Stress hydrique : comment le Maroc peut s’en sortir ?
L’utilisation abusive de l’eau, ressource qui se raréfie, pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’économie dans son ensemble, si ce n’est déjà le cas. Cette alerte est récente, mais la menace n’est pas nouvelle. Des experts formulent leurs recommandations.
D’une gestion de l’abondance de l’eau puis de sa rareté, il y a encore quelques années, le royaume fait aujourd’hui face à un défi plus grand : la pénurie d’eau. Et pour cause, en plus du réchauffement climatique, on enregistre une consommation excessive, de 10 milliards de mètres cubes par an, de cette ressource rare. En effet, au cours des dernières décennies, le Maroc a connu une forte et rapide augmentation de la demande globale en eau en raison de la croissance démographique, de l’expansion de l’agriculture irriguée, d’un commerce national et international florissant et de l’évolution du niveau et du mode de vie.
Des solutions existent
Aujourd’hui, la soif de l’économie nationale en or bleu est telle que, malgré la pénurie, la forte demande, tirée par de grands secteurs, ne cesse de croître. De fortes demandes qui se chevauchent par moments. L’heure est venue d’en payer le prix, à défaut de trouver immédiatement des solutions miracles au manque d’eau, principal intrant dont la pénurie peut conduire les grands secteurs de l’économie nationale à l’étranglement. C’est d’ailleurs dans ce sens que la Coalition marocaine pour l’eau qui, après avoir présenté des recommandations en matière de gestion des risques, s’est proposée, à travers une conférence en ligne, d’alerter et d’appeler à la prise de mesures rapides face à la menace réelle du stress hydrique au Maroc.
Organisé mardi 20 octobre, le webinaire a réuni une poignée d’experts et de hauts responsables de la plus haute administration. Moulay Driss Hasnaoui, chef de la Division des ressources en eau au ministère de l’Équipement, du transport et de la logistique, plaide pour la mise en œuvre de deux alternatives qui pourraient changer la donne au Maroc, outre la suppression de certains usages non essentiels, une meilleure gestion de la démographie et la collecte des eaux pluviales. Il s’agit de développer davantage la recherche sur les résurgences en mer et la prospection des eaux profondes.
«Il y a des potentialités énormes en mer que nous devons explorer à travers des études rigoureuses et précises», estime le spécialiste, avant de souligner que mettre la main sur des gisements importants dans le grand bleu peut s’avérer coûteux, et donc non rentable. Il faut rappeler que plus de 60 MMDH ont été injectés dans le secteur ces dernières années, mais cette enveloppe n’est qu’une petite goutte d’eau face aux immenses besoins d’investissement dans le secteur de l’eau au Maroc, dira-t-on. Dès lors, il faut miser sur des alternatives moins coûteuses, d’autant plus que certaines expériences ont déjà prouvé leur efficacité. «Il s’agit, entre autres, de lutter contre tout gaspillage à travers l’amélioration de l’efficience des infrastructures, de mobiliser toutes les ressources, qu’elles soient conventionnelles ou alternatives, à savoir la réutilisation des eaux usées ou le descellement de l’eau de mer, ainsi qu’une planification territoriale sur mesure», estime Mohammed Serraj, directeur de la planification au sein de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE).
Une question de sécurité nationale
Ceci rejoint les principes du programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation qui doit s’étaler jusqu’en 2027. S’articulant autour de cinq axes, le programme dont la convention a été signée début janvier dernier à Rabat, lors d’une cérémonie présidée par le roi Mohammed VI, promeut l’amélioration de l’offre hydrique, notamment par la construction de barrages, la gestion de la demande et la valorisation de l’eau dans le secteur agricole entre autres, le renforcement de l’approvisionnement en eau potable en milieu rural, la réutilisation des eaux usées traitées dans l’irrigation des espaces verts. Il s’agit aussi de promouvoir la communication et la sensibilisation en vue de renforcer la conscience de l’importance de la préservation des ressources en eau et la rationalisation de leur utilisation. Financé à hauteur de 60% par le Budget général de l’État et de 39% par les acteurs concernés, particulièrement l’ONEE (le reste étant prévu dans le cadre du partenariat public-privé), le programme bénéficiera d’une enveloppe de l’ordre de 115,4 MMDH. Un investissement devant absolument être rentabilisé, au vu des enjeux liés à la problématique, soulignent les experts. Outre des impacts négatifs sur le plan économique, le stress hydrique peut déclencher une instabilité politique et sociale, prévient Hassane Agouzoul. Et l’ancien expert senior du développement durable et du changement climatique au sein du Conseil économique, social et environnemental d’ajouter que la question de l’eau relève de la sécurité et de la souveraineté nationales. La demande actuelle en eau, qui est de 10 milliards de m3, sera presque doublée pour atteindre 18 milliards de m3 par an dès 2050.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco