Maroc

Sécurité pénitentiaire. Les raisons de la bérézina

Absence de foncier pour décongestionner les prisons, retards dans la mise en application des conventions, commission interministérielle dormante, taux d’encadrement ridiculement faible… Le malaise des prisons marocaines devient structurel.

Surpopulation, hygiène défaillante, alimentation impropre, insécurité… Les prisons marocaines n’ont pas bonne presse. Et si les maux sont multiples, leurs sources le sont également. Afin de lever le voile sur les défaillances structurelles des prisons marocaines, la Cour des comptes a dressé les multiples problématiques à l’origine du chaos ambiant. Et la tutelle est, logiquement, la première incriminée. Les magistrats financiers ont en effet constaté que la commission interministérielle chargée du renforcement de la performance des établissements pénitentiaires (EP) et de l’amélioration des conditions des détenus a accusé un retard de 10 ans dans son opérationnalisation. La Cour a également constaté que le taux d’encadrement au sein des établissements pénitentiaires (rapport entre le nombre de fonctionnaires et le nombre des détenus) se limite à 14%, et reste faible par rapport aux pratiques européennes dont le taux le plus bas se fixe à environ 34,83%.

«La Cour a également constaté la vacance de plusieurs postes de responsabilité, ainsi que le défaut de nomination des directeurs de l’administration centrale. Comme elle a relevé l’insuffisance de l’implication des directions régionales de la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) dans la gestion des établissements pénitentiaires qui relèvent du territoire de leurs attributions», indiquent les rapporteurs de la Cour.

Le résultat est donc cohérent. Les visites effectuées par la Cour à certains établissements ont dévoilé de sérieuses lacunes dans les infrastructures sécuritaires de base liées principalement à une insuffisance dans la couverture des prisons par les miradors, et une absence de leur mise aux normes, ainsi qu’une indisponibilité de zones de sécurité périmétriques. Par ailleurs, la conception des prisons locales marocaines ne permet pas le respect du mode d’incarcération en ne réservant qu’un taux moyen de 2,31% de leur capacité totale d’hébergement aux cellules individuelles. Et si, pour remédier, la DGAPR a entrepris un nombre actions et mesures, ces dernières restent entachées, dans le meilleur des cas, d’irrégularités. En plus de l’indisponibilité du foncier adapté et de la non-régularisation du patrimoine immobilier, il a été constaté un non-respect des engagements financiers relatifs à l’exécution du programme de délocalisation des prisons vétustes et enclavées conformément aux dispositions de la convention-cadre signée entre la DGAPR et la direction des domaines. Cette gestion approximative provoque une psychose dans les prisons.

La Cour des comptes a constaté une insuffisance notable dans les instruments de contrôle électronique anti-intrusion. En effet, il s’est avéré que 39 établissements ne disposent pas de scanners à rayon X. En outre, les équipements disponibles ne permettent pas de satisfaire les besoins des EP pour le contrôle du personnel et des visiteurs.

D’un autre côté, l’efficacité des systèmes de vidéosurveillance demeure limitée à cause de la faiblesse du taux de couverture spatiale des systèmes installés au sein des prisons, qui ne permet pas de balayer l’ensemble des composantes spatiales critiques, ainsi qu’à cause des pannes récurrentes et de l’insuffisance de la maintenance de ces appareils. En outre, l’affectation des détenus à l’intérieur des prisons ne respecte pas les dispositions de l’article 6 de la loi n°23.98, relative à la séparation des incarcérés selon leur catégorie pénale (condamnés, en détention préventive et contraignables pour des raisons civiles). La Cour a également constaté, lors des visites des EP, le non-respect de la procédure relative à la classification des condamnés en 3 catégories (A, B et C).


Où est l’argent de la réinsertion ?

Les crédits budgétaires ouverts au profit de la préparation à la réinsertion ne sont pas utilisés, selon la Cour des comptes. En effet, des virements sont effectués annuellement au profit d’autres postes budgétaires comme la sécurité et l’alimentation, qui sont considérés comme plus prioritaires par la DGARP au vu des contraintes financières qu’elle connaît. Il a été également constaté un retard dans la réalisation des centres de formation prévus dans les conventions de partenariat relatives à la cession de terrains agricoles du domaine privé de l’État à des entreprises privées, ainsi qu’un faible taux d’encadrement des détenus dans les activités dédiées à la préparation à la réinsertion.



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