Maroc-Cameroun: Le cuir et le bois, les nouvelles locomotives
Une mission d’affaires camerounaise conduite par le ministre des PME, de l’économie sociale et de l’artisanat vient de conclure une visite de quatre jours au Maroc, dans le cadre du premier Forum économique Maroc-Cameroun sur le bois et le cuir.
Avec un chiffre d’affaires qui a franchi en 2021 la barre des 1000 milliards de dollars, le commerce intra-africain ne représente pourtant que 14,4% du total des exportations africaines. Un chiffre presque insignifiant. Une aberration même, au vu de l’énorme potentiel matériel et humain du continent.
«C’est un véritable gisement qu’il faut exploiter», rappelle Mouhamadou Youssifou, ambassadeur du Cameroun au Maroc (voir interview). Ce chiffre reflète aussi l’ampleur du chantier qui attend les États africains dans la consolidation de leur coopération sur le plan économique.
Un chantier auquel Rabat et Yaoundé se sont attaqués la semaine passée avec l’organisation de la première édition des Rencontres économiques Maroc-Cameroun sur le bois et le cuir. Entre les panels thématiques, les rencontres avec les officiels et les descentes sur le terrain à Fès et Casablanca, l’agenda de la délégation camerounaise était relativement chargé. Et la mission était claire : «nous sommes venus toucher du doigt les recettes du succès du Maroc», relève Achille Bassilekin III, ministre des PME, à la tête de la délégation camerounaise qui a séjourné au Maroc.
«L’expérience marocaine de plusieurs décennies en matière de transformation du cuir et de modernisation du secteur nous parle. Nous savons exactement quels sont les écueils qu’il faudra éviter pour développer la maroquinerie dans notre pays», poursuit-il.
Ce forum économique était déjà une occasion de braquer les projecteurs sur les voies et moyens de booster les échanges entre le Maroc et le Cameroun. Des échanges qui restent embryonnaires.
Certes, le Cameroun capte 10,8% des exportations de la filière cuir de l’artisanat marocain sur le continent (premier client en Afrique), mais les volumes des exportations marocaines de ce secteur vers le continent restent globalement faibles (1,5%) d’après les chiffres avancés par Moad Kebdani, chef de service à la Maison de l’artisan de Rabat.
On remarque par ailleurs que le Maroc, bien qu’étant le second pays d’origine des importations camerounaises sur le continent, a exporté moins de 100.000 tonnes de marchandises vers le Cameroun en 2021. Ce qui ne représente que 1,2% des importations camerounaises, loin derrière la Chine (25,8%) et même les Pays-Bas (12,4%), d’après Paul Atonkoumou, chef de la cellule statistique du port autonome de Douala.
Une niche d’opportunités
Rappelons que les secteurs du bois et du cuir, objet de ces Rencontres économiques Maroc-Cameroun, font partie des neuf secteurs prioritaires identifiés par le gouvernement camerounais dans sa Stratégie nationale de développement (SND) 2020-2030, une feuille de route dont la finalité est de permettre au pays de se classer comme pays émergent à l’horizon 2035.
Pour atteindre cet objectif, le mot d’ordre est la montée en puissance dans les chaînes de valeur. Le Cameroun a, dans ce sens, amorcé un changement de paradigme dans sa production de bois. Pour le pays, il est désormais question de quitter le stade de la commercialisation des grumes (première transformation) et d’aller davantage vers des produits de deuxième – voire troisième – transformation.
Une vision en totale harmonie avec le nouveau cap stratégique que les acteurs du cuir au Maroc souhaitent donner au secteur. Pour ces derniers, il est question de faire évoluer l’ensemble du processus de production, pour aller davantage vers des produits haut de gamme.
«Un produit d’artisanat ne doit plus être acheté uniquement pour sa fonctionnalité, mais pour l’histoire qu’il véhicule, les savoir-faire qu’il reflète, et la notoriété qu’il incarne», résume Adil Fanjiro, directeur de l’artisanat et de l’économie sociale à la Chambre régionale d’Artisanat de Rabat-Salé-Kénitra.
Le Cameroun, porte d’entrée d’un marché régional à fort potentiel
Fort de sa position de premier marché des produits de la maroquinerie marocaine en Afrique, le Cameroun offre donc un débouché sûr aux artisans marocains.
Pour ce qui est du bois, le pays entend multiplier les débouchés pour le bois brut et ses dérivés valorisés comme le bois scié, et le bois en contreplaqué, qui figurent en bonne place de la balance commerciale. La délégation camerounaise a mis le cap sur le Maroc, que Yaoundé voit comme un «partenaire efficace», pour reprendre les termes du ministre camerounais des PME.
Le séjour de la délégation camerounaise au Maroc avait aussi pour objectif de promouvoir la destination auprès de potentiels investisseurs camerounais. C’était notamment l’occasion de rappeler la position stratégique du Cameroun. Le pays dispose en effet du principal port de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, offrant un accès aux marchés enclavés du Tchad ou encore de la Centrafrique.
De plus, le Cameroun partage une frontière de plus de 1.600 kilomètres avec le Nigéria, première économie africaine, et pays le plus peuplé du continent. Investir au Cameroun c’est donc surtout se positionner sur un marché régional en pleine expansion et à fort potentiel.
La balle dans le camp des investisseurs
Achraf Tarsim, représentant résident de la Banque africaine de développement (BAD) au Maroc, n’a pas hésité à encourager les investisseurs marocains à se lancer à l’assaut du marché camerounais.
«Même si nous sortons de trois années difficiles, il est temps d’agir. C’est le moment d’investir, parce que si on ne le fait pas au bon moment, les tickets d’entrée vont coûter plus cher», souligne-t-il.
Un état de fait que corrobore Hamidou Bahlah, représentant de l’Agence de la promotion des investissements du Cameroun (API) qui rappelle que «les différentes incitations proposées par le gouvernement camerounais à destination des investisseurs peuvent amener le coût de l’investissement à baisser de 40%».
Darryl Ngomo / Les Inspirations ÉCO