PLF 2024 : quelles alternatives et dans quel timing ? (VIDEOS)
Les professionnels de l’industrie pharmaceutique sont confrontés à des défis pressants dans le processus d’adoption des amendements qu’ils proposent au Projet de loi de finances 2024. Le temps joue contre eux pour éviter les conséquences indésirables qu’ils redoutent tant.
Une négociation suppose échange, et échange suppose de poser un problème et d’envisager toutes les pistes possibles. Et si des raisons précises ont motivé l’intégration de la mesure relative à la non-déductibilité de la TVA dans le Projet de loi de finances 2024, les industriels ont eux aussi leurs arguments en défaveur de cette mesure. Un terrain d’entente peut-il être trouvé ailleurs que sur le champ de la TVA ?«Les politiques avancent qu’il faudra convaincre à la deuxième Chambre ou attendre l’année prochaine», relate Mohamed El Bouhmadi, président de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutique (FMIIP). Il explique que, pour l’Exécutif, les articles d’emballage et la matière première sont les principales composantes prises en compte.
«Nos études ont démontré que ces volets ne représentent que 23,5 à 24% du total de la TVA assumée par l’industriel pharmaceutique. Le plus gros va dans les investissements, le façonnage et sous-traitance et les services, sachant que certains postes vont désormais capter plus de budget, à l’image de la redevance d’électricité», argue le même intervenant. La solution serait de maintenir, pour le secteur, les mêmes conditions qu’avant ce PLF 2024, avec une exonération des médicaments à 0% mais un droit à déduction, défend le président de la FMIIP. Les investissements aussi doivent être exonérés suivant les mêmes règles, pour rester dans la conformité avec les dispositions de la charte d’investissement, préconise-t-il.
Pas de plan B !
Les représentants de l’industrie rejettent l’idée d’un plan B, soulignant les conséquences néfastes qu’une telle mesure aurait sur l’emploi et la viabilité des entreprises. Ainsi, ils appellent plutôt à une approche équitable en matière de fiscalité.
Dans l’ensemble, les industriels pharmaceutiques marocains rejettent l’idée d’un plan B, affirmant qu’aucune alternative viable n’a été proposée jusqu’à présent. Ils mettent en garde contre les conséquences dommageables sur l’emploi, la recherche et le développement, ainsi que sur la survie des petites entreprises du secteur. Plutôt qu’un plan B, ils appellent à une approche équitable de la fiscalité, où tous les acteurs seraient soumis aux mêmes règles. Ils soulignent que l’industrie pharmaceutique nécessite des normes de qualité strictes et que les concessions unilatérales pourraient compromettre sa viabilité globale. «Un plan B ? Il n’y en a pas.
Un plan B, ça veut dire que nous acceptons la mesure», réagit Mohamed Houbachi, président de l’Association marocaine du médicament générique (AMMG). Il met en garde contre la disparition des médicaments génériques et la perte d’emplois, en particulier pour les petits laboratoires qui sont en phase de croissance. «Si cette mesure est adoptée comme telle, il n’y aura plus de générique. Cela entraînera une diminution des emplois, et les conséquences seront visibles. Il est important de noter que cet impact touchera principalement les petits laboratoires qui se développent actuellement et qui sont en phase de recrutement. Les grands laboratoires, quant à eux, sont déjà saturés et ont atteint leur maturité. Si ce projet est adopté, il est probable que certains petits laboratoires ne puissent pas survivre aux changements qui en découleront».
La proposition de déduire certaines dépenses de la TVA met en péril l’innovation et la sous-traitance
De son côté, Mohamed El Bouhmadi souligne que les politiques attendent des demandes qui pourraient être acceptées, mais qui seraient préjudiciables à l’ensemble du secteur pharmaceutique. El Bouhmadi évoque la proposition de déduire certaines dépenses de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en mettant en garde contre les conséquences néfastes d’une telle mesure. Il explique que si les investissements étaient exclus de ces déductions, cela entraînerait la disparition de la sous-traitance et de la recherche dans le secteur. Il souligne que l’industrie pharmaceutique est soumise à des normes de qualité strictes et ne peut pas se permettre de sacrifier un aspect au détriment des autres.
Le président de la FMIIP critique également l’absence d’un plan B dans la réforme fiscale en cours. Il a suggéré une alternative consistant à exonérer entièrement la TVA payée par l’industrie pharmaceutique, ce qui inclurait le transport, la recherche, les investissements, etc. Il a souligné que cette approche éliminerait définitivement les problèmes liés à la réforme fiscale. Cependant, El Bouhmadi a souligné qu’il est essentiel d’éviter tout blocage dans le processus de discussion et de proposition de la Loi de finances. Il exprime sa déception quant à l’absence de dialogue constructif et à la perception que la réforme fiscale est imposée sans consultation ni considération pour les parties prenantes.
Cette intervention met en lumière les enjeux complexes auxquels est confrontée l’industrie pharmaceutique marocaine dans le contexte de la réforme fiscale. L’industrie pharmaceutique est un secteur vital qui nécessite des politiques fiscales équilibrées pour soutenir la croissance, la recherche et le développement. Les normes de qualité strictes auxquelles elle est soumise soulignent l’importance de préserver l’équité fiscale tout en garantissant la viabilité de l’industrie. L’enjeu étant de parvenir à un équilibre entre les objectifs fiscaux et les besoins spécifiques de l’industrie pharmaceutique marocaine.
Course contre la montre
Alors que le projet a déjà été adopté en première Chambre et est en cours de discussion à la Chambre des conseillers, Mohamed Boughaleb, expert-comptable et commissaire aux comptes, met en garde contre le manque de temps pour apporter des modifications substantielles. «Je ne veux pas être pessimiste, mais on est le 20 novembre 2023.
Le Projet de loi de finances 2024 est passé en première Chambre. Il est en cours de discussion en seconde Chambre. Je n’ai pas lu des millions d’amendements concernant ce point-là. Aujourd’hui, le temps joue contre vous, parce que le 31 décembre 2023, c’est demain. La Loi de finances 2024 va être bientôt imprimée et je peux mettre ma main à couper». Cette déclaration souligne l’urgence de la situation et la nécessité d’une analyse minutieuse des dispositions proposées dans le PLF 2024.
Boughaleb met en évidence les implications de cette course contre la montre. L’un des principaux défis est le manque de temps pour examiner et proposer des amendements pertinents. Alors que des millions d’amendements pourraient être déposés, le temps limité avant l’impression finale de la Loi de finances met en péril la possibilité de modifications significatives. L’expert-comptable souligne ainsi la nécessité d’une réflexion approfondie et d’une action rapide pour saisir les opportunités et éviter les conséquences indésirables.
Dans ce contexte, Boughaleb lance un avertissement clair : «Si on vous dit, revenez nous voir l’année prochaine, rien ne va être changé vous concernant». Cette déclaration souligne l’importance de saisir l’opportunité présente pour contribuer activement aux débats et aux processus décisionnels en cours.
Modeste Kouamé & Meriem Allam / Les Inspirations ÉCO