«Le tourisme n’attire pas encore les IDE marocains sur le continent»

Faouzi Zemrani, Vice-président de la Confédération nationale du tourisme (CNT)
Pour le vice-président de la CNT, Faouzi Zemrani, le Maroc se positionne sur des niches pour attirer les touristes africains. À l’instar des investisseurs, peu de visiteurs marocains s’aventurent sur le continent en raison de la cherté des destinations africaines. Interview.
Les Inspirations ÉCO : Au Maroc, sentez-vous de l’intérêt pour le tourisme africain ?
Faouzi Zemrani : Il y a un intérêt certain. Il porte notamment sur des niches, surtout le tourisme médical. Le Maroc, à l’instar d’autres destinations nord-africaines, se dote d’infrastructures sanitaires et d’hôpitaux de dernière génération afin de capter des parts de marché honorables dans le tourisme médical en provenance du Sud du Sahara. Un grand travail est fait pour faire du Maroc l’hôpital de l’Afrique. Vu les contraintes que les citoyens africains rencontrent pour obtenir des visas pour se faire soigner en Europe, on s’est dit qu’il était important d’ouvrir des unités médicales ici et de mêler en même temps tourisme et bien-être, et tout le package qui va avec. Habituellement, un patient africain ne se déplace pas seul. Il est souvent accompagné par la famille et ce sont des gens qui reviennent assez souvent. Ce sont donc des niches que nous pouvons mettre en place afin d’augmenter le flux des touristes africains vers le Maroc.
Qu’en est-il des touristes marocains vers l’Afrique ?
Il y a effectivement la possibilité de faire voyager les Marocains vers l’Afrique. Seulement, les contraintes sont très nombreuses. L’offre d’hébergement n’est pas encore optimale dans une bonne partie des capitales africaines. Les tarifs sont également très chers alors que le pouvoir d’achat du touriste marocain n’est pas extensible. Au niveau de l’attractivité, en tant qu’opérateur, il vous faut avoir des offres bien déterminées afin que les touristes ne s’y ennuient pas. Le Safari au Kenya est très intéressant, mais c’est assez loin et cela demande des budgets conséquents, ce qui n’est pas donné à n’importe qui. Je pense que la destination Sénégal est attractive. Il y a de l’histoire à raconter, notamment à propos de la traite négrière sur l’Île de Gorée. D’ailleurs, j’encourage souvent les gens à aller vers cette destination chargée d’histoire. C’est important que les Marocains apprennent à connaître l’histoire des peuples frères d’Afrique.
Est-ce que les investisseurs marocains se lancent dans le secteur du tourisme sur le continent ?
Très peu de Marocains investissent dans le secteur du tourisme en Afrique. Contrairement à l’immobilier et à la finance, le tourisme n’attire pas encore les IDE marocains sur le continent. C’est encore très timide. Cela reste toutefois une tendance globale. Même les grands groupes internationaux, tels Accor par exemple, n’investissent pas beaucoup en Afrique. Le plus souvent ils se limitent à reprendre des établissements existants et à gérer des unités hôtelières pour autrui. Ce n’est pas vraiment de l’argent qui est injecté sur place. La raison est que le produit touristique en Afrique est très cher, sans parler des risques d’instabilité dans de nombreux pays.
Quels sont les freins à l’attractivité du marché africain ?
L’aérien est un vrai handicap. En plus de la cherté des prix des billets d’avion, la plupart des vols sont de nuit. Sur un autre plan, les pays africains doivent encore fournir plus d’efforts pour renforcer l’attractivité de leurs destinations touristiques. Les touristes marocains aiment bien voyager. S’ils sont bien informés sur l’offre touristique africaine, ils ne manqueront pas de se diriger vers le continent. Il faudrait certainement faire beaucoup plus d’échanges et de partenariats dans ce sens.
Quel est le principal atout du Maroc par rapport aux autres destinations africaines comme l’Égypte, l’Afrique du Sud ou le Kenya ?
Il faut adapter notre produit à la demande des différentes clientèles. L’erreur que nous avions faite jusque-là, est de mettre en place du «hardware», sans passer au «software». Nous devons plus essayer de comprendre ce que veulent les clients et s’adapter à leurs exigences. D’ailleurs la Confédération nationale du tourisme a mené une réflexion sur l’adaptabilité du produit marocain et les résultats seront connus prochainement. Il y a des synergies à mettre en place entre le public et le privé. Même au niveau du service public, je pense qu’il y a des synergies à mettre en place. Plusieurs services doivent davantage se parler et se connecter pour que le produit et la promotion puissent avoir un sens et aller ensemble.