Gouvernement/bilan de mi-mandat. Amère réalité !

Le grand oral passé par le chef de gouvernement, invité de l’UPF-Maroc, est révélateur d’un satisfecit inquiétant. Sur le terrain, la réalité est tout autre.
Deux années, jour pour jour, se sont écoulées depuis l’avènement du gouvernement El Othmani. L’exercice préféré des journalistes consiste à dresser un bilan d’étape (les 100 premiers jours, mi-mandat…). Un exercice duquel ne s’est pas privée l’Union de la presse francophone – section Maroc, qui a reçu le chef de gouvernement mardi 23 avril. Mais celui-ci a-t-il joué le jeu? Ses réponses ont-elles convaincu? Rien n’est moins sûr.
Satisfecit inquiétant
Le chef de gouvernement énumère les «exploits» de son cabinet réalisés «en si peu de temps», à l’instar de cette charte de déconcentration qui aurait mis vingt années avant de voir le jour sous la bonne étoile d’El Othmani. Il met en avant l’augmentation des budgets de l’enseignement et de la santé, et ne tarit pas d’éloges sur les biens de la régionalisation avancée. Et quand le HCP annonce une légère baisse du taux de chômage, l’instance de Lahlimi devient soudainement une référence! En guise de charte de déconcentration, à ce jour, il n’y a qu’une déclaration d’intentions signée par quelques ministères. Il va falloir nous présenter un rétroplanning de mise en oeuvre et les moyens pour y parvenir. C’est le minimum pour assurer le suivi de la mise en place de ladite déconcentration, et ce n’est qu’à ce moment-là qu’on aura les outils nécessaires pour juger de la fiabilité (ou non) dudit projet. S’agissant de l’augmentation des budgets des deux ministères les plus budgétivores, l’enseignement et la santé, ce n’est pas en soi un exploit. Bien au contraire: vu les moyens limités du pays, le Maroc a plus besoin de rationalisation que d’augmentation des budgets, en s’endettant ou en grevant davantage les Marocains, côté impôts. Et puis, si ces budgets ont été effectivement augmentés, quels résultats a-t-on obtenus? Pas besoin d’études à coup de millions de dirhams: les Marocains ont fait le choix du secteur privé puisque le service public est en quasi-faillite. Une fonction publique en décadence, avec des fonctionnaire qui travaillent de moins en moins et qui réclament tout le temps des augmentations de salaires. Des hôpitaux publics qui font fuir les citoyens, dont la gestion est des plus opaques. Une école publique parmi les plus faibles au monde, dans le fond comme dans la forme.
Des chiffres clés
Le classement du Maroc dans différents services et catégories donne le tournis. Hormis le Doing Business que brandit fièrement le chef de gouvernement, le Maroc est mal classé partout. 123e dans l’Indice de développement humain, ce qui corrobore nos propos. 135e en matière de liberté de la presse, derrière des républiques bananières, alors que le royaume a tout pour être un modèle dans la région. 75e en indice de compétitivité avec à peine un score de 58 sur 100, en dessous de la moyenne mondiale (61). 98e dans le nouvel Indice du capital humain de la Banque mondiale, selon l’AMDIE. Revenons au classement du Doing Business, dans lequel le Maroc s’est nettement amélioré en termes de climat des affaires. A-t-on seulement sondé, sur le terrain, l’opinion des hommes d’affaires et investisseurs? Il faut aller faire un tour dans les tribunaux de commerce pour voir tout ce qui plombe le climat des affaires. Les délais trop longs, l’injustice parfois ressentie et les difficultés d’obtenir gain de cause plombent toute confiance en la justice marocaine. Demandez aux investisseurs ce qu’ils redoutent le plus dans l’acte d’investir, vous aurez la réponse. Demandez-leur pourquoi ils n’ont de cesse d’évoquer le «manque de visibilité»! Par ailleurs, ce mi-mandat est caractérisé par l’aggravation de l’endettement du pays du fait de l’absence d’ingéniosité dans la gestion des finances publiques. Nos gouvernants n’arrivent pas à gérer la rareté et, à défaut, s’endettent. C’est le choix de la facilité qui hypothèque l’avenir des Marocains.
La bonne gouvernance pour s’endetter moins
Ce qui manque à notre économie, et que ni les gouvernements successifs, ni la Constitution de 2011 n’ont pu instaurer à ce jour, c’est la bonne gouvernance qui passe par l’éradication de l’impunité et la mise en place d’une véritable reddition des comptes. Le pays dilapide des milliards de dirhams chaque année en payant des personnes qui ne font rien, notamment dans la fonction publique, en fermant les yeux sur la surfacturation des marchés publics, en étant impuissant face à l’économie de rente, en faisant de la reddition des comptes un slogan plutôt qu’une méthodologie appliquée sans dérogation aucune. C’est cela, la bonne gouvernance: mettre la main sur les milliards de dirhams qui sont dilapidés, et non signer chaque année des lignes de précaution auprès du FMI ou se targuer du fait que les demandes du Maroc à s’endetter sont toujours acceptées par les banques internationales! Le nouveau modèle de développement, qui n’est apparemment plus une priorité, doit s’articuler autour de ces axes, autrement il ne serait que littérature.