Notation : la gestion de la dette, un facteur déterminant

L’agence de notation Moody’s a maintenu la note souveraine Ba1 du Maroc, soulignant une position stable mais exposée à des risques économiques. Bien que les politiques budgétaires et monétaires restent solides, des faiblesses structurelles persistent, notamment en matière de revenu par habitant et d’emploi. Par ailleurs, la dette publique est à surveiller de près.
Lors de sa révision périodique, l’agence de notation Moody’s a maintenu la note souveraine Ba1 du Maroc, une note attribuée aux émetteurs présentant un risque modéré de crédit. Cette note place le pays juste en dessous de la catégorie «Investissement», signifiant que le Royaume reste un emprunteur fiable, mais exposé à des risques économiques et financiers.
Points d’inflexion
Cette décision met en évidence l’équilibre entre des politiques budgétaires et monétaires rigoureuses et un cadre institutionnel solide. Cependant, des faiblesses structurelles persistent, notamment un revenu par habitant relativement faible par rapport aux pays à revenus intermédiaires, ainsi qu’une exposition accrue aux risques climatiques. Des risques demeurent également concernant la dette publique et le secteur bancaire.
Toutefois, Moody’s précise que la réussite des réformes économiques et sociales pourrait renforcer la résilience du pays et la soutenabilité de sa dette. L’accélération de ces réformes favoriserait la création d’emplois formels, réduisant ainsi les disparités socio-économiques, ce qui est de nature à avoir un impact positif sur la notation. Une amélioration de la note souveraine passe par une croissance plus dynamique hors secteur agricole ainsi que par la création d’emplois formels et une réduction des inégalités.
À contrario, une forte progression de la dette publique, en particulier liée aux engagements du secteur public, pourrait nuire aux futures évaluations du pays.
Comme l’a souligné Lucy Villa, vice-présidente et senior credit officer chez Moody’s, lors d’une interview précédente : «Les éléments qui nous amènent à augmenter la notation sont principalement liés à une trajectoire d’endettement à la baisse, aussi bien pour le gouvernement et les collectivités locales que pour les pourvoyeurs de services sociaux. La situation financière des entreprises à capital étatique est également importante, car, dans nos analyses, il est crucial de comprendre les dépenses inscrites au budget pour soutenir ces entreprises. En fin de compte, l’élément clé qui pourrait changer la donne est le maintien d’une trajectoire d’endettement stable, qui tend à la baisse et qui détermine la notation».
Les risques à surveiller
Malgré une hausse continue de l’endettement, le Royaume a su préserver sa cohésion sociale et soutenir son économie face aux récents chocs. Cependant, la croissance économique a ralenti en 2024, atteignant seulement 2,6% contre 3,4% en 2023, en raison d’une baisse de la production agricole causée par des précipitations insuffisantes.
Les perspectives restent cependant positives, avec une croissance attendue à 3,5% à moyen terme, soutenue par les réformes structurelles. Côté finances publiques, le déficit budgétaire s’est établi à 4,3% du PIB, légèrement meilleur que la prévision de 4,5%, grâce à des recettes fiscales plus consistantes que prévu. Le déficit du compte courant est resté stable à 2,5% du PIB, soutenu par le tourisme, les exportations et les transferts de la diaspora marocaine.
Cependant, la dépendance à l’activité du secteur public et à la dette en devises étrangères, qui atteint désormais 17,6% du PIB, constitue une source de risque.
Par ailleurs, Moody’s met en garde contre les dépenses d’investissement, qui pourraient augmenter avec les projets liés à la Coupe du monde 2030, entraînant ainsi des besoins de financement importants susceptibles de creuser le déficit. Les protections sociales limitent aussi la flexibilité budgétaire, réduisant la capacité d’ajustement en cas de choc.
«Si la trajectoire budgétaire devient progressivement vertueuse, sa crédibilité dépendra de la maîtrise des dépenses et de l’efficacité des réformes fiscales et sociales. Les risques liés aux investissements publics et à la dette des entreprises publiques pourraient toutefois remettre en cause cette dynamique», conclut le rapport.
Le secteur bancaire reste stable, mais des vulnérabilités subsistent, notamment en raison de la concentration du crédit et des opérations internationales. En somme, le Maroc affiche une certaine résilience, mais devra poursuivre ses réformes en vue de renforcer sa croissance et de réduire ses vulnérabilités budgétaires et structurelles.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO