Marché boursier: une performance semestrielle résiliente, mais…
En dépit du contexte inédit, marqué par la montée en flèche de l’inflation nationale et mondiale, les sociétés cotées à la Bourse de Casablanca ont signé une performance honorable, à l’issue du premier semestre de cette année. Cependant, les prévisions peu favorables des investisseurs quant aux prochains mois risquent de perturber l’ordre des choses…
D’après les calculs des analystes de BMCE Capital Global Research (BKGR), portant sur les six premiers mois de l’année, les revenus globaux des sociétés de la côte casablancaise ressortent en progression de 16,1% à 141,6 milliards de dirhams (MMDH). Conséquence du choc inflationniste mondial culminant autour de 8%, ce volume des ventes s’explique d’abord par un effet prix favorable.
Pourtant les résultats semestriels, à première vue confortables, dénotent un décalage entre la variation du revenu global de la cote et celle du résultat d’exploitation (REX) et du résultat net de respectivement (+3,5%) et (-0,2%), justifiée, selon les spécialistes, par la répercussion de la hausse des cours des intrants dégradant la marge opérationnelle, ainsi que par l’impact négatif de la forte appréciation du dollar par rapport au dirham.
Fait exceptionnel, l’astreinte infligée par l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) à Itissalat Al-Maghrib (IAM) d’un montant de 2,45 MMDH a contribué à la neutralisation de la capacité bénéficiaire semestrielle ressortie en quasi-stagnation à 14,7 MMDH (-0,2% par rapport au S1-2021), creusant le RNPG du secteur industriel de 11% à 6,8 MMDH.
A la faveur de la poursuite de l’amélioration du coût du risque des Banques (-9% à 5,3 MMDH) et à l’allègement de leurs provisions par rapport à 2020 marquée par la crise sanitaire, le RNPG du secteur financier progresse de 11% à 7 MMDH. Celui du secteur des assurances suit la même tendance avec une progression de 13% à près de 0,9 MMDH, d’après BKGR. Des performances individuelles au rendez-vous
En vertu du poids de l’astreinte, le RNPG des sociétés industrielles ressort peu représentatif de la réelle performance du secteur. Par valeurs, le Groupe Managem a multiplié par 6,5 sa capacité bénéficiaire pour s’établir à 1,2 MMDH, grâce à l’effet conjugué de la progression du prix des métaux précieux, de l’appréciation de la parité moyenne USD/MAD de 9% sur le S1-2022 et de la consolidation des niveaux de production des différents métaux.
Les profits réalisés par Lesieur Cristal suivent la même tendance avec un RNPG culminant à 223 millions de dirhams (MDH) contre 44 MDH à fin juin 2021, suite à l’appréciation exceptionnelle de son activité commerciale de 52% et la progression de son REX à 401 MDH contre 115 MDH en glissement annuel. Même évolution pour Taqa Morocco qui s’apprécie de 36,3% à 605 MMDH sous l’effet mécanique de la hausse du CA.
Le secteur des assurances doit, pour sa part, sa performance à Wafa Assurance dont la bonne tenue des indicateurs techniques, l’amélioration de 56% du résultat non technique et la hausse de la rentabilité des filiales à l’international, font ressortir un RNPG en forte progression de 47,4% à 554 MDH. En seconde position intervient Atlanta Sanad avec un RNPG de 237 MDH en évolution de 5,8% par rapport au S1-2021, suivi de Sanlam Maroc avec 191 MDH contre 189 MDH à la même période de l’année précédente.
Attijariwafa Bank arrive en tête du podium de la meilleure performance semestrielle du secteur financier, avec un RNPG en croissance de 16,2% à 3 MMDH, contre 2,6 MMDH au premier semestre 2021, devant la Banque Centrale Populaire qui affiche un bénéfice en hausse de 16,6% à 1,8 MMDH. Le RNPG de Bank of Africa s’est, quant à lui, élevé à près de 1,3 MMDH pour une progression semestrielle de 6,2%. La résilience dans un contexte volatil
D’après les experts financiers, les preuves de résilience du marché boursier devraient être rattrapées par les répercussions d’un certain nombre de facteurs de risque liés à la conjoncture internationale exceptionnelle déclenchée à partir du mois de février, combinés aux effets persistants de la crise sanitaire dans le monde.
En effet, un nombre important d’émetteurs livrent, d’ores et déjà, dans leurs perspectives pour le prochain semestre, des scénarios d’évolution peu optimistes. D’abord, le relèvement du taux directeur de 50 points de base à 2% par BAM, a fait perdre à l’indice MASI 5% de sa valeur durant les 5 premières séances ayant suivi la décision, creusant ainsi la contre-performance du marché boursier à -13% depuis le début de l’année 2022.
Par ailleurs, un certain nombre de facteurs exogènes sont susceptibles de compromettre les perspectives du second semestre de l’année. Il s’agirait, selon Attijari Global Research (AGR) des tensions inflationnistes persistantes que les investisseurs ne voient plus comme transitoires, et du ralentissement de la demande en raison de la hausse des taux d’intérêts, pouvant renchérir davantage d’ici la fin de l’année.
Au regard des développements récents de la géopolitique mondiale, notamment l’escalade du conflit russo-ukrainien, les émetteurs s’attendent également à des difficultés d’approvisionnement accentuant le manque de disponibilité de certains intrants sur le marché international.
Les impacts négatifs du stress hydrique seraient également mentionnés par certains investisseurs, aperçus comme facteurs potentiellement structurels, notamment chez ceux du secteur agricole, ainsi que la volatilité des devises évoquée par les importateurs et dont les niveaux de marge sont très sensibles à l’effet change.
À cet effet, AGR estime que le second semestre sera marqué par des pressions plus visibles sur les niveaux de profitabilité. À l’origine, les perspectives d’appréciation du dollar qui devraient amplifier les tensions inflationnistes, à plus forte raison que la parité moyenne USD/MAD devrait s’apprécier de 15% sur l’année 2022 contre une variation de 9% au S1-21.
Avec MAP