TIR : le Maroc explore d’autres moyens de transport des flux vers l’UE
Depuis l’entrée en vigueur du nouvel accord entre le Maroc et l’Espagne, force est de constater que la consommation des autorisations par la partie marocaine augmente d’année en année. Pour les analystes, ceci traduit la dynamique croissante des échanges commerciaux, mais induit souvent une pénurie rapide des autorisations espagnoles.
La surconsommation des autorisations bilatérales estampillées «E» lors des opérations de transport entre le Maroc et l’Espagne alerte les deux parties sur les risques de pénurie, d’autant plus que cette rupture de stock intervient de plus en plus tôt dans l’année. Le risque économique et social lié aux pénuries constatées est majeur pour le Maroc car celles-ci pèsent sur des filières productives, génératrices d’emploi et stratégiques pour le développement du pays. Dans le cas des autorisations «au voyage», le contingent des autorisations espagnoles mis à la disposition de la partie marocaine est ainsi passé de 15.000 autorisations en 2012 à 49.500 en 2018. Pour la même période, la consommation de ces autorisations est passée de 20.800 en 2012 à près de 62.300 en 2018, amenant les autorités marocaines à demander des suppléments aux autorités espagnoles. Une analyse a été réalisée pour tenter de mieux cerner l’évolution de la volumétrie du contingent pour les années à venir et limiter ainsi ce risque de pénurie. Les écarts importants entre les différents scénarios de croissance des échanges analysés ont amené les deux parties, lors du dernier comité technique de novembre 2018, à convenir de s’adjoindre les services d’un bureau d’études pour la réalisation d’une analyse conjointe approfondie intégrant tous les déterminants de l’évolution des échanges commerciaux et du transport international routier (TIR) entre les deux pays. C’est dans ce contexte que le ministère de l’Équipement, du transport et de la logistique se penche sur l’option de réaliser une étude qui tracerait un modèle de détermination de la proposition du contingent des autorisations bilatérales du transport international routier de marchandises, échangé entre le Maroc et l’Espagne ainsi que les modalités de son actualisation. Cette étude devrait explorer d’autres moyens d’acheminer les flux commerciaux croissants, notamment dans le transport maritime, pour faire face aux échanges commerciaux du Maroc avec le reste des pays de l’Union européenne (hors Espagne). L’objectif est de définir un modèle pour la détermination de la proposition d’un contingent plus fiable ainsi que les modalités de son actualisation. En matière d’échanges, l’Espagne est le premier partenaire commercial du Maroc depuis plusieurs années, à la fois comme client et comme fournisseur. En parallèle, les échanges entre le Maroc et ses principaux partenaires commerciaux européens, notamment la France, connaissent une croissance soutenue. Le Maroc a conclu des accords bilatéraux avec ses partenaires commerciaux européens, mais ne dispose pas d’un accord multilatéral. Cela se traduit par des contingents d’autorisations bilatérales spécifiques à chaque partenaire commercial, et également par un transit par l’Espagne pour chaque flux à destination de ces mêmes partenaires, amenant à utiliser des autorisations bilatérales «E» quel que soit le pays européen de destination. Cependant, cet argument de nature géographique, s’il concourt à expliquer la surconsommation constatée, ne permet pas de l’expliquer totalement.
Selon les analystes, de nouveaux modèles d’affaires ont vu le jour à travers des partenariats entre les transporteurs marocains et espagnols, ce qui explique parfois cette surconsommation des autorisations bilatérales «E». Pour l’UE, le transfert du transport de marchandises par route vers des moyens de transport moins polluants est la clé de toute politique de transport viable. Une autre priorité consiste à intégrer les modes de transport par combinaison train-route, train-navire ou train-avion. Ces objectifs doivent être atteints en améliorant la sécurité, en réduisant le bruit et la pollution et en promouvant la protection de l’environnement. Actuellement, le secteur des transports, principalement par route, est responsable de 25,7% des émissions de gaz à effet de serre, dans l’UE. 45,3% de toutes les marchandises transportées voyagent par route, contre 36,8 par mer. Les 17,9% restants sont réalisés par d’autres modes (rail, voies navigables intérieurs, canalisation et voies aériennes). Comme indiqué dans le Livre blanc sur les transports de 2011, l’UE dans son ensemble vise à transférer vers d’autres modes, tels que le ferroviaire ou la navigation fluviale et maritime, 30% du transport de marchandises par route d’ici 2030, et d’ici 2050, plus de 50%, sur la base de couloirs de transit de fret efficaces et économiques. Le transport maritime est favorisé par les politiques de transport de l’UE en raison de ses coûts externes faibles par rapport à ceux du transport routier. La politique espagnole des transports étant alignée sur celle de l’UE, la partie espagnole devra, en tout état de cause, assurer la réduction des coûts externes occasionnés par le transport de marchandises par route.
Autorisations «E» vs «MA»
Conformément aux termes de l’accord bilatéral en matière de transport international routier liant le Maroc et l’Espagne, tout transport international de marchandises entre les deux États ou en transit par leur territoire est subordonné au régime de l’autorisation préalable (ou autorisation bilatérale). Ce sésame couvre tout type d’opérations de transport entre les deux pays (bilatéral, en transit, entrée à vide et triangulaire), à l’exception des «transports libéralisés» décrits dans l’article 13 dudit accord. Deux contingents sont ainsi échangés entre les deux parties durant ce mois de novembre pour l’année suivante, les autorisations «E» délivrées par l’Espagne et les autorisations «MA» délivrées par le Maroc. Ces contingents sont négociés par une commission mixte permanente instituée à cet effet par l’article 12 de l’accord susmentionné. Cette commission décide de l’établissement du contingent sur la base des intérêts des deux parties, pour ce qui relève du transport international routier de marchandises.
Pour la petite histoire…
Le transport international routier de marchandises entre le Royaume du Maroc et celui d’Espagne est régi par un accord bilatéral, autorisant les entreprises de transport ayant leur siège en Espagne ou au Maroc à réaliser des opérations de transport avec des véhicules immatriculés dans l’un ou l’autre État. Le premier accord de transport international routier de marchandises entre les deux pays a été conclu à Rabat en mars 1988 et conditionnait l’entrée des remorques étrangères dans l’un ou l’autre État à une autorisation préalable. Jusqu’à la fin des années 1990, les échanges commerciaux par route entre le Maroc et l’Europe ont connu une progression constante, ce qui a amené les entreprises du secteur du TIR marocain à se structurer pour passer à une logique de transporteur international. À la fin de la décennie 2000, il devenait primordial de réviser l’accord bilatéral pour l’adapter au nouveau contexte du TIR national et au volume des échanges entre le Maroc et l’UE. Un nouvel accord bilatéral en matière de transport international routier a ainsi été signé le 3 octobre 2012 et est entré en vigueur le 1er janvier 2013. L’accord précise les modalités autorisant les transporteurs de chacune des deux parties à effectuer le transport de voyageurs ou de marchandises entre les deux pays ou en transit par leur territoire, ainsi que le transport triangulaire.
Modeste Kouame / Les Inspirations Éco