Maroc

Santé et sécurité au travail : une remise à plat s’impose !

Le Maroc enregistre les chiffres les plus élevés en matière d’accidents de travail dans la région MENA. Le CESE appelle à mettre en œuvre de la politique nationale de santé et sécurité au travail. Il dresse des constats alarmants, mais présente des pistes de solutions fort intéressantes.

La volonté est là, elle a été matérialisée par des mesures, des textes de lois pour promouvoir la santé et la sécurité au travail… mais sur le terrain, la situation mérite d’être sérieusement prise en main, afin d’assurer à tous les travailleurs, de tous les domaines, des conditions de travail saines et rassurantes. A ce titre, le travail mené récemment par le Conseil économique social et environnemental (CESE), dont les conclusions ont été restituées, hier lors d’un webinaire, ont de quoi représenter une base de travail fort instructive pour toutes les parties prenantes à ce sujet. Ahmed Réda Chami, président du CESE, n’y est d’ailleurs pas allé par quatre chemins pour assurer qu’il faudrait «entreprendre une réforme du système de santé et de sécurité au travail basée sur une vision globale et non sur des initiatives ou des actions sporadiques». En effet, les risques dans les lieux de travail concernent tout le monde, entreprises institutions et collaborateurs. «Ces risques peuvent se traduire soit par des accidents de travail soit par le développement de maladies dites professionnelles. Au Maroc, environ 2.000 décès par an sont liés à des accidents de travail selon le Bureau international du travail (BIT), soit un des chiffres des plus élevés dans la région MENA», a affirmé le président du CESE, jugeant cette donnée effarante. D’où la nécessité de redoubler d’efforts pour remédier aux carences existantes, et de faire progresser les normes de santé et de sécurité dans le pays.

État des lieux
Il est à rappeler que le CESE a réalisé son étude, dans le cadre d’une auto-saisine, sur la question de la santé et de la sécurité au travail. Ce travail concerne aussi bien le secteur public que privé avec leurs différentes composantes, notamment les TPE, le secteur agricole et le secteur informel. «Le Maroc a réalisé des progrès importants dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Il s’agit notamment de l’élaboration du projet de loi-cadre sur la santé et sécurité au travail, la création de l’Institut national des conditions de vie au travail et l’élaboration de la politique nationale et du programme national de santé et de sécurité au travail pour la période 2020-2024», a d’ailleurs rappelé Ahmed Reda Chami, qui alerte au passage qu’en dépit de son acuité, le projet de loi-cadre sur la santé et sécurité au travail attend de voir le jour, depuis une décennie ! En toile de fond, et en dépit des efforts recensés jusqu’à présent, Chami souligne que l’écosystème de la santé et sécurité au travail dans notre pays demeure encore bien lacunaire. Citons, notamment, l’absence d’un cadre légal national spécifique pour régir le volet de la santé et sécurité au travail, l’indifférence dans bon nombre de structures quant au respect des normes édictées en la matière par le Code du travail. C’est là que le président du CESE brandit un autre chiffre alarmant: le nombre d’entreprises respectueuses du Code de travail sur le volet relatif à la création d’une commission de santé et sécurité au travail, ne dépasse guère les 17%. Les structures totalement en phase avec les dispositions concernant la médecine de travail, elles, sont quasi inexistantes. «Le Maroc ne compte que très peu de médecins de travail. En tout, ils sont au nombre de 1.400 praticiens, jusqu’à présent», précise Chami. À la liste des défaillances relevées au Maroc, dans le registre de la santé et sécurité au travail, le président du CESE ajoutera aussi, la mise en œuvre très limitée des règles de santé et de sécurité au travail dans un large pan du secteur privé « au point que les données chiffrées sont inexistantes pour bon nombre d’activités «, en plus de la non-inclusion du système dans le secteur public et le manque de compétences spécialisées. Autre donnée qui vient amplifier la gravité de la situation: la protection sociale contre les accidents de travail demeure «inefficace», comme le souligne Chami, précisant que ce mécanisme n’englobe à ce jour que 25% des salariés du secteur privé. Pis encore, les lois existantes n’imposent nullement l’assurance contre les maladies professionnelles. «Je trouve cela particulièrement désolant, étant donné que certaines maladies ne sont détectables qu’après de longues années», regrette Chami. Par ailleurs, le travail de diagnostic mené par le CESE a fait également ressortir le problème de la gouvernance du système de santé et de sécurité au travail, en plus de la dispersion de la responsabilité de gestion de la santé et de la sécurité entre plusieurs acteurs.

Recommandations
Najat Simou, présidente de la commission de l’Emploi et des relations professionnelles, qui a supervisé l’étude du CESE, a assuré que «le rehaussement des normes de santé et sécurité dans notre pays doit s’effectuer en tenant en compte sept enjeux majeurs». Il s’agit en premier lieu de la promotion de la culture de la santé et de la sécurité professionnelle, de refondre la législation nationale afin d’accompagner le rythme de l’évolution des normes internationales et de répondre aux défis relevés par le marché du travail. Mais aussi, le développement de la gouvernance dans le domaine de la santé et sécurité au travail et la mise en place d’un système d’informations basé sur les données et statistiques qui appuient les efforts de développement de la santé et sécurité au travail. Selon Najat Simou il faudrait aussi «développer la médecine du travail, et assurer des formations prioritaires dans les spécialisations scientifiques pour la santé et la sécurité au travail, en s’appuyant sur la recherche et les études scientifiques». Ainsi, le Conseil recommande, sur le plan institutionnel, la création, auprès du Chef du gouvernement, d’une Agence nationale pour la santé et la sécurité au travail ayant notamment pour mission d’élaborer et mettre en œuvre de la politique nationale de santé et sécurité au travail. Pour ce qui est des autres composantes du système de santé et sécurité au travail, le CESE propose de rattacher l’Institut national des conditions de vie au travail à l’Agence nationale pour la santé et la sécurité au travail. mais surtout de créer un observatoire national des risques professionnels spécialisé ainsi que des centres dédiés à la médecine du travail afin d’assurer une couverture exhaustive et efficace de tous les travailleurs du tissu économique national. Au niveau législatif, il y a lieu de réviser le projet de loi-cadre relative à la sécurité et la santé au travail (en attente d’être promulgué depuis 10 ans), et de mettre à jour le code du travail, le statut de la fonction publique et les autres textes législatifs relatifs à la santé et sécurité au travail et à la protection sociale. Par ailleurs, Le CESE propose d’autres mesures portant sur la gouvernance, la sensibilisation, la formation et la digitalisation. Il trouve important de revoir la politique nationale de sécurité et santé au travail et le programme national en vue d’en tirer un plan d’action étalé sur dix ans. Le CESE appel également à impliquer les universités et le système de formation professionnelle pour former des profils spécialisés dans divers domaines de la santé et sécurité professionnelle et tirer profit du numérique et de la recherche scientifique pour développer la santé et sécurité au travail dans notre pays.

Sanae Raqui / Les Inspirations Éco


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