Maroc

Nidal Afid : « Je ne crois pas à la parité. Je crois aux compétences, à la méritocratie » (Intelcia)

Nidal Afid. Directrice des activités Création de valeur & Service client, Intelcia

Pour Nidal Afid, les femmes apportent la même valeur ajoutée que les hommes. Instaurer la parité voudrait dire avoir une politique de discrimination. Selon elle, même positive, une discrimination reste une discrimination.

Quel est votre ressenti en tant que directrice d’un pôle stratégique au sein d’une grande entreprise ?
C’est d’abord une fierté pour moi et, même, une revanche sur la vie. Il faut savoir que je viens d’un milieu plutôt défavorisé et n’ai pas eu la chance d’effectuer de grandes études. Mais j’avais la volonté et la détermination de changer cette situation et de me réaliser dans la vie. Ce qui m’a permis de développer une grande capacité d’apprentissage, d’adaptation et d’empathie vis-à-vis des différents profils et cultures que j’ai pu rencontrer aussi bien avec mes clients que mes collaborateurs. Enfin, j’ai un sentiment de gratitude envers tous mes managers et dirigeants pour toutes les opportunités qu’ils m’ont offertes. Ils m’ont fait confiance alors même que j’étais très jeune. Cela a beaucoup contribué à l’évolution très rapide de ma carrière. Je gère aujourd’hui une équipe de quelque 5.500 collaborateurs et je nourris l’envie d’aller encore plus loin.

Qu’est-ce qui vous a permis d’arriver là où vous êtes ?
Je dirais d’abord que cette progression est due à ma capacité d’apprentissage et à ma curiosité. Puis, dans ce secteur de la Relation Client, il faut avoir assez de force pour supporter les contraintes et l’adversité, savoir absorber les situations et les gens autour de soi, garder son sang-froid et savoir prendre du recul. J’ai également eu la chance de côtoyer de grands chefs d’entreprise qui m’ont apporté du savoir, aussi bien sur le plan personnel que professionnel. Des patrons qui savaient être des leaders, qui savaient montrer la voie pour vous faire grandir dans votre métier, et qui m’ont laissé la latitude d’être moi-même, dans ma particularité.

Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés dans votre parcours ?
Mon parcours est assez différent d’un parcours classique dans le secteur de la Relation Client. J’ai évolué presque chaque année vers un nouveau poste dans la hiérarchie et je me suis retrouvée, très vite à 23-24 ans à gérer un plateau de 300 personnes. C’est assez impressionnant de bénéficier de la confiance de ses managers à cet âge. Et c’est justement ce qui a pu constituer, à certains moments, un véritable challenge humain. Il fallait trouver le moyen de maintenir de bonnes relations avec d’anciens collègues qui d’une année à l’autre sont devenus vos collaborateurs, que vous devez désormais gérer. Cela demande beaucoup d’humilité, mais aussi de la crédibilité et de la légitimité à ce poste. Pour le reste, je n’ai pas connu d’obstacle lié à ma condition de femme. Je n’ai pas l’impression que je sois vue comme une femme chez Intelcia.

Quelle est la stratégie d’Intelcia en matière de parité hommes/femmes ?
Au sein d’Intelcia, la culture de l’entreprise donne les mêmes chances à tout le monde de réussir. On fait confiance aux compétences, et non au genre. La parité n’est pas une finalité. L’important, c’est que tout le monde ait ses chances. Notre culture et notre ADN sont les garants de cela. L’élément discriminatoire, c’est la compétence et l’engagement. Personnellement, je ne crois pas à la parité. Je crois aux compétences, à la méritocratie, aux gens qui se battent pour réaliser leur projet de vie, gravir les échelons et accéder au poste qu’ils souhaitent. Je n’ignore pas qu’il y a des environnements dans lesquels on est obligé de mettre ces garde-fous sinon les femmes n’y arriveront pas ; mais ce n’est pas le cas au sein d’Intelcia. Instaurer la parité voudrait dire avoir une politique de discrimination. Même positive, une discrimination reste une discrimination.

Quelle est, selon vous, la valeur ajoutée de la présence des femmes dans les organes de gouvernance et de décision ?
Dans un contexte professionnel et en ayant les mêmes chances aussi bien en termes d’éducation/formation que d’opportunités de carrière, je pense que les femmes apportent la même valeur ajoutée que les hommes. La question du genre ne se pose pas, à mon sens, à ce niveau. Elle peut l’être dans la constitution émotionnelle des femmes ; c’est là qu’elles peuvent apporter des choses différentes. La différence se trouve dans l’approche des femmes qui sont beaucoup plus dans le compromis. Leur présence dans les organes de décision rend la décision et la collaboration plus fluides parce qu’elles ont un sens du compromis plus développé que les hommes. Mais ceci est un acquis sociétal, issu de l’éducation reçue dans le cadre familial.

Selon vous, comment devrait-on accompagner les compétences managériales féminines au sein d’une entreprise ?
À mon avis, il n’y a pas de différence intrinsèque entre un homme et une femme, mais le parcours d’une femme peut être un peu plus compliqué que celui d’un homme, notamment quand il s’agit de la maternité. De manière globale, je pense qu’il y a des efforts à faire dans la gestion des périodes de maternité. Il faut notamment de la bienveillance et de la compréhension afin que ceci ne constitue pas un handicap dans leur carrière. Il faut donc imaginer des aménagements spécifiques pour elles (télétravail, horaires aménagés, …), mais également des formations pour accompagner leur empowerment.

Quels sont les enjeux de la parité au Maroc ?
À l’échelle sociétale, il faut investir lourdement dans l’éducation des filles, surtout dans les milieux ruraux. L’accessibilité à l’école primaire est déjà compliquée pour tout le monde et encore plus pour les filles. Et elles sont discriminées par la culture, par la société. L’éducation est donc cruciale. Concernant les postes de décision, il faudrait qu’il y ait effectivement plus de femmes, non par souci de parité mais parce que la diversité est toujours créatrice de valeur.

Sanae raqui / Les Inspirations Éco


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