Maroc

Protection sociale : les avancées et transformations structurantes annoncées du PLF 2026

Le PLF 2026 marque une étape décisive vers la protection sociale universelle au Maroc, structurée autour de l’extension de l’AMO, l’intégration des travailleurs non-salariés et une réforme systémique des retraites. Détails.

Le projet de Loi de Finances (PLF) 2026 constitue une étape charnière dans la consolidation de l’État social marocain, marquant une transition stratégique vers une protection sociale universalisée.

Axé sur la généralisation des mécanismes de sécurisation des citoyens, il s’articule autour de trois piliers majeurs : l’extension significative de l’Assurance maladie obligatoire (AMO), la structuration historique des retraites pour les travailleurs non-salariés (TNS), et le lancement d’une réforme globale du système de retraites. Des mesures qui ambitionnent de concrétiser la «justice sociale» défendue par le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch.

Soulignons que dans la note d’orientation, la protection sociale est présentée comme «le résultat direct de la dynamique de croissance et d’investissement productif». Une vision qui intègre ainsi l’inclusion sociale au cœur du modèle économique émergent du Maroc, reliant progrès social et résilience économique dans un cadre de souveraineté renforcée.

88% de couverture pour l’AMO : vers l’universel
Le projet de Loi de finances 2026 consolide une avancée majeure en matière d’Assurance maladie obligatoire (AMO), qui devrait couvrir 88% de la population marocaine, soit plus de 32 millions de bénéficiaires d’ici fin 2025. Une progression qui repose sur deux piliers opérationnels.

D’une part, l’opérationnalisation du Registre social unifié (RSU) a permis d’enregistrer 5,3 millions de ménages (environ 19 millions de personnes), avec une représentation accrue dans les zones rurales, optimisant ainsi le ciblage des populations vulnérables.

D’autre part, la modernisation des infrastructures sanitaires s’intensifie, avec 949 centres de santé qualifiés sur les 1.400 établissements de soignants primaires, tandis que l’ouverture prochaine de Centres hospitaliers universitaires (CHU) à Agadir et Laâyoune renforcera l’offre de soins spécialisés.

Concrètement, cette dynamique réduit les inégalités d’accès grâce aux Groupements sanitaires territoriaux (GST), qui unifient la gestion régionale des soins et rapprochent les services des populations isolées. Toutefois, 12% des Marocains (soit environ 4,4 millions de personnes) restent non couverts, principalement dans l’économie informelle et les zones enclavées.

Pour y remédier, le PLF 2026 mise sur une formalisation progressive via des mécanismes d’incitation fiscale et l’intégration à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), traduisant la vision du Chef du gouvernement, qui souligne que «ces résultats positifs visent à préserver la dignité des citoyens et à améliorer leurs conditions de vie».

Structuration du régime des travailleurs non-salariés (TNS)
Le PLF 2026 annonce une avancée structurante pour les travailleurs non-salariés (TNS), catégorie historiquement marginalisée dans la protection sociale. Cette réforme s’inscrit dans le cadre plus large de la généralisation des retraites, matérialisée par des assouplissements pour le secteur privé, comme l’abaissement de la durée minimale de cotisation à 1.320 jours. Elle s’appuie également sur le renforcement du Registre social unifié (RSU) et du Registre national de la population (RNP), garantissant un ciblage précis des bénéficiaires éligibles. Les enjeux opérationnels sont triples.

Sur le plan de la gouvernance, les Centres régionaux d’investissement (CRI) serviront de relais essentiels pour intégrer les TNS au système formel, via des services d’accompagnement décentralisés.

Pour le financement, des études actuarielles sont en cours afin d’adapter les cotisations aux revenus irréguliers et saisonniers caractéristiques de cette population.

Enfin, l’impact territorial de cette mesure est crucial : elle vise à réduire les disparités entre secteurs formel et informel, notamment dans les régions à forte économie traditionnelle (artisanat, agriculture et petits commerces), consolidant ainsi l’inclusion socio-économique à l’échelle nationale.

Réforme globale des retraites : un dialogue social décisif
Le PLF 2026 lance une phase décisive pour la réforme globale des retraites, avec l’ouverture en septembre 2025 d’un dialogue social impliquant partenaires économiques et syndicaux. Ce processus vise à définir un cadre «respectant les droits des fonctionnaires, salariés et retraités», selon les termes de la Note d’orientation.

Les objectifs clés sont triples : garantir l’équilibre financier des régimes existants, soutenir la compétitivité des entreprises et élargir l’indemnisation pour perte d’emploi (IPE) à des catégories élargies de salariés. Pour les salariés, cette réforme intervient dans un contexte déjà marqué par des acquis du dialogue social de 2024, notamment la révision de l’Impôt sur le revenu (IR) et l’augmentation du SMIG, qui ont renforcé le pouvoir d’achat.

Toutefois, elle pourrait introduire des ajustements sensibles sur l’âge de départ à la retraite ou les taux de cotisation, nécessitant une négociation serrée pour préserver l’équité. Pour les entreprises, l’accent mis sur la «compétitivité» suggère un arbitrage délicat entre allègement des charges sociales et pérennisation des financements de la protection sociale.

Enfin, pour l’État, le coût global du dialogue social atteindra 47,8 milliards de dirhams (MMDH) fin 2026, intégrant l’ensemble des mesures fiscales et sociales découlant de ces négociations, ce qui souligne l’ampleur financière de cette transition.

Les défis de la mise en œuvre

Le PLF 2026 incarne une «logique d’impact social ciblé», selon la formule du Chef du gouvernement. Néanmoins, trois défis majeurs persistent et conditionneront le succès de ce modèle social renouvelé.

Premièrement, l’inclusion des exclus impose de réduire les 12% de la population encore non couverts par l’AMO, ce qui exige une lutte accélérée contre l’économie informelle via la formalisation des activités et l’intégration systématique à la CNSS.

Deuxièmement, la viabilité financière des retraites devra concilier droits acquis et équilibre des comptes, notamment dans le cadre de la réforme globale lancée en 2025, où les compromis entre acteurs sociaux s’annoncent complexes.

Troisièmement, la gouvernance territoriale doit s’appuyer sur les Groupements sanitaires territoriaux (GST) et les Centres régionaux d’investissement (CRI) pour uniformiser l’accès aux droits sur l’ensemble du territoire, en particulier dans les zones rurales et enclavées.

Comme le souligne la Note d’orientation, «l’État évolue vers une approche efficiente de ciblage, s’appuyant sur des outils de gestion modernes, visant un impact tangible sur le développement humain».

Ainsi, ces avancées dessinent les contours d’une souveraineté en la matière, où protection sociale, productivité économique et résilience territoriale se renforcent mutuellement. Leur réussite dépendra, in fine, de la coordination entre réformes structurelles nationales et ancrage local dans les territoires.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



PLF 2026 : cap sur l’investissement et l’inclusion


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