Programme de relance : le CMC émet ses réserves
La crise de 2019-2021 a fait bouger les frontières des paradigmes les plus solides et fait arpenter de nouveaux sentiers aux économies les plus avancées. Dans le cadre de la reprise de l’économie mondiale, sur fond d’incertitude accrue et d’arbitrages plus complexes, le Maroc a des défis à relever et des choix stratégiques à négocier. C’est dans ce contexte que le Centre marocain de conjoncture émet ses recommandations.
L’implémentation du programme de relance de l’économie marocaine ne va pas se faire sans relever de nombreux défis et opérer des choix et réformes stratégiques, sur fond d’incertitude accrue et d’arbitrages plus complexes. En effet, les lignes de fracture semblent se renforcer entre groupes de pays. Dans le même temps, le taux d’inflation augmente. Porté par la relance de l’activité économique, le commerce des marchandises a dépassé son pic d’avant la pandémie, mais sa reprise est marquée par des divergences régionales. Pour les économistes du Centre marocain de conjoncture (CMC), les principaux risques que court l’économie et le commerce post-pandémie «sont liés à la pandémie elle-même, aux ruptures d’approvisionnement et aux pressions sur les prix», indique le CMC, dans sa dernière publication mensuelle «Maroc Conjoncture» n°340.
Budget 2022 : Sérieux doutes sur les marges de manœuvre budgétaires du programme de relance
Comment couvrir l’important besoin résiduel de financement du budget 2022, prévu pour dépasser les 58 MMDH et générer un déficit budgétaire pouvant atteindre 6% du PIB ? Voici une question qui chiffonne nos économistes du Centre marocain de conjoncture, qui s’interroge sur la soutenabilité financière du budget 2022 censé alimenter un programme de relance ambitieux. Suite à l’atténuation des effets de la pandémie, le Maroc a judicieusement choisi d’anticiper la sortie de crise en adoptant un budget prévisionnel qui opte, dans ses grandes lignes, pour un programme de relance multiforme dans le sillage du mouvement de reprise attendu dans les différents foyers de croissance dans le monde. Ainsi, le programme d’action retenu pour l’exercice à venir s’articule autour de quatre priorités : soutien à l’entreprise et à l’investissement, réforme du secteur public, extension du système de protection sociale et développement du capital humain. Se conformant à ces choix, la configuration budgétaire a prévu l’intensification du programme d’investissement de l’État et de ses démembrements dans les mois à venir. Une perspective qui devrait générer des besoins résiduels de financement dépassant 58 MMDH avec un déficit budgétaire pouvant atteindre 6% du PIB. Face à cette équation complexe, le CMC ne cache pas sa préoccupation en ces termes : «Cette éventualité pose sérieusement la question de la soutenabilité financière du programme de relance». La notion de soutenabilité, employée en finances publiques, renvoie à la capacité d’un État de rester solvable, c’est-à-dire de conserver des marges de manœuvre budgétaires suffisantes pour honorer ses engagements.
Poursuivre la mue du secteur agricole et s’aligner sur les nouveaux besoins émergents
La récente crise sanitaire a mis au-devant de la scène l’émergence de nouveaux besoins des populations, suscité de nouvelles attentes, et accéléré la nécessité de transiter vers une agriculture dont la mission est de répondre aux enjeux d’une alimentation saine, suffisante, respectueuse à la fois de la santé des consommateurs, de l’environnement et créatrice d’emplois. Face à cette nouvelle donne, le secteur agricole marocain se doit d’être au rendez-vous, vu l’importance des enjeux. Mais ce secteur est aussi exposé à plusieurs risques liés aux changements climatiques, aux fluctuations des marchés et aux effets des crises. De nombreux efforts ont été déployés pour le rendre plus moderne, plus compétitif et plus résilient aux différents chocs pouvant l’affecter, notamment ceux produits par le changement de l’environnement, le stress hydrique et la dégradation de la qualité des sols, etc. Soulignons que les secteurs agricole et agroalimentaire jouent un rôle économique et social important au Maroc. L’agriculture, en particulier, est l’un des principaux moteurs de la croissance économique, dans la mesure où elle contribue à la réalisation de la sécurité alimentaire de la population marocaine, à la création d’emplois, à la réduction de la pauvreté dans le pays, à la génération des recettes d’exportation et à la valorisation des ressources naturelles.
Connaître profondément les mutations sectorielles et les disponibilités en main-d’œuvre pour un emploi de qualité
«Une bonne connaissance des taux de pauvreté des travailleurs est un moyen approprié pour aider à l’identification des populations cibles pour adopter des mécanismes favorisant la promotion du travail décent et élaborer des stratégies de lutte contre la pauvreté», souligne le CMC, qui précise que tout cela revient à dire que la disponibilité d’informations intégrales, sur le marché du travail, est une nécessité incontournable, particulièrement en phase de sortie de crise. Et d’ajouter : «Assurer la relance économique revient à dire que ces outils d’analyse doivent être mis, rapidement et de manière continue, à la disposition des décideurs politiques, des promoteurs et des employés».
Parachever les réformes stratégiques en instance
Le renforcement des infrastructures d’accueil et de communication à la réduction des coûts de création d’entreprise, en passant par la facilitation du transfert de propriété et autre opération d’import-export…Autant de réalisations importantes enregistrées par le Maroc et qui constituent des acquis qui lui ont permis de cheminer progressivement, pour occuper des positions remarquables au sein de la communauté internationale en matière d’attractivité et de climat des affaires. Mais beaucoup d’autres réformes stratégiques, encore en instance, gagneraient à être mises en place en vue de parachever un environnement propice à l’investissement et nourrir davantage la croissance. Les économistes du Centre marocain de conjoncture préconisent donc de les mettre en place, à l’instar des réformes implémentées à l’issue du Programme d’ajustement structurel des années 80. A cette époque, le Maroc s’est employé, pour nourrir la croissance, à mettre en place une série de réformes susceptibles d’améliorer son environnement des affaires et, partant, à mobiliser l’épargne nationale et attirer l’investissement direct étranger. Une posture qui a marqué le choix explicite de parier sur l’entreprise et sur l’adoption franche d’une économie de marché. Une option qui nécessite la conjugaison d’un ensemble de conditions favorables à l’émancipation entrepreneuriale. Ce qui a permis, quelques décennies plus tard au Royaume, de s’affirmer comme un sérieux prétendant à l’émergence.
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO