Maroc

Santé : l’Afrique peut-elle reconquérir sa souveraineté sanitaire ?

Largement dépendante des importations de médicaments et de vaccins, l’Afrique s’efforce de bâtir une industrie pharmaceutique locale. Mais entre contraintes financières, infrastructures défaillantes et cadre réglementaire pesant, le chantier demeure titanesque.

L’Afrique cherche à s’affranchir de sa dépendance médicamenteuse et vaccinale. Produire localement, garantir un accès équitable aux soins et réduire la vulnérabilité du continent aux crises sanitaires figurent parmi les priorités affichées.

Réunis à Marrakech lors de la 22e édition de l’Officine Expo, spécialistes et professionnels du secteur ont esquissé les pistes d’une industrie pharmaceutique plus souveraine. Le développement de systèmes de santé plus résilients passe par une production locale capable de répondre aux besoins des populations, sans dépendre des grandes places industrielles mondiales.

«La liste des médicaments essentiels n’est pas l’instrument des pays les plus défavorisés, c’est un outil de travail pour tous», souligne Maryam Bigdeli, représentante de l’Organisation mondiale de la santé au Maroc.

Elle insiste sur la nécessité de systématiser l’accès à ces médicaments tout en allégeant le poids financier pour les ménages. L’enjeu est d’autant plus pressant que de nombreux foyers consacrent une part disproportionnée de leurs revenus aux dépenses de santé, au risque de sombrer dans la précarité.

«Le droit à la santé»
La crise de Covid-19 a exposé avec acuité les failles structurelles des politiques de santé. «Le droit à la santé ?
Si vous n’avez pas le droit au médecin, pas le droit aux pharmaciens, pas le droit aux médicaments, pas le droit aux vaccins, il est où ce droit à la santé ?», s’interroge Jaffar Heikel, spécialiste en maladies infectieuses et économiste de la santé.

Pour cet expert, un engagement politique fort est indispensable pour garantir un accès effectif aux soins. Les États qui sous-investissent dans la santé prennent le risque de fragiliser leur population et de freiner leur propre développement économique. La question du financement demeure centrale : sans politiques publiques ambitieuses et adaptées, la couverture médicale universelle restera un horizon lointain. L’industrie pharmaceutique africaine fait face à une concurrence déséquilibrée.

«Les médicaments coûtent parfois beaucoup plus cher en Afrique que leurs homologues en Europe», relève Mohamed Abdelmoumen Mahdi, directeur de l’innovation dans un grand laboratoire pharmaceutique.

Une régulation efficace et la mise en place de systèmes d’assurance maladie robustes permettraient de réduire ces disparités tarifaires, freinant ainsi l’exclusion des plus démunis. L’implantation de nouvelles unités de production sur le continent s’impose comme une nécessité, tant pour assurer un meilleur contrôle des prix que pour renforcer la sécurité sanitaire.

La faible part de l’Afrique dans la fabrication mondiale de vaccins – estimée à moins de 1% – accentue la dépendance aux importations et expose la région aux aléas du marché international.

«La production de vaccins en Afrique ne représente qu’à peine 1% de la production mondiale», constate Younes Hilali, acteur du développement de la biotechnologie. Il appelle à renforcer l’innovation locale et à créer des capacités de production mieux réparties.

À défaut d’infrastructures adaptées et d’investissements stratégiques, les initiatives existantes restent insuffisantes pour répondre aux besoins de millions de personnes. Les obstacles sont aussi d’ordre juridique voir diplomatique.

«Les pays africains ont été biberonnés de politiques décidées à Genève et à Washington», observe Othman Mellouk, cofondateur d’ITPC MENA.

La question des brevets et de la propriété intellectuelle pèse lourdement sur l’accès aux traitements. Une refonte des cadres législatifs pourrait favoriser l’émergence d’une industrie pharmaceutique locale, notamment pour le traitement du VIH, de la tuberculose et du paludisme. L’objectif est double : sécuriser la production et adapter les soins aux réalités sanitaires du continent.

A l’unanimité, les experts s’accordent pour dire qu’instaurer une souveraineté sanitaire implique une mobilisation conjointe des pouvoirs publics et des acteurs privés. L’émergence d’un modèle plus autonome et résilient reste conditionnée à une volonté politique affirmée et à des réformes structurelles ambitieuses.

A.I. / Les Inspirations ÉCO



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