Initiative triple A : le Maroc et la FAO lancent une académie régionale sur le système alimentaire

En marge du SIAM, Ahmed El Bouari, ministre de l’Agriculture, a annoncé l’intention du Maroc de créer une académie régionale sur le système alimentaire avec la FAO. La signature de la lettre d’intention pour ce projet a été officialisée à l’issue de la 5e conférence ministérielle de l’initiative Triple A.
À moins de sept mois de la COP 30 à Belém au Brésil (du 10 au 21 novembre), la 5e Conférence ministérielle de l’initiative «Adaptation de l’agriculture africaine» (Triple A) s’est tenue, mercredi, en marge du Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM), en prélude à la réunion du comité scientifique de l’initiative.
Placée sous le thème de l’agroforesterie comme solution stratégique, cette rencontre a été marquée par la participation des ministres de l’Agriculture et les représentants d’organisations et institutions de financement internationales et régionales. Une nouvelle fois, la question des financements a été au cœur de débats puisque sur plus de 660 milliards de dollars de financement pour le climat, à peine 4% sont dédiés à l’adaptation et à l’agriculture.
Pire encore, «dans les pays africains où l’agriculture contribue à des parts importantes dans le PIB national, les banques ne financent que pour 5% l’agriculture. D’où la préparation d’une feuille de route pour pouvoir faire face à ces barrières, notamment pour l’agenda international avec la COP 30 en pleine Amazonie», relève Seyni Nafo, secrétaire général de l’initiative Triple A.
Ladite feuille de route devra permettre à l’Afrique non seulement de se présenter en front uni pour faire face aux prochains enjeux.
Une réponse ambitieuse aux défis climatiques
Ahmed El Bouari, qui représentait le Maroc à cette conférence ministérielle, a annoncé que le Royaume comptait créer une académie régionale sur le système alimentaire, en partenariat avec la FAO.
Dans ce sens, la signature de la lettre d’intention pour la création au Maroc de cette académie régionale a été officialisée à l’issue de la rencontre.
«Cette conférence représente une occasion unique pour l’Afrique de renforcer ses positions, d’exprimer ses priorités avec clarté et de contribuer activement à la définition de solutions globales, justes et ambitieuses», a souligné le ministre de l’Agriculture, rappelant que, selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, l’Afrique se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale avec une hausse de 0,3 degrés par décennie.
Ce réchauffement accentue les sécheresses, dérègle les pluies et accélère l’érosion des sols, mettant en danger les rendements agricoles et la sécurité alimentaire de millions de familles.
Dans ce contexte, l’Initiative Triple A offre «une réponse panafricaine ambitieuse» pour renforcer la résilience agricole et s’impose aujourd’hui comme une plateforme africaine de référence pour l’adaptation agricole. Aujourd’hui, plus que jamais, cette initiative doit devenir une force de mobilisation. D’après les experts, sans action forte, l’Afrique pourrait perdre jusqu’à 27% de sa production agricole d’ici 2050.
Le secteur financier a un rôle essentiel à jouer
Pour sa part, Mohammed Fikrat, président du directoire du Crédit agricole du Maroc, a mis l’accent sur l’urgence «d’adapter les modèles agricoles pour construire une Afrique plus résiliente, plus souveraine sur le plan alimentaire et pleinement engagée dans la voie du développement durable». Dans ce contexte, l’agroforesterie émerge comme une réponse concrète à cette problématique.
«Au Maroc, l’agroforesterie est une approche profondément enracinée dans la tradition agricole, notamment comme à l’image de ce qui se passe dans plusieurs pays africains, notamment dans les zones oasiennes et montagneuses».
Aujourd’hui, l’écosystème agroforestier couvre près de 10 millions d’hectares et 9 millions de domaines forestiers en plus de 83.000 hectares de la filière de l’arganier et 154.000 hectares d’espaces oasiens, dont 60.000 de palmiers dattiers.
«Derrière ces chiffres, ce sont des millions de Marocaines et de Marocains qui vivent de la forêt. Près de 7 millions de personnes dépendent de ces ressources. Le secteur génère 9,5 millions de journées de travail par an avec un chiffre d’affaires de 3,1 milliards de dirhams pour l’industrie par exemple du bois», a souligné Fikrat.
Dans le détail, la filière de l’arganier emploie quelque 850 coopératives féminines et génère près d’un milliard de dirhams annuellement. Quant à la filière phoénicicole, elle représente 3 milliards de dirhams de chiffre d’affaires annuel.
Toutefois, ces espaces agroforestiers figurent aussi parmi les plus vulnérables. «Ils subissent de plein fouet le stress hydrique, l’érosion de sol, la désertification, l’accès parfois limité à l’énergie, au financement et au marché, sans oublier la nécessité de renforcer les compétences des femmes et des jeunes et du capital humain de manière générale qui y vivent», insiste Fikrat.
Partant de ce constat, le président du directoire du Crédit agricole du Maroc est convaincu que le secteur financier a un rôle essentiel à jouer.
«Nous devons être un catalyseur du changement en soutenant l’accès et la facilitation à des financements sur mesure, encourager l’innovation verte et l’accompagnement vers des pratiques agricoles résilientes», a-t-il exhorté.
Cela passe par des actions très concrètes, entre autres, préserver la santé des sols, mieux gérer l’eau, utiliser les énergies renouvelables, promouvoir les itinéraires techniques durables, le semis direct, rotation des cultures, ainsi que l’usage des biofertilisants et la valorisation des déchets agricoles et des coproduits agricoles.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO