Obligation du pass sanitaire. Le cadre juridique est-il verrouillé ?
Le pass sanitaire n’est pas encore obligatoire au Maroc, mais il semble dans la suite logique des choses qu’il le devienne. C’est en tout cas une recommandation formulée par de nombreux experts, qui estiment que la crise sanitaire actuelle ne laisse aucun choix à ce sujet.
Pour Dr. Tayi Hamdy qui recommande le recours au pass sanitaire au Maroc pour pouvoir accéder à certains lieux ou événements, les personnes non vaccinées représentent non seulement un danger pour elles-mêmes, mais aussi pour les autres. Résultat: pour limiter le maximum de contacts entre les gens vaccinés et les non encore immunisés, mieux vaut instaurer le pass sanitaire.
Notons qu’un pass sanitaire est un moyen gratuit, rapide et sécurisé de présenter une preuve de votre vaccination anti-Covid-19 ou des résultats de test négatifs aux entreprises qui peuvent l’exiger. Le médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé poursuit son propos et note également qu’en plus du pass sanitaire, il ne faut plus exclure l’obligation de vacciner les personnes encore réticentes. C’est d’autant plus nécessaire que, selon les spécialistes, l’instauration de ce protocole devrait avoir un impact macroéconomique «marginal», vu que la consommation ne sera pas impactée.
Toutefois, la généralisation de ce sésame peut donner naissance à des grincements de dents parmi la population comme c’est le cas en France où les opposants au pass sanitaire et à la vaccination étaient au rendez-vous pour leur sixième week-end de mobilisation, samedi 21 août, avec plus de 220 manifestations recensées par le ministère de l’Intérieur.
Selon un sondage Elabe pour BFMTV, 64% des Français approuvent l’utilisation du pass sanitaire pour accéder aux cafés et aux restaurants. Ils sont même 77% à l’accepter dans les transports en commun de longue distance. Des chiffres en hausse par rapport au mois de juillet. Un résultat en hausse par rapport aux enquêtes réalisées en juillet. Et cette approbation est généralisée à tous les autres lieux où le pass est devenu obligatoire: ils sont même 72% à l’approuver pour accéder aux lieux de loisirs et de culture, et 77% pour les transports longue distance, comme l’avion ou le train. Selon Elabe, seul un chiffre est en baisse, comparé au mois précédent: 65% des Français acceptent le pass sanitaire pour entrer à l’hôpital, soit cinq points de moins qu’en juillet.
Le gouvernement déclare la guerre aux faussaires
Suite à la recrudescence des cas de falsification au Maroc et à l’étranger de documents sanitaires liés à la Covid-19, notamment les attestations PCR et les pass-vaccinaux, une réunion de haut niveau s’est tenue, mardi au siège du ministère de l’intérieur à Rabat. Selon le gouvernement qui veut mettre un terme à ces pratiques frauduleuses, ces actes sont passibles de poursuites pénales car ils sont de nature criminelle menaçant la santé et la vie des citoyens et compromettant la campagne nationale de vaccination qui se déroule de manière satisfaisante.
A l’issue de la réunion, il a été décidé de limiter l’accès au Maroc uniquement aux personnes détentrices d’un pass-sanitaire pour les pays qui disposent de ce document et pour les autres pays, un pass-vaccinal ou un test PCR négatif de moins de 48h conformément au protocole en vigueur.
Il a été également décidé de renforcer les contrôles à l’embarquement et à l’arrivée au Royaume et de poursuivre en justice toute personne détentrice d’un document sanitaire falsifié ou impliquée dans sa falsification.
Contraindre ou sensibiliser ?
Si des voix s’élèvent pour contester l’obligation de vaccination en France, peut-t-on l’exiger au Maroc et plus particulièrement dans le milieu du travail? Que dit la loi à ce propos ?
C’est Achraf Sym Tameloucht qui répond à ces interrogations. Selon le juriste indépendant et prestataire de services d’information juridique, une entreprise peut bel et bien exiger le pass sanitaire à ses collaborateurs en se basant sur l’article 24 du Code du travail.
Celui-ci dispose en effet que «l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin de préserver la sécurité, la santé et la dignité des salariés dans l’accomplissement des tâches qu’ils exécutent sous sa direction et de veiller au maintien des règles de bonne conduite, de bonnes mœurs et de bonne moralité dans son entreprise». De ce point de vue, poursuit-il, chaque salarié est tenu de prendre soin de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail.
A défaut, la responsabilité pénale de l’employeur sera mise en jeu. Bien qu’à l’état actuel, aucune loi ne rend obligatoire la vaccination ou le pass sanitaire au Maroc, il est possible pour un chef d’entreprise de sanctionner ou de licencier un salarié pour non-respect des règles de sécurité, en l’occurrence la vaccination, ou mise en danger d’autrui.
Car, explique le juriste, dans l’état actuel de la crise sanitaire, un défaut de vigilance en matière de sécurité sanitaire tel que le refus de la vaccination pour un collaborateur «peut même être considérée comme une faute grave». Il faut noter que la justification du licenciement incombe à l’employeur qui doit prouver les faits devant l’inspection du travail et parfois devant le tribunal.
Pour rappel, par faute grave on entend l’ivresse publique, la détérioration grave des équipements ou du matériel de l’entreprise, toute forme de violence ou agression dirigée contre un autre salarié de l’entreprise la consommation de stupéfiants, l’agression corporelle, l’insulte grave ou le vol, le refus délibéré pour le salarié d’exécuter une tâche de sa compétence ou tout acte d’une gravité telle que la poursuite du contrat n’est plus possible.
Il faut rappeler qu’hormis le décret n° 2-20-293 du 24 mars 2020 portant déclaration de l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national pour faire face à la propagation du coronavirus, aucun autre outil à valeur juridique et spécifique à la Covid-19 n’a été mis à la disposition des tribunaux.
D’où la complexité pour la justice marocaine de faire face à certains défis. Car, pour certains experts du Droit, un licenciement pour faute grave, en cas de crise notamment, est beaucoup plus complexe qu’il n’y parait. Non seulement l’employeur doit tenir compte de l’importance de la faute, de son caractère isolé, de l’ancienneté du salarié et des conséquences que la faute a eu ou aurait pu avoir pour le salarié ou les tiers, mais également et surtout voir si le salarié exerce des fonctions d’encadrement ou autre.
De plus, si l’employeur n’a pas lui-même respecté ses propres obligations en matière d’information et de formation à la sécurité, il est difficile pour qu’un salarié puisse se voir reprocher un manquement à son obligation de sécurité.
Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO