Programme Al Hoceima Manarat Al Moutaouassit : Limogeages, le jour d’après…
Le 24 octobre 2017 restera dans les annales de l’histoire politique du royaume. Quatre ministres ont été limogés, 5 autres politiciens ont été définitivement exclus de postes de responsabilité. L’effet domino devrait se poursuivre: le souverain a commandé deux nouvelles enquêtes et le dossier du développement territorial de la province d’Al Hoceima devrait être mené selon les nouvelles recommandations de la Cour des comptes.
Le séisme politique qui a frappé mardi soir la scène politique marocaine aura manifestement des conséquences sur le long terme. C’est la première fois dans l’histoire du règne du roi Mohammed VI que celui-ci met fin aux fonctions de plusieurs responsables ministériels. C’est également la première fois que le roi interdit à des responsables politiques l’exercice futur d’une fonction officielle, mettant pratiquement fin à la carrière politique
de certaines figures (Voir p. 6-7). Il faut dire que la réaction du souverain répond au retard pris dans la réalisation du programme de développement territorial de la province d’Al Hoceima et son impact sur le développement de la région et la sécurité du royaume.
Nouvelle ère
Il apparaît que le rapport du premier président de la Cour des comptes, Driss Jettou, livré mardi dernier, n’est que le premier acte d’un long processus dont le mot d’ordre sera la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes, et ce dans un cadre qui dépasse la seule région d’Al Hoceima. Le cabinet royal a été on ne peut plus clair à ce niveau, soulignant que ces décisions s’inscrivent dans le cadre d’une nouvelle politique qui concerne tous les responsables, tous niveaux confondus. Cette onde de choc devrait avoir des effets quasi-immédiats sur la gestion du dossier d’Al Hoceima. Le cabinet royal et la Cour des comptes ont balisé le terrain pour la suite des événements. Des mesures d’urgence ont été formulées par le roi Mohammed VI, assorties d’une liste de recommandations visant à mettre un terme à la pléthore de dysfonctionnements constatés (Voir p. 5). Cela se traduira dans un premier temps par deux enquêtes majeures commandées par le souverain. Il s’agit d’abord d’une investigation du ministère de l’Intérieur visant à déterminer les responsabilités des cadres de ce département, tous grades confondus. Le roi Mohammed VI a également demandé au premier président de la Cour des comptes d’examiner l’action des conseils régionaux d’investissement. Pour sa part, la Cour des comptes a formulé une longue liste de recommandations précisant le mode opératoire de la gestion du dossier pour les prochains mois.
La gouvernance pointée du doigt
La Cour des comptes recommande une refonte de la gouvernance du projet. Dans ce sens, la Commission centrale de suivi doit être présidée selon la Cour par le ministre de l’Intérieur. Elle doit se réunir sans délai afin de statuer sur tous les problèmes qui entravent le bon déroulement du programme, notamment en termes de mobilisation du financement, d’apurement du foncier et de finalisation des études. Elle doit aussi veiller à la cohérence de l’ensemble du programme aussi bien entre ses propres composantes qu’avec les autres programmes socio-économiques initiés dans la région (INDH, Fonds de développement rural et des zones montagneuses, Fonds de développement agricole…). Cette commission centrale devrait se réunir trimestriellement et à chaque fois que cela s’avérera nécessaire. Elle doit exiger de chaque partie prenante de désigner un haut responsable comme interlocuteur unique chargé du suivi des projets de son département (rang de secrétaire général ou de directeur). Le comité local devrait pour sa part se réunir chaque mois pour suivre de près la mise en œuvre des projets sur le terrain, et instaurer des mécanismes de coordination et de reporting avec des indicateurs appropriés (par projet, sous-programme et programme).
Les études en priorité
La Cour est particulièrement critique à l’égard des différents départements ministériels. La Cour des comptes appelle à l’accélération des études préalables nécessaires à l’exécution des différents modules du projet. Elle préconise également de procéder à l’acquisition et à l’assainissement du foncier, de veiller au déblocage régulier des contributions financières dues à l’Agence du développement du Nord et de renforcer leurs équipes au niveau local pour suivre de près l’exécution de leurs projets. La Cour a mis les différents départements ministériels face à leurs responsabilités. Ainsi, le ministère de l’Habitat et de la Politique de la ville devrait accélérer les études pour démarrer les travaux relatifs au projet de stabilisation des terrains du quartier Boujibar. Le ministère devrait aussi se mobiliser aux côtés de l’Agence du Nord pour assurer un suivi rapproché des projets relevant de ses prérogatives. Pour le ministère du Tourisme, au vu du retard constaté dans le lancement du programme touristique initial, la Cour suggère de renforcer et de diversifier les actions de promotion engagées depuis l’été dernier. Pour l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), sécuriser l’approvisionnement de la région en eau potable est une priorité. L’objectif est de rattraper le retard accusé par l’office dans la réalisation de la station de dessalement ainsi que du projet d’adduction d’eau depuis le barrage de Bouhouda.
Pour l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT), la Cour recommande de veiller à la réalisation des deux centres de formation professionnelle à Bni Bouayach et Issaguen pour assurer leur ouverture dès la rentrée prochaine. Pour le ministère chargé de l’Équipement, la Cour des comptes met en exergue la nécessité de désenclaver les tronçons routiers relevant du programme «Manarat Al Moutaouassit» dont le budget a été porté de 464 MDH à 714 MDH. Elle conseille également de prendre toutes les dispositions nécessaires pour l’achèvement des travaux de la voie expresse Taza-Al-Hoceima dans les meilleurs délais, au regard de son importance pour l’ensemble de la région.