Ordre des pharmaciens : l’épineuse question de la représentativité se pose toujours

Privés d’élections depuis 2019, les pharmaciens tirent la sonnette d’alarme face à une crise de représentation qui paralyse leur profession. Alors que le secteur est au cœur des grandes réformes sanitaires, l’absence d’instances ordinales légitimes et de décrets d’application fragilise leur rôle et leur voix. La Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc interpelle les autorités pour mettre fin à un blocage jugé contraire aux principes de démocratie participative inscrits dans la Constitution.
L’aspect organisationnel de la profession suscite une vive inquiétude dans les rangs des pharmaciens. La Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM) alerte sur une crise de représentation qui s’installe durablement. Les professionnels du médicament dénoncent une inertie réglementaire paralysant leur secteur et fragilisant leur rôle dans la réforme du système de santé national. Depuis 2019, aucune élection des instances ordinales n’a été organisée. Cette absence prive la profession de toute représentation légitime, l’excluant de fait des grands chantiers de restructuration du secteur sanitaire.
«Nous assistons à une marginalisation croissante des pharmaciens dans les processus de décision. Nous avons saisi le Chef du gouvernement et le ministère de la Santé afin d’intervenir pour débloquer cette situation devenue urgente», déplore Mohamed Lahbabi, président de la CSPM.
En ligne de mire, le retard dans la publication des décrets d’application de la loi relative à la refonte de l’Ordre national des pharmaciens. Adoptée et publiée au Bulletin officiel depuis plus d’un an, cette loi demeure inopérante en l’absence de textes réglementaires nécessaires à sa mise en œuvre. Une situation jugée incompréhensible par les syndicats, qui y voient une entrave à l’exercice de droits constitutionnels tels que l’élection de représentants légitimes.
Une profession désorganisée et affaiblie
Les conséquences de ce vide institutionnel sont multiples. En l’absence de structures représentatives, le secteur officinal souffre d’une désorganisation croissante. La CSPM pointe la prolifération de pratiques non encadrées, nuisant à la crédibilité de la profession et à la qualité du service rendu aux citoyens. Les pharmaciens estiment également que cette crise compromet leur participation aux réformes structurantes du système de santé, dans un contexte marqué par la généralisation de la couverture médicale et la refonte des politiques du médicament.
«Notre profession est tenue à l’écart des arbitrages majeurs, alors même que notre rôle est central dans l’écosystème de santé», insistent-ils.
En appelant solennellement le ministère de tutelle à agir, la Confédération espère provoquer un sursaut. La publication des décrets d’application est perçue comme une étape cruciale, non seulement pour restaurer la légitimité institutionnelle de la profession, mais aussi pour garantir une participation durable des pharmaciens à la gouvernance du système de santé.
Pour une démocratie participative
Mais pour que cette mission soit pleinement assurée, il faut que la profession dispose de moyens pour pouvoir s’organiser. Et cela passe, selon les représentants syndicaux, par le respect des engagements inscrits dans la loi. La démarche de la CSPM s’inscrit ainsi dans une revendication plus large, celle du respect du principe de démocratie participative, érigé en pilier de la Constitution de 2011. Ce combat pour la représentation trouve un écho dans les orientations stratégiques de l’État.
«Les choix politiques qui l’accompagnent consacrent l’engagement du Royaume à mettre en place des mécanismes juridiques et institutionnels garantissant une application réelle de la démocratie participative. Celle-ci est envisagée comme une composante essentielle du système politique et social, fondé sur les constantes de la Nation», soulignent les syndicats.
La démocratie participative est appelée à jouer un rôle complémentaire aux formes classiques de représentation démocratique, à l’échelle locale, régionale et nationale, sans conflit de compétences. C’est dans ce cadre que s’inscrit également le Pacte national pour la démocratie participative, qui vise à renforcer les règles et procédures encadrant la participation citoyenne, en promouvant une synergie entre participation civile et représentation élue. Il encourage une approche contractuelle où les corps intermédiaires, tels que les syndicats, sont appelés à contribuer activement à la définition et à l’exécution des politiques publiques.
À ce titre, l’absence de consultation des pharmaciens lors de l’élaboration de certains textes réglementaires, notamment le décret fixant les prix des médicaments, est jugée inacceptable. Pour la Confédération, ce décret est non seulement juridiquement contestable, mais aussi symptomatique d’un mode de gouvernance excluant les premiers concernés.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO