Réouverture des classes au Maroc: les parents se posent encore des questions
Les élèves ont repris le chemin de l’école lundi 5 octobre. Deux semaines plus tard, si tout semble sous contrôle, nombreux sont les parents qui se posent encore des questions.
Les élèves ont fait leur rentrée le 5 octobre, non sans appréhension pour certains d’entre eux. Deux semaines plus tard, si tout semble indiquer que les choses se passent pour le mieux, les avis des parents divergent. Pour les plus optimistes, le constat est simple. «Les écoles, de manière générale, ont tenu leurs promesses concernant le respect des mesures barrières. Le résultat est que nous, en tant que parents d’élèves, sommes tous rassurés», affirme Saâd Regragui, fondateur de l’Association des parents d’élèves des Écoles Yassamine à Casablanca.
À ce propos, poursuit notre interlocuteur joint au téléphone, «plusieurs commissions sont allées constater par elles-mêmes que les écoles respectaient effectivement leurs engagements. Le constat est qu’aucun incident n’a été signalé», insiste Regragui, visiblement convaincu.
Parmi les parents satisfaits du degré d’application du protocole sanitaire figure Saïd Kachani, président de la Confédération nationale des associations des parents d’élèves qui, lors de la fermeture des écoles pour cause de Covid-19, avait ouvertement manifesté ses inquiétudes, soulignant l’importance du présentiel dans la formation et l’avenir des enfants.
«Nos enfants ont besoin d’être en contact avec les enseignants, dont la présence physique à l’école joue un rôle important dans l’encadrement et l’éducation», nous avait déclaré Kachani dans un précédent article consacré à ce sujet.
Aujourd’hui, c’est avec enthousiasme qu’il salue «le professionnalisme» du management des écoles privées et publiques concernant le respect du protocole sanitaire édicté par le gouvernement ; à savoir la prise de température de chaque élève, le lavage des mains, le respect de la distanciation physique, le port obligatoire du masque ainsi que la limitation du nombre d’élèves dans les véhicules de transport scolaire et salles de classe, entre autres mesures. «Jusqu’ici, nous n’avons reçu aucune plainte de parents. Globalement, nous avons une appréciation très positive de la manière avec laquelle les établissements sont en train de gérer la situation, compte tenu de la conjoncture actuelle marquée par la crise sanitaire liée au coronavirus», a-t-il souligné. Mais si Kachani reconnaît que certaines craintes ne se justifient plus, il n’en demeure pas moins que le système actuel mérite quelques améliorations, selon lui.
Migration inquiétante du privé vers le public
Les enseignants font d’énormes sacrifices, certes, mais un risque plane sur la qualité des enseignements en présentiel, regrette-t-il. Pour le président de la Confédération nationale des associations des parents d’élèves, «étant donné que le nombre d’élèves par classe est très limité, les enseignants sont obligés de scinder les classes en deux. Par exemple, les élèves qui faisaient 6 heures de cours de mathématiques par semaine se retrouvent aujourd’hui avec 3 heures seulement de cours, ce qui n’est pas sans conséquence sur les programmes et horaires à l’école». Mais ce n’est pas là le seul revers de la réouverture des écoles en ces temps de pandémie. L’école publique, déjà saturée avant la Covid-19, se retrouve maintenant dans une situation susceptible d’engendrer des conséquences catastrophiques pour tout le système, estime-t-il. Durement impactées par la crise économique, de nombreuses familles ne peuvent plus inscrire leurs enfants dans le privé. Résultat : les chiffres fournis par le ministre de l’Éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Saaid Amzazi, de passage devant la deuxième Chambre, indiquent que plus de 150.000 élèves ont migré vers le public, soit 15% de la totalité des élèves inscrits dans les établissements privés. C’est une perte d’emplois énorme qui fait grincer des dents dans les rangs de l’enseignement privé. Elle est estimée à 48.000 personnes, sans compter le manque à gagner de 1,5 MMDH. «Au vu de cette hémorragie continue, nous appelons le gouvernement à revoir les programmes et horaires des élèves. Il en va de la qualité des cours», recommande le patron de la Confédération nationale des associations des parents d’élèves pour qui une répartition et/ou priorisation de certains cours est nécessaire. À cette longue liste de craintes persistantes, il faut désormais ajouter le risque de voir les élèves perdre l’envie d’aller à l’école et d’apprendre. «L’école est par essence un lieu d’épanouissement pour les élèves. Si ces derniers n’ont plus la possibilité de s’épanouir ensemble pendant les récréations, dans le respect des mesures barrières, il y a fort à parier qu’ils s’ennuieront très vite et perdront l’appétit de l’apprentissage», craint un parent très inquiet joint au téléphone. Celui-ci soulève une autre problématique non moins cruciale. «Nos enfants partiront bientôt en vacances. Au retour, aucun test de dépistage ne leur sera exigé. C’est inquiétant», déplore-t-il, avec un sentiment d’amertume.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco