Maroc

Normes comptables : de nouvelles exigences pour les promoteurs immobiliers

Le 1er janvier 2025 marquera l’entrée en vigueur du nouveau Plan comptable du secteur immobilier (PCSI). Des changements majeurs sont attendus, notamment en matière de comptabilisation du chiffre d’affaires, d’évaluation des stocks, et de provisionnement. Détails.

Après report, le nouveau Plan comptable du secteur immobilier (PCSI) entre en vigueur le 1er janvier 2025. Cette réforme d’envergure vise à harmoniser les pratiques comptables des promoteurs immobiliers et à assurer une meilleure transparence financière, notamment pour les sociétés cotées en bourse.

Ibrahim Rais El Fenni, expert-comptable et commissaire aux comptes, souligne que «ce changement s’inscrit dans une dynamique de réforme visant à renforcer la compétitivité et la crédibilité du secteur immobilier marocain, tout en facilitant la transition vers des normes comptables plus rigoureuses».

En effet, le nouveau PCSI vise à aligner les pratiques comptables des promoteurs immobiliers marocains sur les normes internationales les plus rigoureuses. Un alignement qui permettra d’accroître la comparabilité des états financiers avec ceux des promoteurs étrangers opérant au Maroc ou dans d’autres pays. Une information financière fiable et transparente est en effet un facteur clé de compétitivité pour attirer les investissements étrangers dans le secteur immobilier national.

De plus, l’harmonisation comptable facilitera l’accès au financement bancaire pour les promoteurs, les établissements de crédit disposant d’une information plus robuste pour évaluer les risques. Pour les promoteurs immobiliers cotés en bourse, le nouveau PCSI apportera une bien meilleure transparence sur leurs performances financières réelles.

Les nouvelles règles de reconnaissance du chiffre d’affaires, d’évaluation des stocks et de provisionnement reflèteront plus fidèlement l’avancement des projets immobiliers et les risques associés. Autant dire que cette transparence accrue renforcera la confiance des investisseurs et limitera les risques de valorisation excessive ou sous-évaluation des actions des promoteurs cotés.

Principales modifications dans la comptabilisation du chiffre d’affaires
Le nouveau PCSI harmonise la reconnaissance des revenus sur la base de l’avancement des travaux, abandonnant ainsi la pratique de comptabiliser les bénéfices uniquement à l’achèvement des projets. Ce changement majeur dans la comptabilisation du chiffre d’affaires par les promoteurs immobiliers est en effet un aspect important de la réforme du PCSI.

Selon le nouveau PCSI, les promoteurs devront désormais comptabiliser leurs revenus et leurs marges au fur et à mesure de l’avancement physique et financier des projets immobiliers en cours. Concrètement, cela signifie que pour chaque projet, une quote-part du revenu total prévisionnel et de la marge sera comptabilisée à chaque arrêté comptable sur la base de l’avancement réel des travaux.

Cette méthode, dite de «l’avancement» ou du «percentage of completion», est la norme internationale dans les secteurs de la construction et de la promotion immobilière. Elle permet de mieux refléter la réalité économique en lissant dans le temps la reconnaissance des revenus et marges, plutôt que de tout comptabiliser à l’achèvement final des projets.

A titre de comparaison, l’ancien PCSI préconisait une méthode dite de «l’achèvement», où les revenus et marges n’étaient reconnus qu’à la livraison finale du projet. Cette approche pouvait engendrer d’importantes fluctuations de résultats d’un exercice à l’autre et une moindre visibilité sur la performance réelle des promoteurs ayant de nombreux projets en cours. Le changement vers la méthode de l’avancement se traduira donc par une comptabilisation plus lissée et représentative de l’activité effective générée par les chantiers en cours de réalisation.

Renforcement des estimations et jugements
Cependant, l’application de la méthode de l’avancement requiert de nombreuses estimations de la part des promoteurs : montant total prévisionnel des revenus et coûts d’un projet, avancement physique et financier, reste à parfaire, etc.

Les promoteurs devront donc renforcer significativement leurs processus et contrôles internes relatifs à ces estimations cruciales pour la fiabilité de leur reconnaissance du chiffre d’affaires. Des obligations d’information renforcées dans les notes aux états financiers sur ces jugements et estimations clés sont également à prévoir.

Comme on le constate, ce changement comptable fondamental dans le traitement du chiffre d’affaires par le nouveau PCSI vise à assurer une comptabilité plus équilibrée, transparente et conforme aux meilleures pratiques pour refléter au mieux la performance réelle des promoteurs immobiliers marocains.

Principales modifications dans l’évaluation des stocks
Les règles d’évaluation des stocks immobiliers sont clarifiées, notamment pour les terrains et les immobilisations en cours, afin d’assurer une meilleure comparabilité entre les promoteurs. Il faut dire que l’évaluation des stocks immobiliers est un aspect crucial dans le secteur de la promotion immobilière, car elle impacte directement le calcul des coûts de revient et des marges dégagées sur les projets.

Terrains à bâtir
Le nouveau PCSI précise les modalités d’évaluation initiale et de suivi de la valeur des terrains acquis par les promoteurs en vue de la réalisation de programmes immobiliers. En particulier, les règles relatives à l’activation des frais accessoires (notariés, d’acquisition, VRD, etc.) dans le coût d’entrée des terrains est clarifié. Le traitement comptable spécifique des terrains gelés ou en jachère pendant de longues périodes est également encadré afin d’éviter des survaleurs comptables trop importantes.

Immobilisations en cours
Pour les constructions en cours, le nouveau PCSI précisera vraisemblablement les charges à incorporer ou non dans leur coût de production (frais de personnel affecté, charges financières, etc.). Des règles harmonisées sont attendues concernant la capitalisation des coûts d’emprunt relatifs au financement des opérations immobilières. Des dispositions spécifiques pour le traitement des coûts encourus durant la phase de commercialisation (coûts de publicité, honoraires commerciaux, etc.) sont également prises.

Dépréciations des stocks
Le nouveau référentiel comptable renforce les obligations de dépréciation périodique des stocks immobiliers sur la base de leur valeur de réalisation nette à terminaison estimée. Ces tests de dépréciation récurrents visent à assurer une évaluation à la juste valeur des stocks.

En définitive, ces clarifications et harmonisations des règles d’évaluation des différentes composantes des stocks immobiliers permettront d’accroître la fiabilité, la transparence et la comparabilité des états financiers entre les différents promoteurs. Les investisseurs et analystes pourront ainsi mieux appréhender la valeur réelle des projets en cours de réalisation.

Principales modifications dans la comptabilisation des provisions pour risques et charges
Le nouveau référentiel renforce les exigences en matière de provisionnement pour risques et charges liés aux opérations immobilières. Les promoteurs devront ainsi provisionner de manière prudente les risques identifiés sur leurs projets en cours ou achevés (litiges, garanties, etc.). Un cadre normalisé est instauré concernant la méthodologie d’évaluation de ces provisions (meilleure estimation des sorties de ressources probables) et leur prise en compte dans le coût de revient des projets.

La question du traitement des charges d’emprunt liées au financement des programmes immobiliers est clarifiée. Des règles harmonisées précisent les conditions dans lesquelles ces coûts pourront être incorporés au coût de revient pendant la période de construction. Des plafonds et modalités de calcul de ces coûts capitalisables seront vraisemblablement définis pour assurer une cohérence entre les promoteurs.

Pour les groupes immobiliers diversifiés (promotion, lotissement, gestion locative, etc.), le nouveau PCSI impose de nouvelles obligations en termes d’informations sectorielles à publier. L’objectif étant d’accroître la transparence sur la contribution de chaque activité aux performances consolidées. Des informations sur les produits, résultats, actifs et passifs sectoriels devront ainsi être fournies.

Opérations de partenariat et co-promotion
De nombreux promoteurs réalisent des opérations en partenariat ou en co-promotion avec d’autres acteurs. Le nouveau PCSI clarifie et harmonise le traitement comptable de ces montages, notamment la reconnaissance des revenus et des marges au prorata des quotes-parts d’intérêts détenus ; l’évaluation et la présentation au bilan des quotes-parts d’actifs et passifs revenant au promoteur ; les modalités de consolidation de ces co-entités dans les comptes du groupe ; l’information à fournir sur ces partenariats dans l’annexe.

Cet encadrement renforcé vise à apporter plus de transparence sur ces opérations complexes, mais répandues dans le secteur immobilier.

En définitive, ces nouvelles dispositions du PCSI concernant le provisionnement, la capitalisation des coûts d’emprunt, l’information sectorielle et les opérations de partenariat répondent à un objectif majeur de la réforme : renforcer la fiabilité, la pertinence et la comparabilité de l’information financière publiée par les promoteurs.

Informations complémentaires à fournir
L’un des objectifs clés du nouveau PCSI est d’accroître la transparence et la qualité de l’information financière délivrée par les promoteurs immobiliers. À cette fin, des obligations renforcées sont prévues en termes de publication d’informations complémentaires dans les notes aux états financiers, notamment la description détaillée des méthodes comptables appliquées (reconnaissance du chiffre d’affaires, évaluation des stocks, provisions, etc.) ; des précisions sur les jugements et estimations comptables clés retenus par le promoteur (coûts prévisionnels, avancement des travaux, etc.) ; l’analyse de sensibilité des résultats aux hypothèses et estimations retenues ; les rapprochements et explications des éventuels changements de méthodes ou d’estimations d’une période à l’autre.

Cette exigence de transparence accrue a pour but de permettre aux investisseurs et analystes d’appréhender au mieux les choix comptables opérés et leurs impacts sur les comptes publiés.

Enjeux de transition

La mise en œuvre opérationnelle du nouveau PCSI représente un défi de taille pour l’ensemble des acteurs du secteur immobilier marocain. Les promoteurs devront en effet s’adapter sur plusieurs plans. Au niveau des systèmes d’information, à travers la collecte des nouvelles données, adaptation des outils de gestion et de reporting.

Au niveau du contrôle interne, à travers le renforcement des processus et des contrôles relatifs aux estimations et jugements comptables clés. Également sur le volet des Ressources humaines, à travers la formation du personnel financier et opérationnel aux nouveaux référencés, nous explique un analyste. Cette période de transition constitue un enjeu crucial de fiabilité de l’information financière publiée pendant les premières années d’application du nouveau PCSI.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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