Maroc

Taux directeur : entre prudence et incertitude

À la veille de chaque Conseil de Bank Al-Maghrib, les projections vont bon train sur la décisions que prendra l’institution concernant le taux directeur. Alors qu’une nouvelle réunion est prévue demain, 23 septembre, l’environnement global est pour le moins chargé d’incertitudes. La croissance reste solide et l’inflation contenue, mais les risques géopolitiques et la volatilité des prix de l’énergie incitent à temporiser.

À la veille de son Conseil du 23 septembre, Bank Al-Maghrib avance sur une ligne de crête. La conjoncture nationale offre des atouts rares, c’est-à-dire une croissance solide et une inflation contenue. Mais l’environnement international reste miné par la volatilité des prix de l’énergie, les tensions au Moyen-Orient et les incertitudes commerciales mondiales. Entre soutien à l’activité et vigilance face aux chocs externes, la Banque centrale devrait temporiser.

Une équation monétaire délicate
BMCE Capital Global Research (BKGR) table sur un statu quo immédiat, tout en ouvrant la voie à une baisse des taux d’ici la fin de l’année si la trajectoire des prix le permet. Dans sa note Flash Strategy, BKGR résume le dilemme : «En dépit d’une inflation sous contrôle, l’intensification des risques géopolitiques, susceptible d’influer sur les cours des matières premières, incite à la prudence.»

Le scénario central retient donc un maintien du taux directeur le 23 septembre, mais une détente reste envisageable avant le 31 décembre. Cette prudence s’explique aussi par le climat international. La Banque centrale européenne (BCE) a choisi de marquer une pause après un cycle de baisses, la Réserve fédérale américaine garde un ton ferme, et nombre de pays émergents temporisent.

Pour le Maroc, l’enjeu est double : préserver la crédibilité anti-inflation et rester aligné sur les cycles monétaires globaux, tout en gardant de la flexibilité pour accompagner l’économie si la fenêtre s’ouvre.

Une croissance robuste, un budget sous contrôle
Les chiffres confortent l’option d’attente. Après une progression de 4,8% au premier trimestre, le PIB a crû de 4,6% au deuxième et devrait s’établir autour de 4,4% au troisième. Les services tirent la croissance, suivis par la construction, les industries extractives et l’agriculture, sur fond de demande intérieure soutenue. BKGR a relevé sa prévision 2025 à 4,5% contre 4,2% précédemment, proche des projections de Bank Al-Maghrib (4,6% en 2025, 4,4% en 2026).

Sur le plan budgétaire, le déficit s’est creusé à -54,1 MMDH à fin août contre -32,8 MMDH un an plus tôt, mais cette dégradation apparente reflète le calendrier d’exécution. Les recettes ordinaires ont bondi de 18,7% à 271,6 MMDH, les dépenses ordinaires progressent de 16,5% à 252 MMDH, et les charges de compensation reculent de 19,2%, à 6,5 MMDH. BKGR rappelle que la trajectoire projetée par Bank Al-Maghrib reste maîtrisée : un déficit ramené à -3,9% du PIB en 2025, puis -3,4% en 2026.

Une inflation contenue mais vulnérable
À fin juillet, l’inflation générale progresse de 0,5% en glissement annuel et recule de 0,1% sur un mois. L’inflation sous-jacente se situe à 0,9%. Un expert résume : «Le Maroc bénéficie pour l’instant d’une combinaison rare de croissance soutenue et de faible inflation. Mais l’équation reste fragile car nous dépendons du marché mondial des matières premières et du climat».

La détente des prix pourrait se prolonger si les cours des matières premières se calment, si les tensions géopolitiques n’embrasent pas davantage les routes maritimes et si la météo reste clémente pour l’agriculture. Ces variables conditionneront la marge de manœuvre pour un nouvel assouplissement.

Transmission réussie de la baisse de mars
La réduction de 25 points de base du taux directeur en mars continue de diffuser ses effets. Le taux débiteur moyen global est revenu à 4,84% au deuxième trimestre. L’encours des crédits bancaires progresse de 4,9% en glissement annuel, à 1.166,4 MMDH fin juillet.

«Le flux de crédit progresse à un rythme soutenu, preuve que les mesures d’assouplissement se transmettent à l’économie réelle. Cela conforte la Banque centrale dans sa stratégie graduelle», commente un analyste du marché.

Pour sa part, le Trésor profite aussi de cette détente : son coût d’endettement a reculé sur le marché primaire, confirmant que les investisseurs anticipent déjà un statu quo.

Impact pour les entreprises et les ménages
Pour les entreprises, la baisse des taux débiteurs desserre l’étau financier et soutient la demande. Pour les ménages, l’assouplissement du crédit stimule la consommation et l’investissement immobilier.

Pour le Trésor, la détente réduit le coût du financement, offrant plus de marge budgétaire. La question clé reste la temporalité. Tant que l’inflation demeure ancrée, un assouplissement supplémentaire ne compromettrait pas la stabilité des prix. Mais l’arbitrage de septembre devrait privilégier la patience stratégique.

Les attentes du marché

Selon le sondage mené par BKGR, 89% des investisseurs institutionnels jugent la politique monétaire actuelle «adéquate». Toutefois, 56% anticipent une baisse de 25 pbs dès septembre et un tiers table sur un taux directeur à 2% d’ici fin 2025.

«Le sondage reflète un marché partagé entre prudence et impatience. Certains acteurs veulent sécuriser la reprise par un soutien monétaire accru, d’autres craignent de sous-estimer l’impact des chocs externes», analyse un expert.

Une lecture contrastée ressort également de l’enquête d’Attijari Global Research (AGR), réalisée auprès de 45 acteurs influents du marché. Elle révèle un léger biais en faveur du statu quo, avec 51% des sondés anticipant un maintien du taux directeur par Bank Al-Maghrib lors de sa réunion du 23 septembre, contre 43% en faveur d’une baisse de 25 pbs.

La probabilité d’un assouplissement plus marqué (-50 pbs) reste marginale (2%). Par catégorie, les investisseurs institutionnels locaux se montrent les plus enclins à parier sur une stabilité (65%), tandis que les investisseurs étrangers, eux, sont quasi-unanimes (86%) à anticiper une baisse imminente. Les personnes physiques, de leur côté, misent à 64% sur une baisse de 25 pbs.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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