Maroc

Taux directeur : consensus du marché en faveur d’une détente

À l’approche de son Conseil du 24 juin, Bank Al-Maghrib se trouve face à une équation délicate. L’économie évolue dans un cadre macroéconomique globalement stable, propice à un nouvel assouplissement monétaire. Toutefois, l’environnement international reste perturbé par des tensions géopolitiques persistantes et une volatilité accrue sur les marchés. Dans ce contexte contrasté, les anticipations des investisseurs convergent vers une nouvelle baisse du taux directeur, que beaucoup jugent désormais non seulement possible, mais souhaitable.

Alors que l’onde de choc protectionniste venue de Washington agite de nouveau les marchés, et que les tensions commerciales sino-américaines alternent entre piétinements et sursauts, Bank Al-Maghrib avance vers son Conseil du 24 juin dans un climat d’incertitude mondiale.

Ce contexte international contraste avec la solidité relative de l’économie nationale. L’enjeu dépasse de loin la simple fixation d’un nouveau taux directeur. Il s’agit d’installer un cycle d’assouplissement maîtrisé, sans mettre en péril une trajectoire budgétaire récemment stabilisée, ni raviver des pressions inflationnistes importées.

C’est dans cette perspective que s’inscrit la note Flash Strategy, de BMCE Capital Global Research (BKGR). La société de recherches analyse les paramètres clés de la prochaine décision monétaire et éclaire les paris souvent divergents d’un marché en attente de signaux clairs.

L’enquête menée par BKGR auprès des investisseurs institutionnels révèle un positionnement largement accommodant. Une majorité de 88% juge le niveau actuel du taux adapté à la conjoncture, mais 63% prévoient un nouvel abaissement de 25 points dès la réunion de juin. Trois sondés sur quatre anticipent au moins deux baisses d’ici la fin de l’année. Aucun ne prévoit de hausse, même en cas de résurgence modérée de l’inflation. Ces résultats traduisent une forte attente de continuité dans l’assouplissement, que BAM ne pourrait pas ignorer.

Une conjoncture internationale agitée et un socle intérieur solide
Dès l’abord, BKGR rappelle que l’environnement international reste marqué par une grande volatilité. Parmi les facteurs de risque figurent la politique économique américaine, la guerre tarifaire intermittente entre Pékin et Washington, la poursuite du conflit russo-ukrainien, ou encore l’escalade militaire au Moyen-Orient.

Pourtant, face à cette instabilité, l’économie offre un profil résilient. La croissance interne s’accélère à contre-courant de nombreuses économies émergentes qui marquent le pas. Après une hausse de 3,8% en 2024, le produit intérieur brut aurait progressé de 4,2% au premier trimestre, porté par la vigueur des investissements d’infrastructure et la bonne tenue des services non agricoles.

Une croissance désormais tirée par les secteurs non agricoles
La faiblesse de la campagne céréalière actuelle aurait pu freiner la dynamique, mais elle est compensée par l’élan des chantiers publics et privés. BKGR estime que l’expansion du PIB pourrait atteindre 4,2% en 2025, un niveau supérieur à celui de 3,9% retenu par Bank Al-Maghrib lors de sa réunion de mars. Si l’écart reste modeste, il illustre néanmoins la marge de manœuvre dont dispose la Banque centrale pour accompagner l’investissement productif sans risquer un emballement conjoncturel.

Une inflation modérée qui ouvre la voie à un assouplissement
La stabilisation des prix renforce cette marge d’action. En avril, l’indice des prix à la consommation a reculé de 0,3% sur un mois, et ne progresse que de 0,7% sur un an. L’inflation sous-jacente plafonne pour sa part à 1,2%.

D’après BKGR, les menaces d’origine externe, telles qu’un choc pétrolier ou des tensions sur les marchés des oléagineux, demeurent contenues tant que la situation géopolitique ne bascule pas dans l’extrême. Dans ces conditions, un nouvel abaissement du taux directeur de 25 points de base semble d’autant plus justifiable qu’il s’inscrirait dans la continuité du geste opéré en mars dernier.

Des finances publiques sous tension, mais maîtrisées
Du côté budgétaire, les derniers chiffres montrent un déficit de 11,7 milliards de dirhams à fin avril, contre 1,2 milliard à la même période un an plus tôt. Cette détérioration apparente masque en réalité une
dynamique vertueuse.

Les recettes ordinaires progressent de 19%, permettant de contenir l’impact d’une hausse plus marquée des dépenses, en augmentation de 28,5%. BAM projette ainsi un déficit ramené à 3,9% du PIB en 2025, puis à 3,6% l’année suivante. Cette trajectoire suggère que la rigueur budgétaire demeure compatible avec une politique monétaire légèrement plus souple.

Une transmission efficace au marché du crédit
Les effets de la baisse du taux directeur décidée en mars dernier sont déjà perceptibles dans le comportement des banques. Le taux débiteur moyen s’est replié de 10 points de base au premier trimestre, pour atteindre 4,98%.

Parallèlement, les encours de crédit enregistrent une hausse de 5,1% sur un an, franchissant les 1.157 milliards de dirhams. Cette évolution témoigne d’une amélioration des conditions d’accès au financement, notamment pour les très petites et moyennes entreprises. Si BAM poursuit l’allègement, cette tendance pourrait encore s’intensifier.

Un marché obligataire qui prend les devants
Les dernières émissions du Trésor confirment l’orientation favorable des taux. Depuis mars, les lignes sont systématiquement renégociées à la baisse, grâce à une demande renouvelée pour les titres souverains. Les rendements à dix ans se maintiennent désormais en dessous de 3,5%, bien loin des sommets atteints en 2023.

Pour BKGR, cette détente reflète une anticipation claire d’une nouvelle baisse du taux directeur. Ne pas donner suite à cette attente créerait un écart préjudiciable entre la politique monétaire et les conditions de marché.

Un moment charnière pour accompagner la transformation économique
Derrière les chiffres, se profile une autre réalité. La réduction du coût du crédit constitue un levier essentiel pour accélérer la reconversion industrielle du pays, accompagner la montée en puissance des énergies vertes et favoriser l’investissement dans les technologies d’avenir.

La réunion du 24 juin ne se résumera pas à une décision technique. Elle cristallisera l’orientation stratégique de BAM dans un contexte où plusieurs Banques centrales à travers le monde, notamment en Europe, ont déjà amorcé un cycle de baisse. Rejoindre ce mouvement enverrait un signal fort de confiance et d’alignement sur les dynamiques globales.

L’incertitude géopolitique comme principal frein potentiel

Le scénario d’un choc externe reste toutefois à surveiller. L’escalade des tensions entre Israël et l’Iran, si elle se confirmait, pourrait provoquer une envolée des prix de l’énergie et raviver des tensions inflationnistes mondiales. BKGR considère ce risque comme le principal argument contre un assouplissement prolongé. Une baisse mesurée offrirait à la Banque centrale une flexibilité précieuse sans compromettre la dynamique de reprise.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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