Maroc

WhatsApp, Viber, Skype… : Les vraies raisons du bug

Les trois opérateurs télécoms ont procédé au blocage des appels VoIP gratuits à travers les applications de voix sur IP (WhatsApp, Viber, Skype…) sans donner aucune explication. Eléments de réponse.

Le blocage des appels VoIP gratuits via les applications de voix sur IP (Viber, Skype ou WhatsApp) continue de défrayer la chronique. Après plusieurs tentatives unilatérales qui n’ont pas donné les résultats escomptés, les trois opérateurs télécoms (Maroc Telecom, Méditel et Inwi) ont, en effet, accordé leurs violons pour mettre un terme aux appels VoIP. Le blocage est total sur les réseaux 3G et 4G des trois opérateurs nationaux. La décision a suscité la colère des associations de défense des consommateurs. «Il y a plusieurs zones d’ombre qui entourent cette question. D’abord, l’ANRT est chargée de réglementer le marché après l’octroi de licences. Or, il s’agit là d’applications téléphoniques qui, logiquement, ne relèvent pas de son champ d’intervention. Ensuite, c’est une atteinte au droit du consommateur. Du moment qu’on règle la facture à l’opérateur téléphonique, on a le droit de faire de la connexion ce qu’on veut», explique Ahmed Bayoud, membre du bureau de la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC) .

Qui a pris la décision ?
La décision est entourée d’un halo de mystère. À l’heure où nous mettions sous presse, aucun acteur ne s’est officiellement prononcé sur les tenants et aboutissants de cette décision.Tout au plus, le patron de l’opérateur historique, Abdesslam Ahizoune, a déclaré à un quotidien de la place que «son entreprise n’est pour rien. Elle ne fait qu’appliquer les décisions de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT)». Du côté de cette dernière, c’est motus bouche cousue. Mais, selon toute vraisemblance, le gendarme des télécoms s’est basé sur une décision qui remonte à 2004 (ANRT/DG n° 04-04), relative au statut de la téléphonie sur IP. Cette dernière stipule que l’exploitation commerciale pour le public du service de téléphonie sur IP, ainsi que le transport pour tiers du trafic ne peuvent se faire que par opérateurs télécoms, détenteurs d’une licence. Suivant cette logique, les applications bloquées sont donc soumises à une licence. «N’empêche, les trois opérateurs ont fait le forcing pour pousser le régulateur du marché à monter au créneau», explique une source proche du dossier.

Pour quelles raisons ?
Le principal motif, qui justifie cette décision, est le manque à gagner pour les opérateurs télécoms qui font face une érosion de leur chiffre d’affaires. Les appels gratuits, à travers les applications bloquées, ne font donc qu’empirer la situation en détournant du trafic à l’international, ce qui prive les opérateurs d’une manne importante. D’ailleurs, la note d’orientation générale de l’ANRT, qui a pour horizon 2018, en a fait mention : «Le recours de plus en plus important aux applications de type OTT-Over the top- (Viber, Skype, WhatsApp, etc.) risque d’impacter durablement les revenus des opérateurs et affaiblissant, de ce fait, leurs capacités d’investissements». Ce qui sous-entend que le principe de bloquer ces applications a été acquis. En fait, l’État aussi y trouve son compte puisque la baisse des revenus des opérateurs se traduit automatiquement par une chute des impôts et autres taxes générés par le secteur. Et pour appuyer leur argumentaire, les opérateurs télécoms ont l’habitude d’avancer les investissements engagés pour l’acquisition des licences et, surtout, le développement des réseaux. «L’utilisation de ces applications d’appel gratuit VoIP, use les infrastructures des opérateurs qui doivent mettre la main à la poche pour les entretenir».

Et maintenant ?
Le blocage de ces applications est-elle la réponse idoine ? «Assurément pas», tranche Rachid Jankari, expert en TIC et nouveaux médias. «Techniquement, il est difficile d’arrêter l’usage de ces applications». D’ailleurs, les internautes ont contre-attaqué pour contourner ce blocage. À côté des pétitions lancées sur les réseaux sociaux, certaines prodiguent conseils et astuces pour continuer à utiliser Viber, Skype ou WhatsApp. Parmi elles,  le VPN (Virtual Private Network) vient en tête. Il s’agit d’un réseau virtuel privé permettant d’enlever les restrictions locales et garantir l’accès aux applications et sites web bloqués par les opérateurs téléphoniques. «En arriver là est un aveu d’échec aussi bien des opérateurs que du gendarme télécoms qui n’ont pas pu suivre les mutations du secteur. Tous les pays développés ont anticipé ces évolutions technologiques en mettant en place des packages qui arrangent les intérêts de toutes les parties : l’usager, l’opérateur et l’État», explique Rachid Jankari. 


 

Rachid Jankari,
Consultant TIC et nouveaux médias

La décision de bloquer les applications d’appel gratuit VoIP telles que Skype, Viber et Whatsapp est conservatrice et va à l’encontre de l’évolution technologique. Deux raisons ont motivé la prise de cette décision: l’érosion des chiffres d’affaires des opérateurs télécoms et la détérioration des infrastructures. Les dernières statistiques de l’ANRT confirment l’essoufflement du modèle économique des sociétés de télécoms avec la dégringolade du segment Voix. Ils mettent donc le paquet sur le net et la data pour se rattraper. Ensuite, l’utilisation des applications d’appel gratuit VoIP telles que Skype, Viber et Whatsapp use les infrastructures des opérateurs qui nécessitent des investissements colossaux.


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