de la plaque » (je me demande même s’il a jeté un regard sur l’AC; objet de sa critique), il parle de 150 CVT alors qu’il est question de 192 et avance également qu’il y a 220 CVT actuellement, alors qu’il y en a 391 (292 opérationnels et 99 en cours). D’autres sites électroniques, dont la «sympathie» envers le PJD n’est pas à prouver, ont «balancé» l’information sans même savoir de quoi il s’agit.
Revenons maintenant sur le contenu de certains articles qui ont traité la question. On peut résumer les critiques en quelques points :
1 Quelle utilité pour les CVT existants et pourquoi de nouvelles licences d’exploitation : (Interrogation du Canard libéré) : Je pense qu’il s’agit là d’une forme de démagogie ! Se poser la question de la nécessité de l’existence des CVT relève d’une «ignorance» totale des effets prouvés du contrôle technique sur la qualité des véhicules et de la sécurité routière. Vouloir l’améliorer est une chose sur laquelle nous travaillons en collaboration avec la «bonne volonté» de certains CVT et des réseaux de contrôle, dire qu’ils ne servent à rien en est une autre. Oui, Le Canard est mal intentionné lorsqu’il évoque des «Carnages routiers fréquents, plus de 4.000 morts/an», alors que depuis notre arrivée au ministère, le chiffre des tués n’a cessé de baisser pour atteindre quelque 3.500 (500 vies humaines, c’est précieux, il faut donc être précis, très précis même). L’Économiste est aussi mal intentionné quand il écrit que «les opérations d’audit se font de plus en plus rares, à peine 78 entre 2009-2013. La dernière effectuée par Veritas remonte étrangement à trois ans». Il suffisait de nous contacter, cher «Économiste» et nous nous serions fait un réel plaisir que nous vous aurions communiqué des informations… Voilà une infime partie de la réalité de nos efforts pour une réelle mise à niveau du secteur du contrôle technique (cf.tableau)
Il apparaît clairement à la lecture de ces statistiques que le ministère est là pour faire son travail de contrôle, d’audit et de mise à niveau…(on est très loin des chiffres avancés par l’Économiste) et que les médias doivent relayer, et non pas étaler des données mensongères qui ne peuvent en fin de compte que donner l’illusion que rien ne change alors que nous avons initié des opérations (comme les contre-visites) qui n’ont jamais été réalisées auparavant…Les pessimistes n’ont qu’à voir le nombre de fermetures et de retraits opérés !
2 Les taux de remplissage des CVT actuels sont faibles (20 à 38% selon le Canard ; des exemples de 20% à 38% cités par l’Économiste, entre 47 et 50% selon La Vie économique) : Des chiffres avancés, il apparaît clairement que le Canard a été chercher ses statistiques dans des «eaux troubles» et que l’Économiste a présenté le demi-verre vide, loin de «l’objectivité» nécessaire pour un journal qui se respecte ! La Vie Économique est restée sur des chiffres inférieurs à la réalité ! Rappelons déjà que les taux de remplissage, donnés en tant que moyenne nationale, ne reflètent pas la réalité vécue des citoyens ! Si on a un taux de remplissage national moyen des «lignes légères» dans l’urbain de 57%, ce taux est de 76% pour les lignes du «poids lourd» dans l’urbain (contre 56% et 48% en combinant l’urbain et le rural c.à.d. à l’échelle nationale) cela n’empêche pas d’avoir des taux de remplissage qui avoisinent 100% dans plusieurs CVT du royaume et 20% pour certains CVT qui se trouvent dans des zones à accès difficile et à faible taux de motorisation (ex : Assa Zag). Sur ce point, il me paraît utile de revenir sur les commentaires de certains responsables de CVT et de réseaux, tels que rapportés par les 3 journaux, objet de notre article. Contrairement aux interprétations avancées, on peut confirmer que le marché de contrôle progresse de 8,5% par an entre 2012 (1.873400 visites) et 2015 (2.395915 visites) et que le taux de croissance a augmenté plus vite durant ces dernières années (+10% entre 2014 (2.178.089 visites) et 2015), c’est bien loin des 3% avancés par le responsable de l’un des réseaux. En comparant ces taux à ceux de l’évolution des CVT opérationnels ( 217 en 2012 et 292 en 2015), qui progressent de +10,5% par an ; on arrive à des chiffres très proches. Un autre point qui mérite plus d’éclairage (pour ceux qui cherchent l’objectivité), c’est celui du nombre de visites par CVT. Le responsable de l’un des réseaux parle de la non rentabilité d’un CVT qui opère 1.000 visites par an. Or ce chiffre a été avancé sans aucun fondement. Pour détailler mon propos, je vais donner quelques exemples des CVT actuels, en 2015, en me référant aux 4 réseaux de la place (que j’appellerai A, B, C, D pour ne pas divulguer d’informations «personnelles».
Réseau A :
29.660 visites pour un CVT de 5 lignes à Fès
24.031 visites pour un CVT de 4 lignes à Casa (Taux de remplissage presque 100%)
Réseau B :
23.046 visites pour un CVT de 4 lignes à Tanger
5.946 visites pour un CVT d’1 ligne à Fès (Taux de remplissage presque 100%)
Réseau C :
20.559 visites pour un CVT de 4 lignes à Salé
24.194 visites pour un CVT de 5 lignes à Casa (Taux de remplissage de presque 85%).
Réseau D :
28.775 visites pour un CVT de 5 lignes à Casa
5.958 visites pour un CVT d’1 ligne à Ksar Kbir (taux de remplissage de presque 98%).
