Les cliniques privées tirent sur le gouvernement
Pris dans la tourmente, les patrons des cliniques privées souhaitent entamer l’écriture d’une nouvelle page avec le département de la Santé et leurs patients/clients. Les détails de la contre-attaque des médecins.
Khalid Ait Taleb, nouveau ministre de la Santé, est attendu de pied ferme par les gestionnaires des cliniques privées. Avec la nomination du nouveau ministre de la Santé, l’Association nationale des cliniques privées (ANCP) réactive son dossier revendicatif, prêt depuis 2018. «C’est une main tendue pour en finir avec la crise actuelle du système de santé au Maroc», lance d’emblée Redouane Samlali, président de l’ANCP, lors d’un point de presse organisé le 13 novembre à Casablanca. L’offre de ces acteurs de la santé s’articule autour de quatre axes: la gouvernance du secteur, la gestion de l’AMO, la politique d’incitations fiscales et l’optimisation des moyens à travers les partenariats public-privé (PPP).
Revaloriser la tarification des actes
C’est le point de discorde majeur entre les cliniques et leurs patients/clients, d’une part, et entre les cliniques et les caisses d’assurance maladie (CNOPS et CNSS) de l’autre. Ces conventions nationales non renouvelées depuis 2006 ont mené aux dérapages observés dans le secteur: chèques de garantie et paiement au noir d’une partie des prestations des soins non couverts par les mutuelles publiques. «Sans une volonté politique d’assurer une couverture médicale, nous continuerons à vivre dans ce cercle infernal. Nous aurons ces mêmes problèmes chaque année. Il faut que cette situation change», plaide Samlali. Le cahier revendicatif de l’ANCP s’inscrit dans ce sens-là. «Le souci de maîtrise des dépenses ne doit pas être considéré sous un angle purement comptable. Il doit intégrer des paramètres essentiels tels que la prévention des maladies chroniques lourdement coûteuses et l’amélioration de la qualité des prestations. Il ne faut pas non plus que la gestion de l’assurance maladie se limite simplement au maintien de ses équilibres financiers au détriment des principes d’équité, de solidarité et d’égalité dont elle doit être la défenderesse car c’est la seule manière de garantir l’accès aux soins à l’ensemble de la population. La rémunération des prestations se doit dès lors de tenir compte du coût réel de celles-ci, ce qui est, à notre sens, un élément déterminant pour la survie du système dans son ensemble», peut-on lire dans ce document. Hassan Afilal, membre du bureau dirigeant de l’ANCP, donne l’exemple de la prise en charge en réanimation qui est couverte à hauteur de 1.500 DH par les mutuelles publiques. «Le coût réel en France est de 1.200 euros. Une évaluation réalisée par le secteur public de la santé a estimé cet acte à 8.000 DH. Comment une clinique privée pourra-t-elle supporter un tel écart?», s’interroge-t-il. Pour cette raison, l’ANCP revient avec sa revendication majeure: le renouvellement de la convention nationale de l’AMO. «La convention tarifaire établie en 2006 entre l’Agence nationale de l’assurance maladie et le Conseil national de l’Ordre des médecins est aujourd’hui totalement dépassée et se doit d’être revue et corrigée, d’autant plus qu’elle comporte des dispositions qui ont aujourd’hui montré de manière caricaturale leurs limites», martèle Semlali.
«Conseil supérieur et régionalisation»
«Une meilleure gouvernance passe nécessairement par l’instauration d’un Conseil supérieur de la santé fort, une proximité administrative capable d’apporter des réponses rapides et adéquates aux besoins de la population dans le cadre de la régionalisation avancée et la mise en place d’un cadre de concertation opérant», propose l’ANCP. Le Conseil supérieur de la santé est une instance déjà consacrée par l’article 29 de la loi-cadre 34-09 relative à l’offre de soins et à la carte sanitaire. «Cette instance doit avoir, à notre avis, la tâche de développer une politique de santé à long terme et de veiller au maintien du cap fixé. Elle doit inclure en son sein tous les acteurs concernés», poursuit l’ANCP. La deuxième proposition concerne la mise en œuvre réelle de la régionalisation avancée de la santé.
«Une fiscalité adaptée, sans TVA»
La revendication d’incitations fiscales peut surprendre. Mais l’ANCP tient à ce point dans son dossier: «La clinique privée est soumise à une fiscalité extrêmement importante. En effet, elle est assujettie au paiement de pas moins de 8 impôts différents, ce qui contribue à sa mise en difficulté financière chronique», avance Samlali. Et d’ajouter: «C’est pourquoi nous sollicitons les mêmes incitations que celles accordées à des secteurs auxquels l’État reconnaît le même rôle social comme le secteur touristique ou celui de l’enseignement privé». En plus de la révision à la baisse de l’IS et l’IR, les cliniques privées demandent également à bénéficier de la neutralité de la TVA. Cette association souhaite «pouvoir bénéficier des mêmes incitations que celles accordées notamment au secteur de l’enseignement privé, lequel, bien que situé hors champs d’application de la TVA, bénéficie de l’exonération de la TVA sur les biens d’équipement, y compris les constructions». L’ANCP cite le précédent de la Fondation Cheikh Zaid à Rabat: «La même exonération est accordée à d’autres opérateurs agissant dans le secteur médical tels que la Fondation Cheikh Zaid, qui rend les mêmes prestations que celles des cliniques privées à des conditions similaires», compare l’ANCP.
«Promouvoir le partenariat public-privé»
Une revendication ancienne du secteur privé est remise aujourd’hui sur la table par l’ANCP. Cette instance veut capitaliser sur les expériences en cours dans la prise en charge des dialysés et la gestion du transport médicalisés dans la province d’El Jadida. «Ce concept traduit la complémentarité entre les deux secteurs public et privé de notre système de soins. Sa mise en œuvre rationnelle et réfléchie doit permettre à ces deux composantes du système de travailler ensemble», insiste l’ANCP.