Lutte contre le chômage. Doutes sur les objectifs gouvernementaux
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Le gouvernement maintient son objectif d’atteindre un taux de chômage de 8,5% à l’horizon 2021. Un engagement jugé utopique par l’opposition. Face aux critiques acerbes des députés, le chef de gouvernement affiche son optimisme.
L’emploi est l’un des secteurs les plus soulevés par les parlementaires au sein de l’institution législative. Il faut dire que le dossier est épineux, et le chômage, qui semble inextricable, touche de plein fouet la population, notamment les jeunes diplômés. L’évaluation de l’action gouvernementale à mi-mandat était l’occasion pour l’opposition de décocher ses flèches acérées sur l’Exécutif et de critiquer vertement ses objectifs «utopiques» par rapport à ce qui se fait sur le terrain. Les députés taclent le gouvernement sur son plan de promotion de l’emploi et les chiffres annoncés. Le groupe parlementaire de l’Istiqlal à la chambre basse, qui n’y est pas allé avec le dos de la cuillère lors de la discussion du bilan gouvernemental d’étape, vient d’interpeller El Otmani sur ce dossier. Le gouvernement parviendra-t-il à tenir ses promesses en matière de réduction du taux de chômage? Rien n’est moins sûr, selon l’opposition. Du côté de l’Exécutif, l’optimisme est au rendez-vous. Le chef de gouvernement persiste et signe: l’engagement de porter le taux du chômage à 8,5% sera atteint à l’horizon 2021.
Difficile d’y croire, d’après nombre de députés qui pointent du doigt la faiblesse du taux de croissance qui ne permet pas de faire face au problème du chômage. Les engagements gouvernementaux portant sur la réalisation d’un taux de croissance de 4,5% et 5,5% sont visiblement difficiles à concrétiser. Il faut dire que le taux de croissance au Maroc demeure fortement tributaire de la clémence du ciel. Notre pays n’a pas encore réussi à relever le pari de l’accélération de l’amélioration des activités non-agricoles. Pour le chef de gouvernement, le plus important est de réaliser une croissance structurelle, forte et globale tout en préservant les intérêts des Marocains. L’activation de certains mécanismes conjoncturels pour doper la croissance constituerait un risque pour les futures générations et la stabilité du pays, estime- t-il. Il s’avère indispensable de basculer vers un nouveau modèle de développement. Un grand retard est enregistré en la matière alors que le compte à rebours est enclenché. L’actuel modèle a atteint ses limites et est marqué par la baisse considérable du taux de croissance sur la création de l’emploi au Maroc, passant de 30.000 postes par point de croissance à 10.500 entre les périodes 2000/2008 et 2009/2017. À cela s’ajoutent le ralentissement de la croissance et la baisse continue du taux d’activité. En dépit de ces indicateurs, El Otmani maintient ses prévisions ayant trait à la baisse du taux de chômage. Il s’appuie à cet égard sur les chiffres du HCP qui font état d’une baisse de 0,5% de ce taux entre le premier trimestre de 2018 et la même période de 2019, soit l’emploi de quelque 60.000 à 70.000 chômeurs, et presque la même amélioration a été enregistrée entre 2017 et 2018: «Le maintien de ce rythme au cours des deux prochaines années permettra de se rapprocher de l’objectif gouvernemental».
Le plus grand défi est de pouvoir réduire le chômage des jeunes diplômés qui demeure très élevé. El Otmani s’attend à ce que les réformes entreprises dans l’enseignement et la formation donnent leurs fruits à moyen terme sur l’insertion économique des jeunes. Le gouvernement est aussi appelé à prendre en considération d’autres éléments dans le calcul du taux de chômage qui ne reflète pas la réalité. Ce taux n’inclut pas ceux qui ne sont pas à la recherche de l’emploi, dont les femmes au foyer ou encore ceux qui ont perdu l’espoir de s’insérer dans le marché du travail, qui vivent ou survivent grâce à la solidarité familiale. Les institutions nationales et internationales relèvent la nécessité d’agir sur plusieurs fronts, dont celui de la valorisation des ressources humaines et la résilience de l’économie nationale. Dans le contexte national, la relation entre la formation et le marché du travail reste complexe. Une évaluation minutieuse du contexte des structures économiques nationales s’impose car l’offre d’emploi reste majoritairement sans qualification et peu rémunérée.
L’évaluation de ce qui se fait sur le terrain est un élément clé pour rectifier le tir, le cas échéant. C’est dans ce cadre que s’inscrit la création du comité de veille sur le marché du travail, qui doit tenir sa première réunion aujourd’hui sous la présidence du ministre du Travail et de l’insertion professionnelle. Ce mécanisme devra suivre la création et la destruction des postes d’emploi sur les plans national, régional et sectoriel. Il s’agit aussi de développer une vision prospective sur les opportunités de travail à moyen et long termes. Ce comité vise aussi à mettre fin à la guerre des chiffres sur l’emploi entre les institutions nationales en développant et unifiant les approches adoptées dans le calcul de la création et de la destruction des postes d’emploi.