Le responsable du réseau aurait pu faire preuve d’une certaine clairvoyance s’il voulait retracer la réalité en parlant de taux moyens de remplissage. En effet, en prenant ces taux moyens de 56% pour les véhicules légers, on arrive à une moyenne de 3.203 visites par an pour une ligne et vu que la moyenne des lignes des CVT est plus au moins de 2 ; on est à 6.406 visites par an et par centre. (20 visites/lignes/jour x 5,5 jours/sem x 52 semaines) x 0,56 (Taux moyen de remplissage) x 2 (nombre de lignes). On est bien loin des 1.000 visites /an avancées par le responsable du réseau. Venons-en maintenant à un simple calcul des retombées financières de ces visites. En prenant un CVT normal (Type moyenne nationale); il aura comme recette propre nette la somme de : 6.406 x 200 DH = 1.281200 DH, c.à.d. 107000 DH/mois… et pour revenir à notre exemple réel de l’un des CVT plus haut, de 29.660 visites légères et 3.738 visites pour véhicules lourds, on est à une recette annuelle qui dépasse 7 MDH….Ça, ce sont les chiffres dont on dispose officiellement, mais le business c’est le business, ce n’est pas l’affaire du ministère, qui ne peut que se réjouir de voir les opérateurs du secteur en bonne «forme financière» et prospérant d’année en année. Pour nous, la nécessité de traiter tous les Marocains sur le même pied d’égalité nous a poussés au niveau du ministère à réfléchir sur la nécessité de rendre le service de contrôle technique plus accessible aux citoyens. Pour cela, nous avons retenu des critères objectifs, dont celui qui concerne la population cible au niveau des provinces, puis nous avons affiné l’analyse en nous rapportant au nombre d’habitants des «cercles» administratifs et des communes…
C’est pour cela que les nouvelles créations vont être rattachées à des communes bien précises et à des arrondissements (dans les grandes villes) bien déterminés, et non pas laissées au hasard et au choix de l’investisseur. Une autre précision de taille pour ceux qui ont critiqué l’AC sur ce point, c’est que sur les 31 projets de CVT attribués lors de l’AC de 2014, seuls 19 ont été réalisés et sur 57 projets de CVT attribués lors de l’AC de 2015, seuls 4 ont été réalisés…Beaucoup de projets n’aboutissent pas et ceci, pour plusieurs raisons et l’une de ces raisons est de ne pas pouvoir fournir les documents administratifs nécessaires pour le terrain ou pour la construction (autorisation, plans validés, etc) et c’est pour remédier à cette situation que nous avons amélioré les termes de l’AC par rapport aux précédents, en donnant un certain nombre de points à ceux qui pourraient justifier d’un plan déjà autorisé, d’une autorisation de construire ou d’un certificat de conformité, etc.
Et ce n’est pas un «parfum de délit d’initié» comme l’a «laissé entendre» l’Économiste, qui n’a même pas compris la note attribuée et la répartition des points: il parle de 15 points en plus, alors que la conformité urbanistique est sur 10 points maximum (soit de 0 ou 5 ou 10) mais jamais de 15, cher «Économiste» ! Le Canard «boiteux» se permet même de dire qu’il y a «une volonté des islamistes au pouvoir de mettre la main, à coups de clientélisme sur cette filière juteuse qui génère beaucoup de cash». Et bien voilà le but recherché par l’article en toute franchise et sans détour ! On se croyait devant un article qui cherche à analyser réellement la situation alors que son objectif est tout autre ! D’ailleurs, si cette filière est juteuse et génère beaucoup de cash, comme ce «fameux» journal le dit, ne faut-il pas partager «cette richesse» et «ce jus» entre plusieurs PME, ou faut-il la laisser aux mains de quelques nantis (selon la logique du canard) et dans ce cadre, il nous est permis de nous interroger : Qui de nous deux, le ministère ou le «Canard» protège le jus ? Et qui distribue les agréments ?
D’ailleurs devant les analyses contradictoires des trois journaux, quel chemin suivre ? Celui de ceux qui disent que plusieurs CVT vont aller à la faillite car ce n’est pas rentable et que le ministère va «noyer» le secteur, ou celui de ceux qui disent que c’est un secteur juteux ! Il y a un réel malaise dans la société chez les tenants et les défenseurs des vertus de la rente. Ils n’admettent pas qu’il puisse y avoir un AC en toute transparence, ouvert à tous les citoyens qui satisfont les conditions, ceux-là même nous disent que c’est la «mécanique électorale» qui est derrière cet AC ! Mais le bon sens voudrait que le ministre, s’il cherche réellement des retombées électorales par son AC, ne fasse aucun nouvel AC car il va déplaire aux 391 CVT actuels (Opérationnel ou en construction), chiffre qui est doublement supérieur aux intentions – et je dis bien aux intentions – de création de 192 nouveaux CVT. Messieurs, un peu de bon sens.
Ne soyez pas dans une «démagogie mortelle» qui n’arrive même pas à faire le bon calcul. Faut-il vous le rappeler : un appel à concurrence ouvre la possibilité d’investissements aux personnes morales concernées… mais ce sont ces personnes qui déterminent l’opportunité… À elles de voir si cela est rentable ou pas ? À elles de décider de prendre le risque ou pas ? Donc où est le problème pour ceux qui se lamentent sur le taux de remplissage et le nombre des CVT lancés… Il se peut que personne ne réponde favorablement à mon appel à concurrence ! Ces journaux (et leurs analystes) n’ont-ils pas pu voir que 192 nouveaux CVT signifient presque 1.000 emplois, dont au moins 192 ingénieurs ! Toute une promotion d’une grande école ! Cela ne les intéresse pas, certainement, car ils voulaient autre chose…et bien qu’à cela ne tienne !
Mohamed Najib Boulif
Ministre délégué auprès du Ministre de l’Equipement, du Transport et de la Logistique, chargé du Transport.