Maladies métaboliques. Les patients, grands oubliés des mutuelles

L’accès aux soins reste un calvaire pour les enfants atteints de troubles métaboliques. Un médicament vital pour ces malades coûte 13.000 DH. Il n’est remboursé ni par la CNSS, ni par la CNOPS. Seuls les titulaires du RAMED y ont accès, mais il est souvent en rupture de stock. Conséquence, des enfants décèdent.
C’est l’histoire de ceux à qui la Constitution a garanti l’accès aux soins mais qui, à cause de la défaillance du système de santé et de celui de la couverture médicale, se retrouvent dans des situations lamentables. Il s’agit des enfants souffrant de maladies métaboliques et de leurs parents qui ne cessent de demander assistance pour une réelle prise en charge. D’ailleurs, l’une des associations les représentant, l’Association nationale des maladies métaboliques, a récemment organisé un sit-in devant le ministère de Santé pour faire entendre les doléances de ces malades et, surtout, parler de leurs souffrances. «Nos enfants et nous menons un combat au quotidien, en dehors d’une réelle prise en charge de leurs maladies. Par manque de soins, certains enfants décèdent tandis que d’autres sont atteints de handicap», souligne Fouad Farahat, président de l’Association nationale des maladies métaboliques.
Ces maladies se manifestent par des troubles. «C’est le cas notamment du trouble de la phénylalanine, protéine qui se trouve presque dans tous les aliments. De ce fait, les enfants qui n’ont pas l’enzyme qui «coupera» cette protéine verront cette dernière s’accumuler dans le corps et attaquer les cellules du cerveau. Les enfants naissent normaux mais, au fil du temps, commencent à manifester des signes de handicap», explique le président de l’association.
Le diagnostic précoce de la maladie joue un rôle important, voire déterminant dans la vie des enfants malades. Malheureusement, la majorité des médecins ne connaissent pas ces maladies métaboliques, et rares sont les spécialistes pouvant la déceler. Aussi, le retard dans le diagnostic fragilise la santé des enfants puisque certains peuvent être atteints de handicap. Le plus choquant est qu’en Europe ou en Algérie, les bébés sont soumis, à la naissance, à un test qui coûte 300 DH et qui permet de déceler le problème au niveau des enzymes. Ainsi, ce test permet d’interdire certains aliments aux petits malades et de les remplacer par d’autres spécifiques aux maladies métaboliques. Mais ces aliments n’existent pas au Maroc, et les parents sont obligés de les faire venir de l’étranger. La démarche reste très coûteuse. «Les enfants ont également besoin, en vue d’une croissance normale, d’un lait spécifique qui ne contient pas de phénylalanine et que l’on doit souvent faire venir de l’étranger. Au Maroc, un seul laboratoire casablancais l’importe, mais son prix reste trop élevé. La boîte de 450g coûte près de 1.200 DH», précise Farahat. Le laboratoire explique ce prix par le fait que la douane ne le considère pas comme un médicament, ce qui le soumet, en plus de la TVA, aux aux droits de douane. «Nos enfants meurent alors que la solution est facile. Il suffit de faciliter l’accès à ces aliments», déplore le président de l’association.
Divorcer… pour obtenir le médicament
Parmi les autres troubles dont souffrent les personnes atteintes de ces maladies, il y a celui de la tyrosine qui s’attaque à l’estomac et à la rate… Les enfants atteints de ce trouble, en plus d’avoir besoin de nourriture spécifique, ont aussi besoin d’un médicament. «Ce dernier est fourni part l’Etat au niveau des CHU pour les titulaires du RAMED, mais est souvent en rupture de stock. Une seule boîte coûte 13.000 DH, sachant que certains malades ont besoin de deux boîtes par mois et qu’il n’est remboursé ni par la CNOPS, ni par la CNSS», assure le président de l’association. Une situation qui pousse au désespoir certaines familles, ces dernières pensant parfois à des solutions peu… orthodoxes. «Pour pouvoir bénéficier du RAMED et avoir accès au médicament, certains parents ont pensé au divorce afin que la femme ait accès au régime et de ce fait permettre aux enfants d’avoir le médicament», assure Farahat.
Mariage consanguin, l’une des causes
Les maladies métaboliques sont aussi appelées troubles héréditaires du métabolisme. Ce dernier comprend le catabolisme et l’anabolisme. «Notre corps fonctionne grâce à ces deux phénomènes. L’anabolisme est la production de molécules, de protéines… des matières qui permettent à notre corps de fonctionner. Le catabolisme est la destruction des molécules dont le corps n’a pas besoin. Les maladies du métabolisme sont des maladies génétiques héréditaires où l’un des parents -ou les deux- vont transmettre à leur enfant un gène défectueux. De ce fait, le métabolisme ne va pas se faire correctement, que ce soit au niveau de l’anabolisme ou du catabolisme», explique un médecin spécialiste des maladies métaboliques au sein du CHU de Rabat. Ces maladies, dites rares, sont en réalité nombreuses et ce, au regard des différentes manifestations des troubles métaboliques qu’elles engendrent. Et si on analyse le contexte marocain, où le taux de mariages consanguins est très élevé (notamment dans certains régions), le nombre de ces maladies est très inquiétant. Mais on ne dispose pas, dans le royaume, d’un registre national desdites maladies. Il est certain que surviennent des décès inexpliqués pouvant avoir un rapport avec ces pathologies lourdes.
Trois types de maladies
«Il y a trois grands types de maladies métaboliques. Il s’agit de celles dites d’intoxication, de celles de défi cit énergétique et de celles de molécules complexes. Dans le premier cas, le corps va s’intoxiquer, généralement au moyen de protéines qui se sont mal dégradées dans le corps. Lorsqu’il y a déficience de l’enzyme responsable de la dégradation d’une protéine, la molécule va produire des matières toxiques pour le corps. Ces dernières peuvent endommager les cellules du cerveau, des reins, du coeur, du foie ou encore des muscles… et en fonction de la protéine en question, on aura plusieurs types de maladies dite d’intoxication, dont la phénylcétonurie (défi cit en phénylalanine ), qui commence a être connue au Maroc», note le spécialiste. Les enfants atteint de cette maladies naissent normaux mais, au fil du temps, voient l’état de leur cerveau se dégrader. «Il y a aussi la tyrosinémie, où le métabolisme ne fonctionne pas correctement. De ce fait, des produits toxiques vont s’accumuler dans l’organisme. La toxicité sera, là, plutôt hépatique (foie, reins…)», souligne le médecin.