Programme Al Hoceima Manarat Al Moutaouassit : Limogeages, le jour d’après…
Manarat Al Moutawassit : Des dysfonctionnements à la pelle
De gros retards dans le lancement des projets et dans la réunion de la Commission de suivi de leur exécution sont notamment constatés.
Le tremblement de terre politique provoqué par le souverain n’a pas tardé à faire effet. Sur la base des dysfonctionnements révélés dans le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du programme de développement de la province d’Al Hoceïma «Manarat Al Moutawassit», trois ministres et un secrétaire d’État ont été remerciés ainsi que le directeur de l’ONEE. Par ailleurs, cinq ex-ministres ne pourront à l’avenir se voir confier aucune responsabilité officielle. Ces décisions sont un message fort adressé à tous les membres du gouvernement et autres commis de l’État.
Le principe de reddition des comptes sera désormais appliqué à la lettre. Si le rapport, présenté mardi à SM le roi par Driss Jettou, n’a pas relevé de malversation ou détournement, les dysfonctionnements sont multiples. Plusieurs ministères et établissements publics qui n’ont pas honoré leurs engagements dans la mise en œuvre des projets ont présenté des explications qui ne justifient pas le retard qu’a connu l’exécution de ce programme de développement. Plus explicitement, le rapport basé sur les enquêtes de l’IGAT et de l’IGF a pointé du doigt le retard de la commission centrale de suivi où siègent les ministres concernés. Ces derniers devaient se réunir en février dernier, soit 16 mois après la signature de la convention-cadre le 17 octobre 2015. Idem pour la commission locale de contrôle et de suivi présidée par le gouverneur de la province d’alors, qui a démontré son incapacité à mobiliser et à encourager les différents partenaires et à imprimer le dynamisme nécessaire pour le lancement des projets sur des bases solides. Cette négligence a trouvé son expression dans le transfert des contributions financières de certains secteurs concernés à l’Agence de développement des provinces du Nord. Une manière déviée pour se dérober à leurs responsabilités suite au non respect des engagements et le retard évident dans le lancement des projets. Le rapport a, par ailleurs, levé le voile sur un vrai problème de laxisme affirmant que la grande majorité de ces projets n’avait même pas été lancée.
En effet, sur les 644 projets prévus dans le programme, les réalisations à fin 2016 se limitent à 5 projets achevés (146,8 MDH) et 45 projets en cours (565 MDH). Dans le détail, la convention spécifique que le ministère de l’Habitat a signée avec l’Agence du Nord n’a été visée qu’en août 2016 et seuls 50 MDH ont été débloqués sur un montant de 220 MDH prévus pour la période 2016-2017. Plus encore, le ministère de l’Intérieur comme la Wilaya d’Al Hoceïma auraient dû s’assurer au préalable que la convention, en tant que cadre contractuel, ne se limite pas à des clauses générales. Elle devrait être appuyée par des documents essentiels tels que la liste exhaustive des projets à réaliser, leur consistance, les estimations actualisées des coûts et les supports budgétaires. Enfin, qu’en est-il de la responsabilité du Conseil régional de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma ? Selon l’économiste, Mohamed Benmoussa, il s’agit d’une alerte qui est intervenue, hélas, assez tardivement. En filigrane, ajoute-t-il, le rapport fait allusion à une responsabilité des élus locaux, mais elle n’est pas mise en évidence de façon forte. Quant à la responsabilité des partis politiques, elle est entière en matière de choix des profils adéquats pour occuper des responsabilités ministérielles. Pourtant, le souverain, dans le discours prononcé à Dakar, avait mis l’accent sur la responsabilité des partis politiques à choisir des personnes compétentes.
Mohamed Benmoussa
Économiste
Les Inspirations ÉCO : Quelle lecture faites-vous du rapport de la Cour des comptes sur le projet Manarat Al Moutawassit ainsi que de la décision prise par le souverain dans ce sens ?
Mohamed Benmoussa : C’est une décision qui était attendue et qui redonne espoir à la fois aux citoyens et aux agents économiques. Désormais, le principe constitutionnel de reddition des comptes n’est plus un vœu pieux, mais une réalité. La décision n’a pas été prise de façon hâtive par SM le roi puisque cela a pris plusieurs mois d’investigation et plusieurs niveaux de lecture et de vérification (IGAT et IGF). Il a pris le temps de s’assurer de la véracité des faits. Il ne s’agit pas d’une réaction à chaud pour donner satisfaction à une sensibilité populaire. C’est une première étape car nous avons des problématiques de gouvernance à tous les niveaux (État central, administration et collectivités territoriales).
Comment les actuels ministres doivent-ils réagir au message royal ?
Ils doivent retrousser les manches, rentrer dans les rangs et travailler sérieusement pour l’intérêt du citoyen et non leur intérêt propre, catégoriel, partisan ou de carrière. Ceux qui sont tributaire d’une responsabilité publique sont comptables de leurs actes de gestion tant en termes de respect de la légalité qu’en termes d’efficacité. Ils doivent en tirer les conclusions nécessaires et réouvrir leurs dossiers au plus vite. J’espère que la décision de SM le roi sera le début d’une nouvelle étape qui consiste à mettre les personnes compétentes à la bonne place et que ceux qui travaillent bien soient récompensés et de sanctionner ceux qui faillissent à leurs responsabilités.
Et le chef de gouvernement ?
Le chef de gouvernement devrait profiter de cette occasion pour proposer un nouveau gouvernement qui transcenderait le remplacement poste à poste. Il aurait tout intérêt à mettre les bonnes personnes là où il faut. Ceci dit, je suis convaincu que les partis politiques ne sont plus à la hauteur des enjeux du moment. L’intérêt du pays voudrait que l’on ait une sorte de dream team à la tête de l’État qui ne soit plus fonction de considérations partisanes mais qui soit définie par les critères suivants : la compétence, l’intégrité et la volonté de servir le pays.