Maroc

Louardi laisse un secteur en convalescence

Fin de mission pour El Haussaine Louardi à la tête du département de la Santé. Après son limogeage par le souverain la semaine dernière, Louardi laisse derrière lui un ministère qui patauge face aux grands défis de la santé. Retour sur les tops et flops du mandat de Louardi.

Les raisons du limogeage
Bien que la responsabilité du ministère de la Santé ait été discutée depuis le début de l’affaire d’Al Hoceima, avec des retards monstres dans la réalisation de certains projets, le dernier rapport de la Cour des comptes est venu enterrer définitivement le débat. La cour reproche au ministère de la Santé d’avoir transféré des projets à l’Agence du Nord. D’autant plus que pour de nombreux chantiers, les études n’étaient pas encore disponibles et le foncier non assaini. «Cet empressement traduit chez certains départements, dont celui de la Santé, une certaine volonté de se défaire de leurs engagements aux dépens de l’agence, alors qu’ils ont les capacités et l’expertise requises pour réaliser par eux-mêmes des projets similaires, comme ils le font habituellement sur l’ensemble du territoire national», tranche la Cour des comptes. Dans le cadre du programme de développement de la province d’Al Hoceima, intitulé «Manarat Al Moutawassit», signé devant le roi Mohammed VI en octobre 2015, le ministère de la Santé s’était engagé à réaliser des projets dans la ville pour une enveloppe de 330 millions de DH. Le retard pris sur ces projets et la mauvaise gestion de l’affaire semblent en tout cas être la principale raison du limogeage royal.

Le Ramed en mauvaise passe
De grands espoirs étaient placés dans le Ramed à sa généralisation en 2012. Cinq ans plus tard, la désillusion est le mot d’ordre. 56% des inscrits au Ramed n’ont pas renouvelé leur carte. La progression du nombre d’inscrits commence également à se tasser avec 11,5 millions de personnes couvertes par le Ramed, jusqu’au mois d’août 2017. Le nombre d’affiliés à ce régime a évolué de 8% durant cette année, soit un niveau de progression mesuré par rapport aux premières années de l’application du régime. À titre d’exemple, entre 2013 et 2014, l’évolution était de 30%. À première vue, ces chiffres indiquent un attrait certain pour ce régime d’assurance. Or, la confiance des assurés est rompue à l’égard de l’offre de soins du Ramed. Selon plusieurs observateurs, le non-renouvellement de la carte Ramed par une grande partie des bénéficiaires est indicateur de l’absence de la vraie utilité de cette carte chez certains usagers. Pour remédier aux difficultés que connaît le régime, une étude a été lancée par le département de la Santé. Elle s’adresse aux difficultés financières et institutionnelles qui affectent le régime d’aide médicale aux plus démunis. L’option de la mise en place d’un organisme gestionnaire et le renouvellement du système d’information, chargé de la gestion du régime, sont en cours. Dans le circuit depuis 2015, l’étude serait actuellement en discussion dans le cadre d’une commission interministérielle. Le prochain ministre aura la lourde tâche d’activer les leviers nécessaires pour sauver le régime.

Infrastructures : Le faux pas !
L’état déplorable de l’infrastructure de soin n’est plus à prouver. C’était d’ailleurs la raison même des grandes opérations d’investissement inscrites dans les conventions signées devant le Roi Mohammed VI, et visant le développement de différentes villes du royaume, dont Al Hoceima. La mauvaise gestion de ce dossier par le département de la Santé n’est toutefois pas synonyme d’échec sur l’ensemble du dossier. Durant ces dernières années, le ministère a poursuivi l’exécution du programme de mise à niveau des infrastructures et des équipements sanitaires qui a été doté d’une enveloppe de 1 milliard de DH en 2017. Le ministère a opéré la mise en service de trois centres hospitaliers provinciaux (CHP) à El Jadida, Khénifra et Benguerir et de six hôpitaux de proximité à Mrirt, Zagora, Essaidia, Kelâa Megouna, Bouizakaren et Souk Sebt Oulad Nema. Le bilan gouvernemental fait d’ailleurs état de la construction de 12 maisons d’accouchement et de 20 centres d’hémodialyse et l’achèvement de la réhabilitation de 7 laboratoires cliniques. À quoi doivent s’ajouter l’acquisition d’équipements biomédicaux modernes et de 4 appareils de scanners au profit des CHP et la mise en service du centre hospitalier de Boujdour et du service des urgences à l’hôpital régional de Laâyoune.

