Mutations du travail : ce qu’en pensent les DRH marocains

Les DRH démontrent une conscience aiguë des transformations du travail, selon une récente enquête de la plateforme spécialisée DRH.ma. Les résultats indiquent que si les mutations à venir sont clairement identifiées, la mise en œuvre de stratégies RH adaptées, notamment pour l’IA, constitue un des principaux enjeux.
Comment les responsables RH appréhendent-ils les mutations vécues par le monde du travail, surtout dans un contexte post-covid ? Une étude récente de DRH.ma révèle un décalage notable : si la lucidité est de mise quant aux enjeux, la traduction de cette conscience en stratégies opérationnelles audacieuses, notamment face au besoin criant en compétences numériques, n’est visiblement pas au rendez-vous pour le moment.
L’intelligence artificielle est sans doute l’exemple le plus marquant de ce paradoxe. Une écrasante majorité des DRH marocains (87%) anticipe un impact important, voire majeur, de l’IA sur les métiers et les structures organisationnelles. On pourrait s’attendre à une course à l’intégration, à des expérimentations foisonnantes. Or, la réalité du terrain dépeint une prudence notable.
En effet, peu d’entre eux déclarent avoir franchi le cap d’une intégration concrète de l’IA dans leurs stratégies RH. Ce hiatus entre la reconnaissance du potentiel transformateur et l’adoption effective contraste singulièrement avec l’avancée de la digitalisation, perçue par 96% des répondants comme la transformation la plus imminente.
Le soft power plébiscité, le numérique sous-estimé ?
Ce décalage se reflète également dans la hiérarchisation des compétences jugées clés pour l’avenir. Alors que la digitalisation s’impose comme une évidence, les compétences numériques (42%) et la communication (31%), pourtant essentielles dans ce contexte, apparaissent étonnamment sous-évaluées dans les priorités de développement.
Les DRH misent massivement sur le leadership et l’influence positive (67%), la créativité (65%), la capacité d’apprentissage continu (61%) et l’intelligence émotionnelle (59%). Si l’importance des soft skills n’est plus à démontrer, cette moindre emphase sur le hard skill numérique interroge, au vu de l’omniprésence annoncée de la technologie et de l’automatisation des tâches (citée par 55% comme une transformation majeure).
Face aux défis, les DRH marocains semblent privilégier des leviers internes et humains. Le renforcement de l’éducation et de la formation professionnelle (88%) arrive en tête des actions prioritaires, suivi par la promotion de l’égalité des chances et de la diversité (59%) et le soutien à l’innovation sociale (55%). Ces orientations, louables et nécessaires, témoignent d’une volonté de façonner un futur du travail plus inclusif et centré sur l’humain.
Cependant, pour que ces efforts portent pleinement leurs fruits, une articulation plus étroite avec les impératifs technologiques et la préparation active aux métiers de demain, transformés par l’IA et l’automatisation, s’avère capital.
L’équilibre avant tout
La vision du «travail harmonieux» portée par les DRH (81%) s’ancre principalement dans un équilibre entre performance et bien-être, soutenu par un management participatif et bienveillant (59%). Si la flexibilité (43%) et la collaboration fluide (45%) sont également citées, les dimensions éthiques ou inclusives, bien que reconnues, semblent pour l’heure moins prioritaires dans la définition de cette harmonie.
L’étude souligne une prise de conscience aiguë des DRH marocains face aux mutations structurelles. Ils se concentrent sur les dynamiques internes, transformation des modèles organisationnels (98%), attraction et fidélisation des talents (97%), et reconnaissent le rôle stratégique des compétences comportementales.
Toutefois, l’impératif est désormais de combler l’écart entre cette clairvoyance et la mise en œuvre de stratégies RH qui intègrent pleinement et proactivement les ruptures technologiques comme l’IA. Réinventer les modèles internes et aligner les ambitions digitales avec les compétences disponibles sont les défis majeurs pour ne pas subir, mais bien piloter la transition vers le futur du travail.
232 DRH sondés
Cette étude récente, menée par DRH.ma, en partenariat avec le Future of Work forum Africa, lève le voile sur la manière dont les directeurs des ressources humaines (DRH) au Maroc anticipent les mutations profondes du monde du travail.
Réalisée entre le 9 et le 14 mai 2025 auprès de 232 DRH d’entreprises nationales de plus de 250 collaborateurs, cette enquête met en lumière une prise de conscience aiguë des enjeux, tout en soulignant des écarts entre les intentions stratégiques et leur concrétisation opérationnelle.
L’étude s’articule autour de six axes majeurs. Il s’agit des transformations attendues à horizon 5-10 ans, des enjeux à anticiper, de la perception de l’intelligence artificielle (IA), de la définition d’un travail harmonieux, des compétences clés à développer, et des actions prioritaires pour façonner l’avenir professionnel.
Les résultats indiquent une lucidité croissante des DRH face aux changements structurels, mais révèlent également des décalages persistants entre les ambitions affichées et les leviers effectivement mobilisés.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO