Le marché du travail freine-t-il la croissance ?
57% des 861 internautes qui ont répondu au sondage en ligne de Flm, ont indiqué que le marché de travail constitue un frein à la croissance. À l’opposé 43% estiment le contraire.
Pour résumer, un marché de travail efficace permet d’atteindre deux principaux objectifs. Le premier est celui de concourir à la réduction du chômage grâce à une plus grande flexibilité notamment à l’embauche et au licenciement. Le second objectif est de stimuler la productivité des entreprises ce qui permet une meilleure compétitivité vis-à-vis de l’étranger ainsi qu’une plus grande facilité d’expansion de l’activité. Naturellement, la baisse du chômage encourage la consommation interne, ce qui constitue un important facteur de stimulation de la croissance. A titre d’exemple, en 2016, la consommation finale des ménages, a contribué en 2016 pour 1,9 point à la croissance du PIB au lieu de 1,3 point l’année précédente. C’est dans ce contexte que les institutions internationales veulent voire insistent pour réformer le marché du travail au Maroc pour stimuler la croissance et réduire le chômage.
A ce titre, Compact II dont l’enveloppe globale est de 450 millions de dollars (M$) de la part des Etats-Unis avec un apport supplémentaire de 67,5 M$ de la part de l’Etat marocain, porte sur deux grands axes dont l’éducation et l’employabilité. Pour l’employabilité, il s’agit notamment de la réforme de l’école en faisant la promotion de l’usage des langues étrangères et des technologies de l’information, au même moment qu’une formation académique solide. Aussi, le programme veut favoriser l’accès des jeunes à des formations professionnelles ciblées selon les besoins du secteur privé. De même, un observatoire de l’emploi devra être mis en place pour permettre aux pouvoirs publics de prendre les bonnes décisions. De son côté, dans son rapport «Le Maroc à l’horizon 2040 : Investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique», la Banque Mondiale a insisté sur le fait que les gains de productivité supplémentaires ne découleront pas uniquement de nouveaux investissements en capital fixe mais d’un effort accru pour accumuler davantage de capital immatériel. Ce dernier passerait notamment par une refondation du Code du travail avec plus de flexibilité. Il s’agit entre autres de ne pas figer le temps de travail, de plafonner les indemnités de licenciement et de déverrouiller les CDI.
Sur un autre registre, actuellement, le marché du travail ne lèse pas que les patrons mais pèse aussi parfois sur les salariés. Ainsi, selon la première étude nationale sur le bien-être au travail de l’Observatoire marocain du Bonheur, une part de 30% des sondés considère que le travail est une source de stress. Trois principaux facteurs sont à l’origine de ce stress : le manque de reconnaissance, le manque de moyens pour atteindre les objectifs et le sentiment de surcharge de travail. Quant à ceux qui considèrent que le marché du travail n’est pas un frein pour la croissance, ils pensent probablement au fait que l’économie marocaine ne tourne pas à plein régime. En effet, les capacités tournent rarement à plus de 75% du taux d’utilisation (64% en avril 2017). Ainsi, l’urgence est davantage au niveau du carnet de commandes que des facteurs de production.
Farid Mezouar
DG de FL Market
Les Inspirations ÉCO : Quelles sont vos remarques sur le marché de travail ?
Farid Mezouar : Je mettrais l’accent sur trois remarques. La première est celle d’une législation faite plutôt pour les grandes entreprises, ce qui freine l’emploi au niveau des TPE. La deuxième est la persistance du travail informel dans plusieurs secteurs ce qui pénalise les bons élèves. Enfin, plusieurs entreprises se plaignent de la faible qualification des candidats au travail, ce qui les amène pondérer les salaires offerts par le volume de formation à dépenser.
Y’a-t-il une urgence à réformer le marché du travail ?
Probablement oui car certaines rigidités actuelles ont un impact direct sur le chômage élevé chez les jeunes et les diplômés. Par ailleurs, il faut anticiper la situation du marché de travail quand les entreprises tourneront à 100%. En effet, actuellement, toute accélération de la croissance encourt le risque de freinage endogène au regard de certains points négatifs actuels du facteur travail (insuffisance de qualifications, risque de grèves…).