Prix du médicament : Bouffée d’oxygène pour les consommateurs
Depuis la validation du décret sur le prix du médicament, pas moins de 3.600 produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux ont vu leur prix baisser, particulièrement ceux destinés au traitement de maladies graves et chroniques. Il s’agit de l’une des décisions les plus importantes du département piloté depuis 2012 par El Haussaine Louardi. Il s’agit des médicaments parmi les plus consommés au Maroc qui ont connu des baisses comprises entre 5 et 80% du prix initial. Le bras de fer a été tendu avec les professionnels qui ont opéré une véritable levée de boucliers à l’encontre de ce projet. Le désaccord concernait principalement la méthode de calcul des prix, refusée en bloc par les industriels. Finalement, les efforts déployés ont permis la mise en place d’un cadre réglementaire organisant le contrôle de la qualité, le suivi du processus et les critères de fabrication des dispositifs médicaux. La politique gouvernementale, dans ce sens, a permis d’encourager la fabrication nationale des médicaments destinés au traitement des maladies chroniques et coûteuses, en autorisant la fabrication des médicaments génériques antiviraux notamment l’anti-hépatite C. D’autres produits, comme l’Eloxatine ou encore le Temodal, ont connu des baisses de prix importantes de, respectivement, 69,91 et 58,32%. Le ministère a également introduit plus de 60 médicaments utilisés pour le traitement des maladies chroniques et coûteuses dans la liste des médicaments remboursables.

Régulation : De polémique en polémique
Sur la question de la régulation du secteur, le département de Louardi a été au centre de plusieurs polémiques. L’on se souvient d’ailleurs du grand bras de fer avec les étudiants de la Faculté de médecine autour du projet de loi sur le service obligatoire qui avait paralysé l’université pendant plusieurs mois en fin 2015. Il y eut également le processus laborieux d’adoption de la loi sur la libéralisation du capital des cliniques privées qui a défrayé la chronique en 2014. Le ministre a également été confronté à la levée de boucliers de l’industrie pharmaceutique en raison du décret sur les prix des médicaments. Plus récemment, en début 2017, le ministre a porté un nouveau coup de pied dans la fourmilière en publiant un nouvel arrêté introduisant de nouvelles normes dans le cadre de la gestion des cabinets privés. Un texte qui a été accueilli froidement par les professionnels qui se sont opposés à de nombreuses dispositions. Le Collège syndical national des médecins spécialistes privés (CSNMSP), l’Association nationale des cliniques privées (ANCP), ainsi que les médecins généralistes du secteur privé ont d’ailleurs décidé de lancer un large mouvement de contestation pour pointer du doigt l’attitude jugée «exclusionniste» du ministère de tutelle. Toutefois, il faut rappeler que l’effort de régulation a permis notamment l’introduction de la couverture médicale de base pour les professions libérales. Une demande de longue date qui a enfin pu voir le jour.

L’après Louardi
Le budget a toujours été l’une des entraves du département de la Santé. Le successeur de Louardi devra composer avec ces mêmes difficultés. Dans le cadre du projet de loi de finances 2018, le gouvernement entend accorder plus d’importance aux efforts visant «le renforcement du système de santé sur la base des principes d’égalité des chances d’accès aux soins et de bonne gouvernance». À cet effet, le programme gouvernemental en matière de santé s’articule autour de quatre axes principaux : l’extension de la couverture médicale de base, le renforcement de l’accessibilité aux services de santé, la réduction de la mortalité maternelle et infantile et la mobilisation des ressources humaines. Autant de défis sur lesquels l’ex-ministre de la Santé avait souvent buté. Dans ce sens, le gouvernement s’est engagé à soutenir les efforts du ministère de la Santé, à travers l’augmentation des crédits budgétaires alloués au profit de ce secteur. Ainsi, entre 2008 et 2017, le budget alloué à ce secteur est passé de 8,14 milliards  à 14,3 milliards de   DH. À ces crédits s’ajoutent les montants additionnels mobilisés, pour accompagner la mise en œuvre du Ramed ainsi que les dons des pays du Conseil de coopération du Golfe pour financer les projets de construction et d’équipement des CHU. Selon le budget alloué par le PLF 2018, l’année prochaine sera marquée par la création de 4.000 postes budgétaires pour le renforcement des ressources humaines du secteur, et ce, afin d’assurer la mise en fonction des formations hospitalières achevées, de faire face à la répercussion des départs massifs à la retraite et d’assurer la mise en fonction des Établissements des soins de santé primaires fermés par manque de personnel. 


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