Maroc

Jawad Hilali : “L’aquaculture est le futur de la pêche maritime”

Jawad Hilali. Président de la Chambre des pêches maritimes de l’Atlantique Centre d’Agadir (CPMA)

Plusieurs investisseurs concrétisent actuellement leurs engagements dans le cadre du plan aquacole de la Région Souss-Massa. Quel regard portez-vous sur le développement de cette activité ?
Avec une part de 3% du PIB national et 35% du PIB régional, le secteur de la pêche maritime est une activité très importante pour notre économie régionale, car elle emploie pratiquement 500.000 personnes. Cette activité produit 1,4 million de tonnes/an et génère un chiffre d’affaires égal à 22,5 MMDH grâce au segment hauturier composé de 223 unités, le segment côtier constitué de 239 unités, et l’artisanal de 1.306 barques. Dorénavant, à ces trois segments, il faut ajouter une quatrième composante qu’est le segment aquacole. Depuis la création de l’Agence nationale pour le développement de l’aquaculture (ANDA) en 2011, dans le cadre de la stratégie Halieutis, qui passera prochainement à sa seconde mouture, l’aquaculture est considérée comme le futur de notre secteur. À court terme, cette branche sera la locomotive de notre activité puisque les conditions sont favorables pour faire de ce secteur un véritable levier de développement devant la baisse des stocks halieutiques. Pour rappel, il y a plus d’une décennie, nous sommes passés par une crise sans précédent liée à la baisse des stocks de poissons, couplée à l’augmentation des prix des hydrocarbures. Actuellement, bien que ce stock soit reconstitué et géré d’une façon durable et efficiente, la ressource halieutique enregistre des hauts et des bas, d’où le développement de cette branche d’activité qui garantira l’équilibre sur le marché.

Avec la baisse de la ressource halieutique, ne pensez-vous pas que ce soit le moment de changer de paradigme du côté des professionnels vers la branche aquacole ?
La consommation mondiale de poisson est passée à 50% issue de l’aquaculture, d’où l’importance de ce secteur pour notre pays qui générera un effet bénéfique. Tout d’abord, il assurera l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché national. Aussi, le rendement de l’aquaculture est très important pour notre secteur. En témoigne le potentiel de production aquacole révélé par la stratégie réalisée par l’ANDA, qui est de l’ordre de 81.000 tonnes/an sur une superficie de 4.110 ha. De ce fait, cette branche comblera la baisse constatée du stock à travers la production et la commercialisation des produits aquacoles. Effectivement, c’est le moment de réfléchir à cette perspective. Parallèlement, un grand travail est déjà engagé grâce à la création de l’ANDA et le lancement de la planification aquacole, à travers la mise en œuvre de plans aquacoles au niveau des différents régions du royaume, en plus de la mise en place des mesures fiscales dédiée à l’aquaculture dans le cadre de la loi de Finances 2018.

Est-ce que la production aquacole sera porteuse aussi bien sur le marché national qu’à l’export ?
On sait très bien qu’à cause de la question de l’offre et la demande, les prix de certains produits halieutiques sont jugés chers sur le marché national à cause des prix plus rémunérateurs à l’échelon de l’export. Dans ce sens, la production aquacole permettra de combler ce déficit. Elle permettra de développer la consommation locale à travers un effet d’incitation. L’aquaculture rétablira aussi l’équilibre dans le marché local et permettra d’augmenter nos exportations aquacoles à l’étranger, à l’instar de la France et de l’Espagne qui sont de grands producteurs d’aquaculture. Aujourd’hui, l’intérêt des investisseurs étrangers est porté essentiellement vers l’export en raison de la proximité du Maroc avec ses principaux marchés, et les conditions favorables de production et de valorisation. On est très optimistes concernant le développement de ce créneau qui attire déjà des investisseurs étrangers, notamment des Espagnols et d’autres.

La Chambre des pêches maritimes a un rôle fédérateur. Comment accompagne-t-elle le développement de ce secteur en général, et les investisseurs en particulier ?
Notre rôle est à caractère professionnel, à travers une mise en relation avec les maillons du secteur. Il permet essentiellement la prospection des différentes zones aquacoles pour l’implantation de fermes aquacoles en partenariat avec l’ANDA. Parallèlement à l’installation des investisseurs qui boosteront davantage ce créneau, une convention a été signée en 2019 avec notre Chambre et le ministère des Finances, ainsi que le département de la Pêche (DPM) et l’ANDA, dans le cadre de l’appui sectoriel pour le soutien des projets portés par les Jeunes entrepreneurs (JE) et les coopératives de pêcheurs. Le même partenariat a été scellé au niveau d’autres régions, notamment Tanger-Tetouan-Al Hoceima, Dakhla-Oued Eddahab, Casa-Settat… Pour l’accompagnement de projets aquacoles dans notre région, la Chambre participe à l’évolution de ce segment au niveau des deux régions. Il s’agit des Régions Souss-Massa et Guelmim Oued-Noun qui disposent respectivement de 24 et 6 projets dans le cadre de leurs plans aquacoles.

Où en est l’accompagnement des projets dédiés aux Jeunes entrepreneurs et aux coopératives ?
Jusqu’à présent, notre Chambre a appuyé 6 projets dans la Région Souss-Massa et prochainement 3 à Guelmim-Oued Noun. Au niveau de la Région Souss-Massa, 4 projets ont déjà été attribués, la semaine dernière, en faveur de 2 jeunes entrepreneurs et de 2 coopératives à Tiguert et à Imi Ouaddar, alors que 2 autres projets sont en cours au profit d’un jeune promoteur et d’une coopérative féminine à Massa. Pour la Région Guelmim-Oued Noun, les 3 projets seront également attribués en faveur de 2 groupements de jeunes entrepreneurs et de la coopérative R’Kount au niveau du point de débarquement éponyme. Cette convention de financement porte sur l’acquisition et l’installation de filières aquacoles pour les projets précités à travers des primes à l’investissement, notamment pour les jeunes promoteurs et les coopératives. L’enveloppe budgétaire dédiée à cet appui est fixée à 2 MDH par projet.

Comment se porte le secteur de la pêche dans ce contexte de pandémie ?
Le secteur de la pêche a continué, à l’instar d’autres secteurs, à approvisionner le marché national malgré les difficultés et les risques inhérents au contexte de la pandémie, et la perturbation des chaînes d’approvisionnement. Sur le plan de la pêche côtière et artisanale, les exportations ont cessé d’un seul coup, ce qui a créé un surplus de production et la baisse des prix. Une situation qui a fortement impacté le secteur à cause de l’abondance de la production qui a été absorbée essentiellement par le marché national. Concernant la pêche hauturière, elle a aussi souffert puisque nos produits sont essentiellement destinés à l’Europe, essentiellement l’Espagne et l’Italie qui sont touchées par la pandémie, en plus de l’Asie (Japon, Corée et la Chine). Les répercussions sur ce segment ont été minimisées grâce à la congélation, dans un contexte de reprise post-confinement. Cette deuxième vague impactera aussi le secteur qui a toutefois renforcé sa résilience durant cette crise. 

Yassine Saber / Les Inspirations Éco



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