Santé. Le secteur attend un traitement de choc
Une nouvelle gouvernance de management de la santé au Maroc s’impose pour pallier les insuffisances qui rongent le secteur. Le système doit être revu en prenant en considération plusieurs paramètres, selon les constats dressés lors d’une rencontre organisée par l’Institut CDG. Il faut mettre sur les rails une vision à court et long termes pour relever les défis de la transition épidémiologique et démographique.
Sauver le système de santé au Maroc est tributaire de la mise en place d’une nouvelle gouvernance prenant en considération les défis non seulement à court termes mais aussi à moyen et long termes. Un impératif souligné par le professeur de santé publique et de management sanitaire, Jaâfer Heikel. Les remarques de ce professionnel de la santé sont on ne peut plus pertinentes et les décideurs gagneraient à écouter les conseils des experts pour améliorer la gouvernance de ce secteur vital qui demeure plombé par nombre de dysfonctionnements. Certes, il n’existe pas de solutions magiques pour booster le système, mais certaines pistes permettraient de redresser quelques lacunes et d’améliorer les indicateurs. Jusque-là, le Maroc est à la traîne sur plusieurs volets en comparaison avec des pays africains. Au niveau du ratio budgétaire consacré au secteur, le royaume est dépassé de loin par nombre de pays comme le Bostwana (17%), la Zambie (16%), le Togo (15%)… Malgré les efforts déployés au cours des dernières années, les ressources financières octroyées à la santé au Maroc ne dépassent pas 6% du budget général alors que l’Organisation mondiale de la santé prône un minimum de 10% à 12%.
Finances : pour une meilleure gestion des ressources
Le chemin reste encore long pour le Maroc qui est appelé à ériger le secteur en priorité. La répartition des ressources financières doit être repensée à l’intérieur même du budget de ce secteur. Le professeur Heikel déplore, à titre d’exemple, le peu de moyens accordés à la prévention alors que ce volet est de la plus haute importance et permet d’agir sur les facteurs de risques modifiables des maladies. Malheureusement, cet axe n’est pas encore assez pris en compte par le Maroc qui vieillit de plus en plus et dont la nature des maladies a changé au cours des deux dernières décennies.
Selon la Banque mondiale, le coût des maladies non transmissibles serait compris entre 1 et 7% du PIB des pays africains alors qu’un programme de prévention complet comprenant quelques-unes des stratégies principales leur coûterait moins de 1% de leur PIB. Au Maroc, le coût de certaines maladies non transmissibles et qui sont la principale cause de décès dans le monde (76% au Maroc) – est faramineux : le diabète coûte 11 MMDH par an, l’obésité 24 MMDH par an et la carence en micronutriments 12 MMDH soit 5% du PIB. 20% de ces sommes en prévention primaire pourrait réduire de 80% l’incidence, d’après le professeur Heikel. Il s’avère ainsi indispensable de prendre en compte cette donne dans la stratégie de santé. À cela s’ajoute la nécessité d’alléger la pression sur le citoyen. Le Maroc fait en effet partie des pays où la contribution des ménages dans les dépenses de santé est très élevée : elle dépasse 60% contre 3% en Angleterre. Le gouvernement est très attendu sur cette question. Pour rectifier le tir, plusieurs actions doivent être déployées, à commencer par le renforcement du secteur public. Aujourd’hui, les Marocains optent pour le secteur privé pour se faire soigner. Même les Ramédistes recourent aux services du privé bien qu’ils n’aient pas les moyens, ce qui a aggravé la situation financière des hôpitaux publics qui doivent assurer leur équilibre financier.
Aujourd’hui, il faut une nouvelle politique pour inverser le paradigme et rendre au secteur public ses lettres de noblesse. «Nous avons besoin d’un secteur public fort, accompagné par le privé comme un partenaire», précise le docteur Heikel. Le partenariat public/privé est l’une des issues concrètes qui pourraient booster le système de santé au Maroc. Il s’agit, entre autres, de réfléchir à des formes innovantes de gestion déléguée et d’accréditer le secteur privé, mais tout en mettant en place un système rigoureux de contrôle. La régionalisation de la gestion n’est pas en reste. L’idée est de s’adapter aux besoins spécifiques de chaque région en matière de santé.
Miser sur la formation des ressources humaines
Le déficit en ressources humaines est l’un des principaux handicaps du système de santé au Maroc. Le besoin immédiat est de plus de 9.000 médecins et 15.000 infirmiers mais paradoxalement, le Maroc ne forme pas assez de médecins. Les objectifs du programme de formation de 3.000 médecins par an ont été abandonnés en dépit des besoins de plus en plus grandissants. Désormais, il s’avère indispensable d’augmenter la capacité d’accueil des facultés de médecine et de baisser le seuil d’admission. La formation doit répondre aux besoins de la société et permettre de gérer la transition démographique et épidémiologique. Il ne s’agit pas uniquement d’œuvrer pour augmenter l’espérance de vie des Marocains mais de prendre en considération aussi la qualité de leur santé. Actuellement, l’espérance de vie en bonne santé n’est pas de 75 ans, elle est plutôt de 65 ans.