Hydrogène vert : quelle stratégie pour placer le Maroc sur l’échiquier mondial ?
Confronté aux défis mondiaux liés au changement climatique et à la transition énergétique, le Maroc a entrepris de devenir un acteur clé dans le domaine de l’hydrogène vert. C’est sous le thème «Verrous scientifiques et technologiques de l’hydrogène vert au Maroc» que s’est tenue la 17e session plénière commémorant l’installation de l’Académie Hassan II des sciences et techniques.
Bénéficiant d’un climat favorable et de vastes ressources naturelles, le Royaume se positionne comme un futur champion de la production d’hydrogène vert. Néanmoins, des voix discordantes se sont fait entendre lors de la 17e Session plénière commémorant l’installation de l’Académie Hassan II des sciences et techniques.
État des lieux
L’hydrogène vert est une solution prometteuse pour décarboner les secteurs de l’énergie, des transports et de l’industrie. Le Maroc, avec son abondance de ressources renouvelables et son engagement envers le développement durable, est bien placé pour en exploiter le potentiel. Mais certains experts du secteur énergétique mettent en garde contre des défis qui pourraient freiner son développement.
Abderrahim Maazouz, expert en la matière, rappelle que l’hydrogène, de par sa simplicité, la multiplicité de ses usages et modes de production, et son potentiel à être une énergie propre, suscite un grand engouement des communautés académique, industrielle et politique.
«Un déploiement massif des énergies renouvelables nécessite de prévoir le stockage des surplus d’électricité sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, ce qui peut être espéré du vecteur hydrogène. Celui-ci serait ensuite utilisé en mobilité ou directement dans les réseaux de gaz. En 2023, le marché de l’hydrogène pourrait atteindre 200 milliards de dollars à l’échelle mondiale», estime-t-il.
Un autre aspect soulevé par les experts concerne les capacités de production. «Il n’est pas aisé de fabriquer de l’hydrogène vert à cause du prix d’acquisition du matériel nécessaire», juge pour sa part Mahfoud Ziyad, professeur émérite à la faculté des sciences de Rabat.
Il ajoute que la technologie existante est «loin d’être performante, car il subsiste encore des problèmes au niveau de l’électrolyseur qui est la pièce maîtresse de l’unité de production. Ces problèmes résident surtout au niveau des électrodes et des catalyseurs qui les recouvrent».
Les laboratoires universitaires nationaux doivent, selon lui, s’approprier ces recherches, car cela pourrait permettre de créer une industrie locale compétitive. Les intervenants relèvent également les défis des chaînes de valeur de l’hydrogène vert. En effet , leurs problématiques font l’objet d’activités de R&D intenses à l’échelle internationale depuis plus de trois décennies. Quant à leurs technologies, elles n’ont pas encore atteint un niveau de maturité industrielle suffisant pour être compétitive, ce qui nécessite, de la part du Maroc, des efforts importants en R&D.
«Ces efforts mettraient à profit de manière optimale l’état de l’art scientifique et technologique dans ce domaine pour l’optimisation de la chaîne de valeur d’hydrogène vert à court, moyen et long terme. Le nexus eau-énergie correspondant mériterait une attention particulière de la communauté R&D nationale pour tenir compte du stress hydrique qui sévit au Maroc», indique Tijani Bounahmidi, membre résident de l’Académie, et ingénieur des procédés.
Les solutions plausibles
Pour maximiser les avantages de l’hydrogène vert, il est essentiel de mettre en place une chaîne de valeur optimale, allant de la production à l’utilisation finale. On cite, parmi les recommandations formulées, la mise en place d’un consortium de recherche pour la chaîne de valeur de l’hydrogène vert au Maroc. Il a également appelé à développer des recherches sur le nexus eau-énergie pour réduire la consommation d’eau et d’énergie de la chaîne de valeur. De même, il faut concevoir des procédés souples en demande d’énergie pour réduire les capacités de stockage nécessaires à l’équilibre du réseau électrique.
Pour la décarbonation de l’industrie, il est nécessaire de concevoir des chaînes de valeur décentralisées. Il s’agit aussi de mettre à profit l’état de l’art sur l’hydrogène vert pour la conception optimale de chaînes de valeur. Il a par ailleurs appelé à encourager le développement de cursus de formation pouvant répondre aux besoins en compétences multidisciplinaires de la CVH2V. Il convient également de noter que les infrastructures nécessaires pour l’expansion de l’énergie renouvelable peuvent être coûteuses et exiger des investissements importants, d’où la nécessité de financer les structures d’accompagnement des projets.
Tenue d’une masterclass sur la certification de l’hydrogène vert
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO