Taux directeur : baisse ou statu quo ?
Face à un contexte encore volatil et fragile, la décision du Conseil de Bank Al-Maghrib, qui se tient aujourd’hui, est très attendue. Y aura-t-il statu quo ou baisse du taux directeur ? Les pronostics divergent, mais les enjeux sont de taille. La décision qui sera prise sera en tout état de cause positive, à en croire les experts.
Baissera ou baissera pas ? C’est la question qui était sur toutes les lèvres des observateurs du marché financier quant à l’évolution du taux directeur, à la veille du Conseil trimestriel de Bank Al-Maghrib qui se tient aujourd’hui. Ceci dit, les avis divergent. Certains tablent sur un statu quo, alors que d’autres prédisent une nouvelle baisse de 25 points de base (pbs).
Les investisseurs favorables à une baisse
Pour BKGR (BMCE Capital Global Research), la Banque centrale opterait pour un statu quo, selon le sondage effectué auprès d’institutionnels. Pour cause, l’inflation qui continue de sévir. Les pronostics d’un analyste financier de la place abondent dans le même sens.
«Après la baisse opérée durant le dernier Conseil, laquelle était d’ailleurs inattendue, BAM pencherait pour une phase d’observation relative à l’évolution de l’inflation, et ce, en raison de plusieurs éléments, dont la décompensation du gaz butane entrée en application depuis quelques mois. Car l’impact se répercute sur les prix des produits alimentaires et, par ricochet, sur le secteur HCR (hôtels, cafés, restaurants). À mon sens, un attentisme est de mise», commente un analyste financier de la place.
Et d’ajouter que le moment serait plus opportun vers la fin de l’année, du fait de l’intervalle de temps nécessaire pour observer si l’inflation ne s’intensifie pas d’ici-là. Dans ce cas, il est certain que BAM favoriserait davantage un desserrement de la politique monétaire. En revanche, si l’inflation s’emballe, le statu quo devrait être maintenu.
À noter que l’indice des prix à la consommation du mois d’août affiche une hausse de 0,8%. Cette augmente est principalement tirée par les prix des produits alimentaires, lesquels ont grimpé de 1,8%. L’indicateur de l’inflation sous-jacente est également en hausse de 0,3% sur un mois et de 2,6% sur une année. Mais en dépit de ce constat, l’enquête menée par AGR (Attijari Global Research) auprès des investisseurs financiers, révèle que le consensus serait en faveur d’une éventuelle baisse du taux directeur de 25 pbs. Sur la base des réponses obtenues, la probabilité d’une baisse est de 83% contre 8% pour une baisse de 50 pbs. Par ailleurs, la probabilité d’un statu quo du taux directeur est de 9%. Cependant, les économistes présentent d’autres éléments d’analyse.
Selon Omar Kettani, professeur d’économie à l’Université Mohammed V de Rabat, la conjoncture n’est toujours pas au beau fixe. De plus, les pronostics à l’international ne sont pas rassurants pour l’année 2025, ce qui pourrait se répercuter négativement sur le contexte national.
«Si la situation est difficile en Europe, l’impact sur certains secteurs clés est irrévocable. Il s’agit notamment des énergies, des céréales ou encore du tourisme. Des secteurs qui peuvent avoir des incidences sur l’économie marocaine. Tout dépend du coefficient de dépendance, car les choix économiques ne sont pas souverains et dépendent lourdement de l’extérieur», précise-t-il.
Dans ce cas, faut-il favoriser la croissance au détriment de l’inflation en baissant le taux directeur, ou alors juguler une inflation toujours galopante au profit de la croissance ?
Des mesures compensatrices s’imposent
Face à ce dilemme, l’économiste estime que quelle que soit la mesure prise, il est indispensable de l’accompagner de mesures compensatrices. Dans le cas où la balance penche vers un statu quo, des mesures anti-inflationnistes sont à prendre telles que la substitution à l’importation.
Pour l’économiste, ce genre de mesures, qui demeurent timides par ailleurs, devraient être encouragées. Pour lui, il est important d’encourager les industries locales à renforcer leurs capacités productives. De surcroît, le Maroc se trouve face à des problématiques persistantes, telles que celle de l’emploi.
«Il y a une pression sociale qui pèse de tout son poids et à laquelle il faudra remédier en urgence. Le problème de l’emploi ne peut être résolu qu’à travers la stimulation de la productivité et par conséquent, de la croissance, notamment après les récents événements de Fnideq, qui sonnent comme une sonnette d’alarme. Dans le même sillage, le gouvernement mise sur une relance du secteur du bâtiment, ce qui implique une facilitation des crédits. Dans ce cas de figure, il serait plus judicieux de céder à la pression sociale au détriment de la pression inflationniste», suggère Kettani.
Toutefois, les analystes s’accordent à dire que quelle que soit la décision de la Banque centrale, elle sera positive. Mais il faudra, par ailleurs, compenser les impacts engendrés d’un choix par rapport à l’autre, en prenant des mesures appropriées, soit pour soutenir la croissance, en cas de statu quo, soit pour lutter contre l’inflation, en cas de baisse.
Omar Kettani
économiste
«Il y a une pression sociale qui pèse de tout son poids et à laquelle il faudra remédier en urgence. Le problème de l’emploi ne peut être résolu qu’à travers la stimulation de la productivité et par conséquent, de la croissance, notamment après les récents événements de Fnideq, qui sonnent comme une sonnette d’alarme.
Dans le même sillage, le gouvernement mise sur une relance du secteur du bâtiment, ce qui implique une facilitation des crédits. Dans ce cas de figure, il serait plus judicieux de céder à la pression sociale au détriment de la pression inflationniste».
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO