Un maestro pas comme les autres
Il est rare de voir une femme cheffe d’orchestre. Elle est non seulement maestro mais elle se bat pour l’égalité des chances entre un homme et une femme dans ce milieu de mâles. Confrontée pendant des années à des difficultés pour s’imposer dans sa profession, Zofia Wislocka, cheffe d’orchestre belgo-polonaise a créé l’association «Femmes Maestros» pour lutter contre cette injustice et donner aux musiciennes la visibilité qu’elle mérite. Zoom sur un projet au «chœur» gros comme Bruxelles.
On en parle peu, elles se font discrètes et pour cause, elles ne sont que 500 de par le monde. Le métier de chef d’orchestre n’est pas chose aisée mais lorsqu’on est une femme, c’est encore plus difficile. C’est le constat qu’a fait, il y a quelques années Zofia Wislocka, cheffe d’orchestre belge-polonaise, au moment où elle a décidé de créer l’association «Femmes Maestros» le 8 mars 2001 à Bruxelles, journée symbolique pour les femmes. C’est en 2000 que tout a commencé lors d’une table ronde qui a réuni à Bruxelles vingt femmes cheffes d’orchestre représentant treize pays. Une première dans la musique classique. Une seconde table ronde allait suivre en 2003, confirmant les conclusions de la première. «Toutes étaient confrontées aux mêmes problèmes.
Toutes espéraient que ces deux rencontres puissent déboucher sur d’intéressantes actions internationales dans le domaine de la direction féminine d’orchestre et contribuer à faire évoluer les mentalités. Elles ont échangé leurs expériences et réclamé l’égalité des chances dans l’accès à une profession où elles sont encore très minoritaires afin de pouvoir prouver et faire accepter leur compétence professionnelle, tout en insistant sur le fait qu’il ne s’agissait en aucune manière d’une démarche dirigée contre les chefs masculins», précise Maria Vitanza, assistante personnelle de Zofia Wislocka.
La femme maestro crée l’association dans le but de répondre à ces attentes. Son objet principal est d’assurer la promotion de ses membres, notamment par un réseau d’information international, par des prises de contact avec les instances culturelles et politiques et surtout par des événements musicaux internationaux mettant en valeur les femmes dans la musique classique et en particulier les femmes maestros. C’est pour se battre contre les idées pré-conçues que l’association existe, notamment des phrases choc comme celles de Herbert von Karajan, chef d’orchestre allemand qui a affirmé que : «La place des femmes est dans la cuisine et non dans l’orchestre». «Une opinion parmi tant d’autres mais qui résume bien les problèmes auxquels toutes les participantes des deux colloques ont déclaré être confrontées. Le maestro est un symbole d’autorité et un symbole très visible. Beaucoup plus visible que dans d’autres professions. Ce personnage qui se présente devant un public important, dans une grande salle, qui monte sur un piédestal et mène à la baguette quelques 130 musiciens n’apparaît-il pas comme un dompteur ? Une silhouette féminine sur le podium étonne encore», affirme la cheffe d’orchestre. Les membres de l’aisbl «Femmes Maestros» ont toujours insisté sur le fait que leur démarche n’est en aucune manière dirigée contre les chefs masculins. Et certains hommes l’ont bien compris, à commencer par Sir Simon Rattle qui a été un des premiers à manifester sa sympathie pour l’association.
Et dans ses écrits, l’écrivain et musicologue Norman Lebrecht invite les amateurs de musique à lutter contre ces préjugés antédiluviens et exige qu’on accorde aux femmes cheffes d’orchestre la confiance qu’elles méritent. «Elles sont peut-être notre meilleur espoir», conclut-il. «Ce qui rejoint notre propos. Les mentalités évoluent. Même si les femmes sont encore peu nombreuses à accéder au podium, on ne s’étonne plus de les y voir», continue Zofia Wislocka qui a réalisé des études internationales avec de grands chefs, créatrice de l’orchestre I Musici Brucellensis, un orchestre à cordes à géométrie variable, dont le répertoire s’étend de la musique baroque aux œuvres contemporaines, qui a déjà plusieurs créations mondiales à son actif. Elle a fait de brillantes études musicales au Conservatoire supérieur de Varsovie où elle obtint les premiers prix de piano, violon, harmonie, contrepoint, musique de chambre et direction d’orchestre avant de se perfectionner à Bruxelles. Après de nombreuses compositions et distinctions à son actif, elle se donne corps et âme à son association qui organise un concert exceptionnel ce 5 mars en prélude de la Journée internationale de la femme et du 15e anniversaire de l’association «Femmes Maestros» avec 4 femmes maestros belges qui se passeront la baguette dans différents domaines musicaux. Zofia Wislocka sera accompagnée de Myriam Sosson, Sabine Haenebalcke et Nathalie Muspratt.